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mardi 4 décembre 2018

Sukiyaki uesutan Jango de Takashi Miike (2007) - ★★★★★★★★☆☆




Le western est un genre aussi vieux que le cinéma puisque quelques années près l'apparition du cinématographe, au tout début du vingtième siècle, plusieurs cinéastes se sont penchés dessus à travers des longs-métrages qui à l'époque étaient encore muets. Au beau milieu de ce même siècle, le genre connaît son apogée avec des acteurs tels que John Wayne et Gary Cooper, deux des plus grandes figues d'un western épique laissant une large place à l'Ouest Américain, profitant des superbes décors offerts par le site naturel Monument Valley situé à la frontière séparant l'Utah de l'Arizona. Le western ne pouvant définitivement demeurer lettre morte en Europe, c'est sans aucun doute en Italie qu'il faut se rendre afin d'y découvrir les fameux Westerns Spaghettis dont certains auteurs se nomment Giuseppe Colizzi, Ferdinando Baldi, Lucio Fulci, Sergio Corbucci, mais dont le plus célèbre demeure pour le grand public le cinéaste Sergio Leone qui avec des classiques tels que Le Bon, la Brute et le Truand, Pour une Poignée de Dollars ou encore Il Était une Fois dans l'Ouest a véritablement donné ses lettres de noblesses à cette excroissance transalpine. L'Espagne elle aussi s'y attélera jusqu'à récemment, le cinéaste Alex de la Iglesia avec son film-hommage au genre, 800 Balas réalisé en 2002. Aux États-Unis, l'acteur américain rentre avec dans ses valises l'expérience acquise auprès de Sergio Leone, puis interprète pour d'autres cinéastes américains et réalise lui-même quelques classiques du genre spaghettis dont l'extraordinaire L'Homme des Hautes Plaines en 1973, que certains considèrent comme faisant partie d'un autre sous-groupe du western, dit, le Western Crépusculaire, au même titre que Pendez-les Haut et Court de Ted Post, La Horde Sauvage de Sam Penckinpah, ou Impitoyable que réalisa une fois encore Clint Eastwood en 1992 et qui signa le retour flamboyant du western « tout court » sur grand écran. On connaît la suite...

Sans doute moins connus du grand public, l'Union Soviétique fut à l'origine du sous-genre Ostern, ou Western Rouge avec notamment Jo Limonade du tchécoslovaque Oldrich Lipsky en 1964, Le Soleil blanc du désert du soviétique et biélorusse Vladimir Yakovlevitch Motyl, ou encore L'Homme du boulevard des Capucines de l'ukrainienne Alla Sourikova en 1987, ainsi que le Japon, auquel le genre demeure assez peu rattaché puisqu'en dehors de quelques co-productions (américano-germano-japonaise avec Dead Man de Jim Jarmusch et américano-japonaise avec Mort ou Vif de Sam Raimi, tous les deux sortis la même année en 1995), et ce malgré quelques brillantes sources d'inspiration ayant elles-mêmes élevé le genre outre-Atlantique (Les Sept Mercenaires de John Sturges ayant été grandement inspiré par Les Sept Samouraïs d'Akira Kurosawa et Pour une Poignée de Dollars de Sergio Leone l'ayant été par Le Garde du Corps, lui-même également réalisé par ce même cinéaste japonais), eouvres japonaises étant davantage ancrées dans la mythologie des Samouraïs.

Un oubli que tentera d'effacer le cinéaste japonais multi-facettes Takashi Miike en 2007 avec, si je ne me trompe pas (mais n'hésitez pas à me le faire savoir dans le cas contraire), le seul véritable exemple de Western Takoyakis (terme inventé par mes soins, veuillez m'en excuser). Forcément meilleur film dans sa catégorie puisque unique représentant, Sukiyaki uesutan Jango. pourra selon l'humeur du spectateur, être également considéré comme le moins bon. Logique ! S'il demeure une certitude qu'il sera peu aisé de défaire, c'est l'hommage rendu de la part de Takashi Miike, auteur de plus d'une centaine de longs-métrage en trente ans, au western... spaghetti. Celui-ci, et aucun autre. Surtout pas celui de Cooper, de Wayne ou de Ford. L'entame, d'ailleurs, permet de s'en rendre compte très rapidement avec son décor de carton-pâte théâtrale signifiant ses origines asiatiques (Un soleil couchant énorme figurant aux côtés du Mont Fuji). Mais que les réfractaires au théâtre se rassurent dès à présent. Après un préambule mettant en scène un Quentin Tarantino sous forme d'hommage plus que de véritable personnage à part entière, les choses sérieuses commencent dans un décor réel d'une beauté crasse qui siéra forcément aux amateurs de westerns spaghettis en général, et au classique de Sergio Leone Pour une Poignée de Dollars en particulier. Takashi Miike transpose deux de ses domaines de prédilection (Yakuza-eiga et Chanbara) et surtout, permet à sa nation la réappropriation d'une idée originale datant de 1954 et œuvre des scénaristes Akira Kurosawa, Shinobu Hashimoto et Hideo Oguni.

Car effectivement, Sukiyaki uesutan Jango n'est rien moins que le remake, du remake des Sept Samouraïs d'Akira Kurosawa. Le cinéaste japonais y réinvente le sous-genre à la sauce teriyaki. Quoique le côté sucré de la chose ait été remplacé par le goût cuivré du sang. Celui que versent des dizaines de figurants, les uns à la solde des blancs (Genjis), les autres à celle des rouges (heike). Deux clans rivaux s'opposant depuis des années, le premier à la tête duquel trône Yoshitsune (l'acteur Yusuke Iseya), le second durement dirigé par Kiyomori (Koichi Sato). Au milieu des deux, un pistolero sans nom (incarné par Hideaki Ito quarante-trois ans après Clint Eastwood), la légendaire pistolero « Bloody Ruriko Benten », et un gamin rendu muet après la tragique disparition de son père. Western oblige, Takashi Miike demande à ses personnages de remiser leur sabre au second plan, les préférant voir faire parler la poudre. Si le spectacle est très souvent jouissif, on regrette qu'il n'ait pas davantage soutenu cet aspect exotique, surtout que lors des rarissimes démonstration du savoir-faire de certains interprètes en matière de maniement d'arme blanche, l'aspect cérémonieux de la chose pousse l'envie d'en contempler davantage.

Takashi Miike opte pour une western spaghetti relativement violent même si on l'a connu plus radical encore. Comme à son habitude, il oppose des individus solitaires ou des regroupements très restreints face à des hordes de soldats dirigés par des personnages hyper-charismatiques. Gros grain, couleurs délavées, village de far west déserté par la plupart de ses villageois, shérif poltron, décor terminant sous un épais manteau de neige, et duel final... Takashi Miike remet les choses dans leur contexte et produit avec Sukiyaki uesutan Jango, l'un des meilleurs westerns de ces trente ou quarante dernières années. On rêve de l'y voir refaire un tour dans les années à venir...

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