Le western est un genre
aussi vieux que le cinéma puisque quelques années près
l'apparition du cinématographe, au tout début du vingtième siècle,
plusieurs cinéastes se sont penchés dessus à travers des
longs-métrages qui à l'époque étaient encore muets. Au beau
milieu de ce même siècle, le genre connaît son apogée avec des
acteurs tels que John Wayne et Gary Cooper, deux des plus grandes
figues d'un western épique laissant une large place à l'Ouest
Américain, profitant des superbes décors offerts par le site
naturel Monument Valley situé
à la frontière séparant l'Utah de l'Arizona. Le western ne pouvant
définitivement demeurer lettre morte en Europe, c'est sans aucun
doute en Italie qu'il faut se rendre afin d'y découvrir les fameux
Westerns Spaghettis
dont certains auteurs se nomment Giuseppe Colizzi, Ferdinando Baldi,
Lucio Fulci, Sergio Corbucci, mais dont le plus célèbre demeure
pour le grand public le cinéaste Sergio Leone qui avec des
classiques tels que Le Bon, la Brute et le
Truand,
Pour une Poignée de Dollars
ou encore Il Était une Fois dans l'Ouest
a
véritablement donné ses lettres de noblesses à cette excroissance
transalpine. L'Espagne elle aussi s'y attélera jusqu'à récemment,
le cinéaste Alex de la Iglesia avec son film-hommage au genre, 800
Balas
réalisé en 2002. Aux États-Unis, l'acteur américain rentre avec
dans ses valises l'expérience acquise auprès de Sergio Leone, puis
interprète pour d'autres cinéastes américains et réalise lui-même
quelques classiques du genre spaghettis
dont l'extraordinaire L'Homme des Hautes Plaines
en 1973, que certains considèrent comme faisant partie d'un autre
sous-groupe du western, dit, le Western
Crépusculaire,
au même titre que Pendez-les Haut et Court
de Ted Post, La Horde Sauvage
de Sam Penckinpah, ou Impitoyable que
réalisa une fois encore Clint Eastwood en 1992 et qui signa le
retour flamboyant du western « tout
court »
sur grand écran. On connaît la suite...
Sans
doute moins connus du grand public, l'Union Soviétique fut à
l'origine du sous-genre Ostern,
ou Western Rouge
avec notamment Jo Limonade
du tchécoslovaque Oldrich Lipsky en 1964, Le
Soleil blanc du désert
du soviétique et biélorusse Vladimir Yakovlevitch Motyl, ou encore
L'Homme du boulevard des Capucines
de l'ukrainienne Alla Sourikova en 1987, ainsi que le Japon, auquel
le genre demeure assez peu rattaché puisqu'en dehors de quelques
co-productions (américano-germano-japonaise avec Dead
Man
de Jim Jarmusch et américano-japonaise avec Mort
ou Vif
de Sam Raimi, tous les deux sortis la même année en 1995), et ce
malgré quelques brillantes sources d'inspiration ayant elles-mêmes
élevé le genre outre-Atlantique (Les Sept
Mercenaires
de John Sturges ayant été grandement inspiré par Les
Sept Samouraïs
d'Akira Kurosawa et Pour une Poignée de Dollars
de Sergio Leone l'ayant été par Le Garde du
Corps,
lui-même également réalisé par ce même cinéaste japonais),
eouvres japonaises étant davantage ancrées dans la mythologie des
Samouraïs.
Un
oubli que tentera d'effacer le cinéaste japonais multi-facettes
Takashi Miike en 2007 avec, si je ne me trompe pas (mais n'hésitez
pas à me le faire savoir dans le cas contraire), le seul véritable
exemple de Western
Takoyakis
(terme inventé par mes soins, veuillez m'en excuser). Forcément
meilleur film dans sa catégorie puisque unique représentant,
Sukiyaki uesutan
Jango.
pourra selon l'humeur du spectateur, être également considéré
comme le moins bon. Logique ! S'il demeure une certitude qu'il
sera peu aisé de défaire, c'est l'hommage rendu de la part de
Takashi Miike, auteur de plus d'une centaine de longs-métrage en
trente ans, au western... spaghetti.
Celui-ci, et aucun autre. Surtout pas celui de Cooper, de Wayne ou de
Ford. L'entame, d'ailleurs, permet de s'en rendre compte très
rapidement avec son décor de carton-pâte théâtrale signifiant ses
origines asiatiques (Un soleil couchant énorme figurant aux côtés
du Mont Fuji). Mais que les réfractaires au théâtre Nô
se rassurent dès à présent. Après un préambule mettant en scène
un Quentin Tarantino sous forme d'hommage plus que de véritable
personnage à part entière, les choses sérieuses commencent dans un
décor réel d'une beauté crasse qui siéra forcément aux amateurs
de westerns
spaghettis en
général, et au classique de Sergio Leone Pour
une Poignée de Dollars
en particulier. Takashi Miike transpose deux de ses domaines de
prédilection (Yakuza-eiga
et Chanbara)
et surtout, permet à sa nation la réappropriation d'une idée
originale datant de 1954 et œuvre des scénaristes Akira Kurosawa,
Shinobu Hashimoto et Hideo Oguni.
Car
effectivement, Sukiyaki
uesutan Jango
n'est rien moins que le remake, du remake des Sept
Samouraïs d'Akira
Kurosawa. Le cinéaste japonais y réinvente le sous-genre à la
sauce teriyaki. Quoique le côté sucré de la chose ait été
remplacé par le goût cuivré du sang. Celui que versent des
dizaines de figurants, les uns à la solde des blancs (Genjis), les
autres à celle des rouges (heike). Deux clans rivaux s'opposant
depuis des années, le premier à la tête duquel trône Yoshitsune
(l'acteur Yusuke Iseya), le second durement dirigé par Kiyomori
(Koichi Sato). Au milieu des deux, un pistolero sans nom (incarné
par Hideaki Ito quarante-trois ans après Clint Eastwood), la
légendaire pistolero «
Bloody Ruriko
Benten »,
et un gamin rendu muet après la tragique disparition de son père.
Western oblige, Takashi Miike demande à ses personnages de remiser
leur sabre au second plan, les préférant voir faire parler la poudre. Si
le spectacle est très souvent jouissif, on regrette qu'il n'ait pas
davantage soutenu cet aspect exotique, surtout que lors des
rarissimes démonstration du savoir-faire de certains interprètes en
matière de maniement d'arme blanche, l'aspect cérémonieux de la
chose pousse l'envie d'en contempler davantage.
Takashi
Miike opte pour une western
spaghetti
relativement violent même si on l'a connu plus radical encore. Comme
à son habitude, il oppose des individus solitaires ou des
regroupements très restreints face à des hordes de soldats dirigés
par des personnages hyper-charismatiques. Gros grain, couleurs
délavées, village de far west déserté par la plupart de ses
villageois, shérif poltron, décor terminant sous un épais
manteau de neige, et duel final... Takashi Miike remet les choses
dans leur contexte et produit avec Sukiyaki
uesutan Jango,
l'un
des meilleurs westerns de ces trente ou quarante dernières années.
On rêve de l'y voir refaire un tour dans les années à venir...
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