Dans les salles de
cinéma, il est logique qu'il y soit interdit de fumer. Comme il est
normal d'y payer sa place. Ou de ne surtout pas filmer le film qui y
est diffusé à des fins de téléchargement illégal. L'idéal est
de s'y rendre à jeun afin de ne pas perturber ses voisins avec des
propos incohérents ou une haleine chargée. Autant dire qu'envoyer
des sms, jouer à Candy Crush ou tout simplement téléphoner durant
la séance est carrément proscrit. On peut encore continuer
longtemps à donner des conseils, comme de ne pas uriner contre les
murs, ne pas manger comme un porc ou déverser le contenu de son
verre de soda sur le siège voisin (idem pour le pop-corn : on
évitera d'en jeter devant ou derrière soit ou d'en disséminer sur
le sol). Mais s'il demeure un conseil qu'il est fortement conseillé
de mettre en application durant la projection du film dont il s'agit
dans cet article, c'est de se taire. De fermer sa gueule comme le
diront ceux qui ne supportent pas même les soupirs de leurs voisins.
Car Sans un Bruit
joue
justement sur le bruit. Ou plutôt, l'absence de bruit. Une idée
originale invoquant l'un des cinq sens : l’ouïe. Celle de
créatures ayant décimé une très grande partie de la population
mondiale. Aveugles, et apparemment dénués de tout odorats, ces
monstres à la morphologie très vaguement humaine traquent les
quelques survivants de notre espèce encore en vie. Et parmi ces
derniers, les Abbott. Le père, tout d'abord, prénommé Lee. Puis
son épouse Evelyn. Pas encore enceinte, mais c'est pour bientôt.
Puis les enfants Marcus, Beau, et enfin Regan. Cette dernière est
incarnée à l'écran par la jeune actrice américaine Millicent
Simmonds, laquelle perd l'audition à l'âge d'un an après une
surdose de médicaments. De l'aveu même du réalisateur John
Krasinski dont il s'agit ici du troisième long-métrage, le choix de
l'actrice n'est pas le fruit du hasard mais bien un choix volontaire.
Il voulait que l'actrice incarnant la sourde Regan le soit elle-même
réellement dans la vie.
D'un
point de vue scénaristique, l'idée est ingénieuse. Elle explique
ainsi comment une famille constituée de cinq membres ont acquis
aussi rapidement après l’annihilation de l'espèce humaine, la
capacité de communiquer à travers le langage des signes. Car le
point crucial quant à la survie des Abbott, c'est le silence.
Interdit de prononcer le moindre mot ou de faire le moindre bruit.
Marcher pouvant même revêtir un certain danger, les membres de la
famille marchent pieds nus et tapissent le sol de sable pour amortir
leurs pas.
Le
film débute au quatre-vingt neuvième jour suivant le début de
l'attaque de créatures dont nous n'apprendrons rien sur les
origines. Quelques plans nous montrent une terre dévastée.
Abandonnée. La végétation a déjà repris ses droits dans les
cités. Il ne subsiste plus que quelques denrées dans les
supermarchés, et il n'y a plus âme qui vive. A part les Abbott qui
au bout de dix minutes seulement vont connaître leur premier
malheur.
Ils
sont ensuite projetés un an plus tard. C'est là que l'on découvre
Evelyn enceinte. Et l'accouchement est pour bientôt. La famille
s'est réfugiée dans une ferme, créant un univers tournant autour
du silence. Jusqu'à présent, tout s'est à peu près bien déroulé.
Mais la naissance proche de leur futur enfant inquiète Lee et
Evelyn. Quant à Regan, depuis un an elle se croit coupable du drame
qui a coûté la vie à l'un de ses frères. Bien que les
Abbott aient toujours tout mis en œuvre pour éviter de se faire
repérer par les créatures à l’affût, on se doute bien que le
système de survie qu'ils ont mis au point va tôt ou tard se
dérégler...
Déjà
considéré comme l'une des grosses surprises de l'année en matière
d'épouvante, Sans un Bruit
est effectivement une très bonne surprise. Du moins pendant la
première moitié. Jusqu'à ce que le bébé arrive au monde. Parce
qu'après, ça se gâte. Toutes les bonnes idées ayant été
effectivement employées durant, allez, une bonne heure, la dernière
demi-heure n'est que redites. Le film finit donc par se mordre la
queue et tourne en rond sans plus rien nous proposer d'innovant.
Alors oui, on appréciera encore la scène du silo à grains, mais
tout le film est en réalité contenu dans la première moitié... et
un peu davantage. Le silence pratiquement perpétuel est l'occasion
pour John Krasinski d'y intégrer des 'Jump
Scares'
relativement efficaces et surtout, moins nombreux qu'on aurait pu le
craindre. Les interprètes incarnent très honnêtement leur
personnage respectif, mais par contre, les créatures, elles,
demeurent relativement grotesques. Pas vraiment le genre
d'intelligence venue d'ailleurs à laquelle nous aurions pu nous
attendre. Le petit budget (dix-sept millions tout de même) démontre
que seul le talent de son auteur et de ses interprètes suffisent à
faire un bon film. Ici, l'horreur est palpable. Et si les personnages
ne sont pas extraordinairement caractérisés, il arrive que l'on
éprouve des craintes pour leur existence. Sans
un Bruit
est surprenant, innovant, peut-être parfois redondant, mais de là à
dire qu'il s'agit déjà de l'un des meilleurs films d'horreur de
l'année, c'est présager un peu trop vite de la suite. Car
n'oublions pas que le mois de juin n'étant pas encore arrivé à son
terme, la moitié de l'année ne s'est même pas encore écoulée.
Espérons que la seconde nous réservera de belles surprises en
matière de frissons...
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