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samedi 23 juin 2018

The Witch de Robert Eggers (2015) - ★★★★★★★★☆☆



A l'époque de sa sortie qui ne remonte pas si loin que ça dans le temps, The Witch fit couler beaucoup d'encre. Trois ans ont passé depuis, mais que reste-t-il des dithyrambiques propos tenus par certains critiques ? Réponse : une merveilleuse fable. Un conte pour adultes s'inscrivant dans des légendes ancestrales faisant la part belle à la dévotion religieuse. Une œuvre marquée du sceau du Bien et du Mal. Le plus étonnant demeure encore dans la maîtrise de son auteur Robert Eggers, lequel prépare actuellement un nouveau remake de Nosferatu mais qui à l'époque, tournait là son premier long-métrage. Primé aux festivals de Gérardmer et de Sundance, The Witch possède de surcroît des qualités visuelles indéniables. Déjà, nous sommes en 1630, en Nouvelle-Angleterre. Dans une ferme du dix-septième siècle admirablement reconstituée pour l'occasion.
Chassés de leur communauté, William, Katherine et leurs cinq enfants Thomasin, Caleb, Mercy, Jonas, et le plus jeune d'entre eux, Samuel, n'ont pas vu pénétrer au sein de leur famille le Malin depuis que le dernier né a disparu dans la forêt environnante. C'est le début de l'implosion du cercle familial. Car malgré la foi qui étreint chacun de ses membres, la famille va être confrontée à toutes une séries de faits qui vont mettre à rude épreuve leurs croyances...

L'un des points cruciaux participant à l'effroi qui se dégage de l’œuvre de Robert Eggers demeure l'isolement dans lequel sont plongés les protagonistes. L'impossibilité de pouvoir compter sur les villageois qui les ont récemment chassés de chez eux pousse les membres de la famille à se retourner vers celui qu'ils vénèrent : Dieu. Mais le Seigneur, ici, plutôt que de venir en aide à ses brebis préfère encore les baigner de son ébouissante clarté avant de les prendre à ses côtés. Mais d'ailleurs, est-ce vraiment bien lui, ou s'agit-il plutôt du Diable, qui dans le cas présent semble vouloir prendre les traits d'une sorcière. Que la plupart des membres de la famille ont tôt fait de juger qu'il s'agit de Thomasin, la plus âgée des enfants.

« Tu ne voleras pas... »

dit le Nouveau Testament. C'est pourtant bien là le véritable point de départ d'un récit qui d'une certaine manière renoue avec l'esprit de l'âge d'or du cinéma britannique des années 50-70. Bien qu'étant de fervents pratiquants de l'église judéo-chrétienne, le père, William, commettra un acte répréhensible condamné par les Dix Commandements inscrits dans le marbre. C'est bien lui qui ouvrira ainsi la porte au Malin, lequel prendra des formes diverses, noyant son apparence sous différentes identités. Car qui peut définitivement affirmer que Thomasin est bien celle que tous ou presque accusent ? Et pourquoi pas son frère Caleb, lequel personnifie l'image d'Adam ayant croqué la pomme avant de rejoindre celui qui est supposé être Dieu ? Si l'on va dans cette direction, le spectateur peut tout aussi bien accuser les jumeaux Mercy et Jonas. Ou bien même la mère, Katherine, un peu trop empressée de voir chassée Thomasin de son foyer. The Witch grouille de références démoniaques subtilement mises en scène. De la présence du bouc noir prénommé Black Phillip, en passant par cette brebis qui en lieu et place de lait, donne du sang, et jusqu'à cet ahurissant final lors duquel Thomasin se laisse griser par les promesses du Malin avant d'aller rejoindre le lieu d'un sabbat mis en musique par le talentueux compositeur de musiques de films Mark Korven.

L'un des points forts de The Witch demeure dans l'excellent jeu de ses interprètes. Anya Taylor-Joy y est formidable de retenue, tout comme Ralph Ineson. Même les plus jeunes sont impressionnants, à commencer par le tout jeune Harvey Scrimshaw, qui dans le rôle de Caleb se révèle talentueux. Loin des grosses effusions de sang, des found-footage et des myriades de films sur les phénomènes paranormaux, The Witch se révèle être une excellente surprise, appuyé par une interprétation savoureuse, une mise en scène modeste mais réfléchie, une bande-son anxyogène, et une esthétique extraordinaire due au remarquable travail de la costumière Linda Muir, du photographe Jarin Blaschke et du directeur artistique David LeBrun. A découvrir absolument...

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