A l'époque de sa sortie
qui ne remonte pas si loin que ça dans le temps, The Witch
fit couler beaucoup d'encre. Trois ans ont passé depuis, mais que
reste-t-il des dithyrambiques propos tenus par certains critiques ?
Réponse : une merveilleuse fable. Un conte pour adultes
s'inscrivant dans des légendes ancestrales faisant la part belle à
la dévotion religieuse. Une œuvre marquée du sceau du Bien et du
Mal. Le plus étonnant demeure encore dans la maîtrise de son auteur
Robert Eggers, lequel prépare actuellement un nouveau remake de
Nosferatu
mais qui à l'époque, tournait là son premier long-métrage. Primé
aux festivals de Gérardmer et de Sundance, The
Witch possède
de surcroît des qualités visuelles indéniables. Déjà, nous
sommes en 1630, en Nouvelle-Angleterre. Dans une ferme du
dix-septième siècle admirablement reconstituée pour l'occasion.
Chassés
de leur communauté, William, Katherine et leurs cinq enfants
Thomasin, Caleb, Mercy, Jonas, et le plus jeune d'entre eux, Samuel,
n'ont pas vu pénétrer au sein de leur famille le Malin depuis que
le dernier né a disparu dans la forêt environnante. C'est le début
de l'implosion du cercle familial. Car malgré la foi qui étreint
chacun de ses membres, la famille va être confrontée à toutes une
séries de faits qui vont mettre à rude épreuve leurs croyances...
L'un
des points cruciaux participant à l'effroi qui se dégage de l’œuvre
de Robert Eggers demeure l'isolement dans lequel sont plongés
les protagonistes. L'impossibilité de pouvoir compter sur les
villageois qui les ont récemment chassés de chez eux pousse les
membres de la famille à se retourner vers celui qu'ils vénèrent :
Dieu. Mais le Seigneur, ici, plutôt que de venir en aide à ses
brebis préfère encore les baigner de son ébouissante clarté avant
de les prendre à ses côtés. Mais d'ailleurs, est-ce vraiment bien
lui, ou s'agit-il plutôt du Diable, qui dans le cas présent semble
vouloir prendre les traits d'une sorcière. Que la plupart des
membres de la famille ont tôt fait de juger qu'il s'agit de
Thomasin, la plus âgée des enfants.
« Tu
ne voleras pas... »
… dit
le Nouveau Testament. C'est pourtant bien là le véritable point de
départ d'un récit qui d'une certaine manière renoue avec l'esprit
de l'âge d'or du cinéma britannique des années 50-70. Bien
qu'étant de fervents pratiquants de l'église judéo-chrétienne, le
père, William, commettra un acte répréhensible condamné par les
Dix Commandements inscrits dans le marbre. C'est bien lui qui ouvrira
ainsi la porte au Malin, lequel prendra des formes diverses, noyant
son apparence sous différentes identités. Car qui peut
définitivement affirmer que Thomasin est bien celle que tous ou
presque accusent ? Et pourquoi pas son frère Caleb, lequel
personnifie l'image d'Adam ayant croqué la pomme avant de rejoindre
celui qui est supposé être Dieu ? Si l'on va dans cette
direction, le spectateur peut tout aussi bien accuser les jumeaux
Mercy et Jonas. Ou bien même la mère, Katherine, un peu trop
empressée de voir chassée Thomasin de son foyer. The
Witch
grouille de références démoniaques subtilement mises en scène. De
la présence du bouc noir prénommé Black Phillip, en passant par
cette brebis qui en lieu et place de lait, donne du sang, et jusqu'à
cet ahurissant final lors duquel Thomasin se laisse griser par les
promesses du Malin avant d'aller rejoindre le lieu d'un sabbat mis en
musique par le talentueux compositeur de musiques de films Mark
Korven.
L'un
des points forts de The Witch
demeure dans l'excellent jeu de ses interprètes. Anya Taylor-Joy y
est formidable de retenue, tout comme Ralph Ineson. Même les plus
jeunes sont impressionnants, à commencer par le tout jeune Harvey
Scrimshaw, qui dans le rôle de Caleb se révèle talentueux. Loin
des grosses effusions de sang, des found-footage et des myriades de
films sur les phénomènes paranormaux, The Witch
se
révèle être une excellente surprise, appuyé par une
interprétation savoureuse, une mise en scène modeste mais
réfléchie, une bande-son anxyogène, et une esthétique
extraordinaire due au remarquable travail de la costumière Linda
Muir, du photographe Jarin Blaschke et du directeur artistique David
LeBrun. A découvrir absolument...
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