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samedi 18 juin 2016

Canine de Yórgos Lánthimos (2009)



Une luxueuse propriété, en un lieu et en un temps indéterminés. Une famille constituée d'un père, d'une mère, d'un fils, et de ses sœurs aînée et cadette. L'existence toute entière tourne autour de cette demeure à la pelouse parfaitement entretenue, entourée d'une clôture infranchissable, hormis par la porte d'entrée que franchi seul, le père qui travaille à l'usine. Il n'oserait d'ailleurs pas quitter le confort de la propriété autrement que dans sa voiture, char improvisé le protégeant des dangers du monde extérieur. Car oui, le monde extérieur est empli de dangers. Un univers où les chats sont les créatures les plus dangereuses que Dieu ait enfanté. Les trois enfants n'ont de contact avec l'extérieur qu'à travers la personne de Christina. Une jeune femme dont le rôle se borne à donner du plaisir charnel au garçon de la famille.

Mais Christina possède des choses que désirent les enfants du couple. Un serre-tête orné de pierre phosphorescentes, ou bien encore des cassettes vidéos. Elle marchande avec eux afin d'obtenir ce qu'elle désire à son tour. Dans ce petit monde aseptisé régit par des règles strictes, la jeune femme va bousculer ces dernières, jusqu'à pousser l'une des deux jeunes filles à vouloir voler de ses propres ailes. Mais y est-elle véritablement préparée... ?

Alors qu'en 2015 le cinéaste grec Yórgos Lánthimos séduisait notamment le festival de Cannes en remportant le Prix du Jury avec The Lobster, sept ans en arrière, il réalisait déjà le troublant Canine, son quatrième long-métrage. Quoi que l'on puisse en penser, le film ne peut laisser indifférent. Qu'il s'agisse d'un rejet profond ou d'une admiration pour ce produit non formaté qui semble fouler les mêmes terres que celle déjà piétinées cinq ans auparavant par M. Night Shyamalan avec Le Village, Canine fait forcément réagir. Contrairement à ce que le titre inspire, nous ne sommes pas face à un quelconque film sur le cannibalisme. Il n'y a ici presque aucune allusion horrifique si ce n'est l'abominable mensonge qui entoure cette famille dont les enfants vivent dans l'illusion la plus totale.


A titre d'exemples : dès le début, on assiste à l'apprentissage des mots. Une autoroute est un vent extrêmement violent. Une excursion est un matériau très résistant. Une carabine est quant à elle un très bel oiseau blanc. Puis l'on assiste à l'arrivée spontanée de poissons dans la piscine. Poissons qui sont immédiatement péchés par le père de famille et sont ensuite cuisinés pour le soir même. Quand aux avions aperçus dans le ciel, il arrive que certains d'entre eux viennent s'écraser sur le sol du jardin, transformés ainsi en miniature pour lesquels les trois adolescents se battent pour en avoir la paternité. La vie dans cette famille est régie par des codes très particuliers où la compétition est une forme d'apprentissage respectée par tous. Christina est ce petit grain de sable qui va venir gripper le mécanisme et tout chambouler. Un monde dans lequel perdre une canine est signe d'émancipation. C'est ainsi que l'une des filles va s'automutiler afin de quitter le cocon familial.

Mais ce cocon généralement chaleureux est ici un cadre familial d'une froideur et d'une impersonnalité extraordinaires. Yórgos Lánthimos filme ses interprètes hors cadre, les décapitant souvent, ou les muant dans un silence ou dans un immobilisme parfois déconcertant. Bien que l'hygiène de vie soit ici poussée à son paroxysme, cela n'empêche pas Canine de transgresser parfois certains tabous, comme le plus important d'entre eux ici, l'inceste. En toute logique, ces trois enfants que l'on a trompé depuis leur plus tendre enfance sont peut-être protégés du monde extérieur et de ses dangers, mais aucune paroi protectrice ne peut les sauver du mal qui habite l'enceinte même de la propriété. Canine prône l'immobilisme, inflige un climat dénué de toute émotion et démontre que toute tentative de protectionnisme est vain...

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