Après The Witch en
2015 et The Lighthouse
en 2019, le réalisateur américain Robert Eggers revenait en 2022
avec The Northman,
un troisième long-métrage très attendu de la part d'un auteur qui
jusque là nous avait régalé de ses univers visuellement et
narrativement irréprochables. Alors qu'il s'apprête à nous
présenter son Nosferatu
qui actuellement est en post-production, le réalisateur, scénariste
(aux côtés de Sjón) et producteur signe une œuvre qui une fois
encore ne laissera personne indifférent. Et s'il est vrai qu'en
terme d'écriture son dernier long-métrage ne fait preuve d'aucune
espèce d'originalité, la forme que prend le récit est quant à
elle digne de succéder aux deux premières merveilles qu'il mit en
scène lors de la décennie précédente. L'on retrouve l'actrice
américaine Anya Taylor-Joy à laquelle Robert Eggers offrit son tout
premier rôle sur grand écran en 2015 avec The
Witch,
laquelle fut notamment l'héroïne de l'excellent The
Menu de
Mark Mylod il y a deux ans et surtout celle de la série Le
jeu de la dame
de Scott Frank et Allan Scott en 2020. Dans The
Northman,
elle incarne la slave Olga of the Birch Forest qui aux côtés du
héros Amleth incarné par l'acteur suédois Alexander Skarsgard est
retenue comme esclave et donc contre sa volonté par un certain
Fjölnir (l'acteur Claes Bang), l'oncle même de Amleth qui vingt ans
en arrière tua son propre frère après que celui-ci soit tombé
dans un guet-apens sous les yeux de son fils. Bien décidé à venger
la mort de son père, Amleth sera recueilli par des barbares aux
côtés desquels il sèmera la terreur au sein de villages dont il
dépouillera la population et fera des plus solides villageois, des
esclaves... parmi lesquels le robuste jeune homme finira par se
fondre afin de se rapprocher de celui qui tua son père deux
décennies en arrière : son oncle Fjölnir. The
Northman semble
devoir autant emprunter au Conan le barbare
de John Milius qu'au Valhalla Rising de
Nicolas Winding Refn. Toujours est-il qu'au second, The
Northman
met une gifle monumentale au regard de l'ennui qu'avait pu susciter
l'univers un peu trop léthargique qu'avait offert à son héros le
danois tandis que le spectacle offert par Robert Eggers saisi de
manière presque permanente. Même lorsqu'il impose sa walkyrie à
l'image, osant ainsi une patte kitsch qui au final se fond
parfaitement dans le décor. Œuvre à la patine visuelle qui colle
parfaitement à la barbarie ambiante d'un univers situé à la fin du
dixième siècle, le film sera tourné entre les majestueux décors
de l'Islande et ceux de l'Irlande.
Autant
dire que le spectateur en prend plein les yeux.... mais aussi les
oreilles à travers la partition musicale de Robin Carola et de
Sebastian Gainsborough puisque entre tambours tribaux et chants
incantatoires, l'ambiance y est souvent hypnotique, mystique, voire
hallucinatoire. Car outre cette histoire de vengeance au fond assez
simpliste, Robert Eggers dépeint des tableaux fantastiques au sens
propre comme au sens figuré. Rencontres avec une sorcière prédisant
le destin du héros, visions d'une walkyrie chevauchant une monture
jusqu'aux portes du Valhalla, arbre gigantesques dont les extrémités
figurent des rois tombés au combat, duel en plein cœur d'un volcan
en activité, le réalisateur qui depuis plus de dix ans a abandonné
son activité d'architecte et de décorateur n'en a pas pour autant
oublié d'offrir à son œuvre un style visuel époustouflant.
Convoquant parmi ses principaux interprètes l'actrice Nicole Kidman
il relance en outre une intrigue déjà inscrite dans le marbre mais
qui laisse tout de même la place à quelques bonnes surprises.
Totalement hanté par un Alexander Skarsgård habité par son
personnage, les combats sont féroces, sanglants, brutaux. L'imagerie
nordique est plutôt bien reproduite est s'avère d'ailleurs
revendiquée par le réalisateur lui-même qui semble s'être inspiré
d'une série de sagas entourant un prince vengeur qu'avait déjà
emprunté le britannique William Shakespeare pour son Hamlet auquel,
bien entendu, se réfère le prénom du héros de The
Northman.
Bref, le troisième long-métrage de Robert Eggers confirme s'il le
fallait tout le bien que l'on pense de son cinéma. Ambitieux,
minutieux, visuellement unique. Autant dire que c'est avec une
impatience non feinte que l'on attend sa vision du Nosferatu
de Friedrich Wilhelm Murnau pour lequel il convie Lily-Rose Depp,
Bill Skarsgård mais aussi le génial Willem Dafoe auquel il avait
confié l'un des deux rôles principaux de The
Lighthouse.
Lequel avait notamment incarné le double rôle de Max Schreck et du
comte Orlok dans L'Ombre du vampire
de E. Elias Merhige, lequel s'était en 2000 intéressé au tournage
de Nosferatu, eine Symphonie des Grauens de
F. W. Murnau...
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