Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

Labels


mercredi 12 avril 2023

Taxi Driver de Martin Scorsese (1976) - ★★★★★★★★★★

 


 

Il arrive, parfois, que les astres s'alignent de telle manière qu'un véritable miracle éclose devant nos yeux. Imaginez : un scénario écrit en un peu moins d'une semaine. Et pas par n'importe qui. Pas un petit scribouillard qui voudrait percer dans le cinéma. Non, plutôt un cinéaste en devenir, écrivant ses propres scripts, quand il n'adaptera pas simplement un classique de l'épouvante (Cat people). Retenez bien ce titre : Hardcore. Et retenez également le nom de celui qui en fut l'auteur : Paul Schrader. C'est donc grâce à lui qu'est né Taxi Driver de Martin Scorsese dans la forme qu'on lui connaît. Car avant que ce dernier ne se planque derrière sa caméra pour filmer les turpitudes d'un chauffeur de Taxi dans la moiteur nocturne de New York, les immenses Robert Mulligan (s'il le faut, je n'en retiendrai qu'un : The Other qu'il réalisa en 1972) et Brian De Palma (Phantom of the Paradise forever...!) faillirent lui voler sa place. Paul Schrader eut finalement le dernier mot. Bernard Herrmann, l'auteur de la prodigieuse bande musicale pour cordes de Psychose allait signer pour Martin Scorsese un thème si célèbre que même celles et ceux qui n'ont jamais vu le film connaissent l'air (Taxi Driver - Main title). Le pauvre n'aura malheureusement pas eu le temps de découvrir son œuvre sur grand écran puisqu'il s'éteindra le 24 décembre 1975, soit un peu plus d'un mois avant que ne sorte Taxi Driver sur les écrans américains. Aux effets-spéciaux : Dick Smith. Immense maquilleur, spécialisé dans le vieillissement (Max Von Sydow était âgé de quarante-quatre lors du tournage de L'exorciste de William Friedkin en 1973 alors même qu'à l'écran il en paraissait trente de plus). Ensuite, bien sûr, il y a les interprètes. À commencer par Robert de Niro, qui avant de rencontrer Martin Scorsese se fit la main chez Marcel Carné, Brian De Palma (déjà lui), Roger Corman ou chez Francis Ford Coppola. Des portes d'entrée que l'on pourrait considérer de royales...


À ses côtés, la sublime Jodie Foster. Cette actrice américaine cultivée, intelligente et qui parle mieux notre langue que la plupart de nos compatriotes ! Elle débarque toute menue, toute fraîche sur le tournage de Taxi Driver comme si elle faisait son entrée dans le monde merveilleux du cinéma. C'est oublier un peu vite qu'elle débuta à l'âge de sept ans dans la série télévisée The Doris Day Show en 1969 et qu'avant de rencontrer Martin Scorsese et ses partenaires de Taxi driver, elle enchaîna trente-cinq rôles dans diverses séries, téléfilms et longs-métrages cinéma. Ensuite, qui oserait demander qui est Harvey Keitel ? Acteur dont l'importance est égale à celle de Robert de Niro auquel il se frottera dans l’œuvre de Martin Scorsese. Là encore, retenez son nom et ce film monstrueux que réalisa Abel Ferrara en 1992, Bad Lieutenant. Ah ! Et tant qu'à faire, gardez également en mémoire Joe Spinell et son visage grêlé. Lui et le personnage de Frank Zito qu'il incarna véritablement dans le glauquissime Maniac de William Lustig. Si maintenant vous rejoignez les trois longs-métrages que je vous ai demandé de retenir et que vous y ajoutez celui de Martin Scorsese, nous tenons là le carré d'as du cinéma new-yorkais underground ''grand public''. Ouais, bon, pour être tout à fait honnête, je ne suis pas certains que Hardcore ait été tourné dans les rue de la Grande Pomme. Mais les siennes y ressemblent parfois terriblement). Au pire l'on remplacera ce dernier par un quelconque outsider. Comme le très glauque Combat Shock de Buddy Giovinazzo qui d'ailleurs, sorti chez nous chez l'éditeur Haxan Films au début des années 90 avec cette très sympathique accroche : La version ''sale'' de Taxi Driver. La boucle étant bouclée, passons aux choses sérieuses...


Le cinéma n'étant plus ce qu'il était, on n'imagine pas aujourd'hui un tel parterre de célébrités réunies autour d'un film au budget s'élevant à seulement un million et trois-cent mille dollars. Afin que celui-ci n'excède d'ailleurs pas la somme mise dans le panier, Robert de Niro et Martin Scorsese recalculèrent leur salaire à la baisse... On reconnaît déjà d'emblée cette ''gueule'' incroyable que traînera durant toute sa carrière l'acteur ou les longs travelling que Scorsese expérimenta déjà sur un précédant long-métrage bien connu des cinéphiles, Mean Streets trois ans auparavant. Tiens, à propos du bonhomme. Saviez-vous (moi pas en tout cas) qu'il faillit être l'auteur de ce qui devint en 1970 l'un des portraits les plus saisissant (et authentique) de couple de tueurs en série, The Honneymoon Killers de Leonard Castle ? Et ouais. Mais lorsque d'un point de vue artistique l'on n'est pas très en accord avec certaines attentes, c'est la porte de sortie qui se profile à l'horizon. Et pour Martin Scorsese, la chose survint après une semaine de tournage seulement ! Passant à côté du mythe, le bonhomme s'est heureusement très vite rattrapé... Travelling nocturne dans les rues de New-York : '' Y'a toute une faune qui sort la nuit. Putes,chattes en chaleur, enculés, folles,pédés, pourvoyeurs, camés... Le vice et le fric''. En l'espace de deux phrases seulement, le ton est donné. Tout l'esprit du personnage et du monde dans lequel il va désormais évoluer sont ainsi réunis. D'une certaine manière, Travis Bickle (Robert De Niro) allait ouvrir la voie à une longue série de personnages à l'extrémité desquels l'on retrouverait plus de trente ans après le boucher de Carne et Seul contre tous de Gaspar Noé ! Ancien marine, le jeune chauffeur de taxi déclame de longs monologues intérieurs. Pour cet ancien soldat, la guerre n'a pas pris fin et s'inscrit désormais dans les rues d'un New-york aux mains des proxénètes et autres marchands de sexe. Martin Scorsese et Paul Schrader développent un personnage relativement complexe et parfois presque illogique dans son mode de pensée et certains de ses agissements. Crachant son dégoût de la société dans laquelle il vit, le voilà qui se détend dans une salle de cinéma miteuse projetant... un film porno.


Il y a donc un peu du boucher de Noé chez Travis. De grandes et muettes paroles qui ne dépassent tout d'abord pas sa pensée (un état dans lequel demeurera d'ailleurs jusqu'au bout le personnage formidablement incarné par Philippe Nahon dans Seul contre tous). Et pourtant, on le découvre sous son meilleur jour. Cherchant à communiquer avec autrui mais se retrouvant face à un mur. Et même, DES murs... Du moins jusqu'à sa rencontre avec la jolie assistante du candidat à l’élection Charles Palantine, Betsy qu'interprète Cybill Sheperd. Une relation éphémère dont les conséquences seront terribles puisqu'elle sera la première pierre d'un édifice moral et intellectuel qui emportera Travis dans un tourbillon de violence. Bruyant, fourmillant, le New York décrit pas Martin Scorsese est sordide et malfaisant. Les seules notes d'espoir mènent fatalement au désenchantement. Tenant un journal intime, le chauffeur de taxi va se construire une carapace. Un nouveau modèle de ''vertu''. Un justicier du bitume, en somme. Mais pour cela, il lui faut un but. Et ce but sera personnifié par Iris (Jodie Foster), une gamine d'à peine douze ans se prostituant pour le compte du proxénète Sport (Harvey Keitel). La transformation du personnage n'est pas que mentale mais également physique. Travis retrouve le haut kaki qui constitua une partie de son uniforme lors de la guerre du Vietnam, muscle son corps et transforme ses cheveux en crête iroquoise...


À ce propos, selon certains peuples d'amérindiens, porter une telle coiffure permettait d'encourager les troupes durant les affrontements. Un détail qui sans doute ici a son importance et laisse entrevoir l'action que mènera le chauffeur de taxi lors du dernier acte. Un moyen de se donner la force, la motivation et le courage nécessaires pour mener à bien sa mission. Si l'issue du récit laisse augurer une conclusion dramatique et si l'environnement dans lequel vit le héros est éminemment anxiogène, Martin Scorsese traite parfois son sujet avec un certain cynisme. Voire, beaucoup d'humour. Le réalisateur nous immerge en outre dans un espace ouvert mais se rétrécissant à mesure que Travis se replie sur lui-même. Enfermé chez lui ou à ''l'abri'' de son véhicule, il regarde le monde tel qu'il est, tel que veut tout d'abord nous le montrer Martin Scorsese avant qu'un fossé ne se creuse entre le spectateur et le héros. Cette distinction qui permet au public de faire la différence entre le bien et la mal tandis que Travis, lui, n'as plus l'objectivité nécessaire qui lui permettrait encore de séparer le premier du second. Martin Scorsese filme la ville qui l'a vu naître avec passion. Un décor mais aussi et surtout, un personnage à part entière, vecteur d'angoisse,. Cette même appréhension qui jour après jour, année après année enfante des monstres à visage humain...

 

2 commentaires:

  1. Fait (évidemment) partie de ma DVDthèque d'environ 45 pièces...

    RépondreSupprimer
  2. "Quand on a ton âge, on tringle... De toutes façons, t'as pas l'choix, on est tous baisés. Enfin, plus ou moins..."

    RépondreSupprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...