Ça y est, le le tiens
entre les mains. Le Saint Graal du Nanar. Cette légendaire pellicule
réalisée en 1990 par l'italien Claudio Fragasso sous le pseudonyme
de Drake Floyd. Troll 2.
Fausse suite de Troll
réalisé par l'américain John Carl Buechler quatre ans auparavant.
On le sait, chez les transalpins, c'est une habitude. On pourrait
quasiment les considérer comme les plus gros producteurs de
Mockbusters de la planète. Du moins, semble-t-il, furent-il
prolifiques dans les années quatre-vingt lorsqu'ils s'attaquèrent
aux grands classiques outre-atlantiques de la science-fiction
post-apocalyptique, horrifique et dystopique. Combien de sous Alien,
New York 1997
ou Zombie
virent le jour ? Impossible de répondre à cette question,
sinon par les plus grands spécialistes du genre. Dans le genre,
Claudio Fragasso fut un sacré coquin. Quoiqu'il fut parfois innocent
du traitement qui fut infligé à certaines de ses œuvres (si Zombie
4 est
la suite de Zombi 3
des légendaires Lucio Fulci et Bruno Mattei mais pas une séquelle
du mythique Zombie
de George Romero, le titre original fut en réalité Oltre
la Morte),
La Casa 5
(ou Au-delà des ténèbres
chez nous) n'a quant à lui rien à voir avec La
Casa
1 &
2,
films dont les titres originaux sont The Evil
Dead
1 &
2
de Sam Raimi. Je sais, c'est compliqué, mais avec un minimum de
concentration et d'effort, tout fini par entrer dans l'ordre. Tout,
surtout, n'est bien évidemment qu'une question d'objectif
commercial. Ou comment faire du blé sur la réputation d'une
franchise... Mais le long-métrage de John Carl Buechler n'étant pas
franchement une réussite, on peut se demander ce qui est passé par
la tête de Claudio Fragasso au moment de donner son nom au film
qu'il réalisa donc en 1990. D'emblée, on sent bien que l'expérience
Troll 2
ne va pas être de tout repos. Dès le générique, le film sent le
faisandé. La sous-production télévisuelle italienne. La blague de
potaches pour spectateurs en mal de Muppet Show ou de Eworks, ces
petites boules de poils issues de l'univers Star
Wars.
Et cette musique de supermarché signée du compositeur italien Carlo
Maria Cordio... Vous allez saigner des oreilles les amis... En plus,
niveau incohérence...
Je
veux bien que le film porte le nom de ces vilaines petites créatures
issues de la mythologie nordique, mais alors pourquoi le conteur du
récit évoque-t-il des gobelins ? '' L'étrange décoction
qu'elle lui présenta était délicieuse...''. Ouais, pour rappel, le
dit breuvage que tend aux lèvres d'un certain Peter une jolie jeune
femme affublée de fasses tâches de rousseur (ri-di-cu-le!!!) n'est
pas sans rappeler le vomi des extraterrestres du film culte de Peter
Jackson, Bad Taste.
Si après ça vous n'avez pas l'impression que l'on se fiche de vous
ou que Claudio Fragasso vit dans un monde dont les modèles de
(d'in)sanité diffèrent des vôtres, alors vous êtes bon pour
suivre Troll 2
jusqu'à son terme... Le film débute donc comme un conte pour
enfants offert par un grand-père (l'acteur Robert Ormsby) à son
petit-fils. Et à la limite, on peut accepter le principe vues les
merdes qui sont produites généralement à l'attention de nos chères
petites têtes blondes (Les Télétubbies et
autres programmes hautement perchés). Mais non, le film semble
ensuite s'inscrire dans un contexte tout à fait réaliste dans
lequel l'on explique que les gobelins n'existent pas. Le récit se
concentre alors autour de la famille Waits qui part s'installer pour
les vacances dans la ville imaginaire de Nilbog (mot apparemment
d'origine Gaélique écossaise!). Sur la route, le minot est victime
d'un abominable cauchemar hanté par des trolls
gobelins et dans lequel une plante lui sort du ventre (la série
française de science-fiction Noires sont les
galaxies
serait-elle passée par là?). Vu le cadre (peu idyllique) et
l'accueil (plutôt froid) des habitants de la ville, on se demande
quelle pensée saugrenue a pu passer par la tête du père de famille
de venir s'y installer. Un bled paumé, aux façades décaties,
peuplé de péquenauds ! C'est à se demander si l'on n'y
croisera pas la ferme de la famille Sawyer (Massacre
à la tronçonneuse
de Tobe Hooper)...
Bon,
pour être tout à fait honnête, et après des débuts plus que
mitigés, les dernières minutes qui viennent tout juste de s'écouler
sont plutôt encourageantes. Mais vu le statut de Nanar que se
coltine Troll 2,
on ne va pas trop rapidement s'emballer. Échange de bons procédés
entre la famille Waits et ceux chez qui ils vont s'installer durant
un mois. Putain, c'est quoi cet accueil ? Vraiment chelous cette
famille de rednecks portant sur l'épiderme d'étranges stigmates.
N'importe qui de censé prendrait la fuite mais pas les Waits, non,
surtout pas eux ! Les rats des campagnes ayant plié bagages
sans un mot et sans un sourire mais après quelques menues
recommandations, le couple et leurs deux enfants s'installent donc
dans leur nouveau ''nid (pas vraiment) douillet''. Aux abords de la
demeure se sont installés quatre adolescents dont l'un est le petit
ami de la fille Waits. Un camping-car planté en pleine campagne sur
le territoire des gobelins ! Lesquels ne tarderont pas à venir
faire coucou à l'un d'entre eux. L'on comprend alors pourquoi Troll
2 bénéficie
d'une telle réputation. Les maquillages sont littéralement ''à
pisser de rire'' !
Mais ça ne s'arrête pas là ! Certains personnages semblent
issus du théâtre du Grand Guignol et s'avèrent donc très
caricaturaux. Et dans le domaine l'on décernera une double palme
d'or aux acteur Mike Hamill et Deborah Reed dans les rôles
respectifs du révérend Bells et de la sorcière Creedence Leonore
Gielgud. Entre l'attitude exacerbée de ces deux là, le stoïcisme
incarné par les membres de la famille Waits (les acteurs George
Hardy, Margo Prey, Connie Young et le jeune Michael Stephenson)
auquel l'on ajoutera l'amateurisme des seconds rôles probablement
issus du cru de la région où fut tourné le film, Troll
2 arbore
effectivement les atours du Nanar à son apogée. Mais comme disait
un certain Dieudonné lors de son sketch sur le cancer, il y a moyen
de se faire encore quelques billets : Car si l'interprétation
est à la ramasse, participant ainsi des qualités essentielles qui
font d'un nanar ce qu'il est, le film repose surtout sur une
succession de séquences absolument remarquables pour quiconque
apprécie ce genre de long-métrage ! Si l'évocation du vomit
renvoyait directement au Bad Taste
de Peter Jackson, d'autres éléments paraissent également s'y
rattacher. De là à dire qu'il y a plagiat...
Les
habitants de Nilbog (nom dont nous découvrirons plus tard la
signification) ne s'éloignent en effet pas tant que cela des
extraterrestres du premier long-métrage du réalisateur
néo-zélandais. Sauf que dans le cas présent, les créatures
semblent provenir d'une faille créée à l'intérieur d'une église
tenue par la maudite Creedence Leonore Gielgud. Une
sorcière/gobeline vêtue de noir, aux dents pourries et dont les
décoctions visent à transformer la ''viande humaine'' en végétaux
afin de les nourrir, elle et son espèce. Bourré d'idées aussi
farfelues les unes que les autres, Troll 2 part
même carrément en vrille lors du dernier acte. Mutant en farce (ce
qu'il était déjà au demeurant), l’œuvre du réalisateur italien
passe de l'horreur et du fantastique à la comédie lorsque
Creedence etc... ressort de la dite faille en brune ténébreuse et
déboule dans le camping-car auprès de l'un des adolescents pour une
séquence aussi improbable qu'anthologique. La digestion de tout ce
que tente de nous faire avaler Claudio Fragasso pourra parfois
s'avérer difficile à admettre chez certains et pourtant, malgré
son aura de nanar, Troll 2 se
regarde avec un plaisir à peine honteux. Généreux en terme
d'investissement scénaristique (des gobelins, une sorcière, un
gourou et des fanatiques végétariens, le fantôme du grand-père,
des hommes-plantes, des décoctions et autres boissons et nourritures
verdâtres, du cannibalisme), doté de quelques effets gore plutôt
sympathiques (l'un des adolescents se muant peu à peu en plante),
mais aussi (et c'est ce qui participe en partie de l'intérêt du
film), une interprétation souvent désastreuse, une mise en scène
foutraque, une bande-musicale entre rock FM, trompette et violons
synthétiques et nappes électroniques, des attitudes
invraisemblables (l'attentisme des personnages face à l'horreur de
certaines situations est absolument abracadabrant) presque dignes de
celles du cultissime L'avion de l'apocalypse
de Umberto Lenzi ou de celles de Virus Cannibale
de Bruno Mattei... Bref, Troll 2
est absolument... génial ! Mais s'il mérite son titre de l'un
des plus gros nanars du cinéma, cela ne veut pas pour autant dire
qu'il est mauvais. Bien au contraire. Il s'agit là d'un pur
divertissement. Pas de frissons, mais une franche rigolade...
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