Je me souviens très bien
de cette sortie de scène du chanteur Marilyn Manson lors du concert
diffusé en France sous format VHS, Dead to the World en
1998. L'événement avait eu lieu en 1996 ou l'année suivante et à
l'issue de la représentation, l'artiste était sorti le torse en
sang après s'être scarifié à coups de tesson de bouteille (me
semble-t-il). S'ensuivait une séquence lors de laquelle, le
guitariste Jeordie White se faisait courser dans les loges par je ne
sais plus quel autre membre du groupe, un étron planté dans une
fourchette à la main ! Ce même Jeordie White dégueulant
ensuite tout l'alcool qu'il avait ingurgité à la fin du concert.
Marilyn Manson se tailladant le torse par-ci, déchirant la Bible
par-là... Rien que de très enfantin comparé à GG Allin qui LUI,
en son temps, osait au sein de son groupe The
Murder Junkies,
pratiquement
tout sur scène. Comme s'accroupir et chier devant un public
hypnotisé (lorsqu'il n'était pas purement et simplement médusé)
avant de se masturber avec ses propres déjections et de les jeter
dans la foule. Chantant (enfin, scandant plutôt) des paroles
nihilistes sur deux accords de guitare, débarrassé du moindre
vêtement (caleçon y compris... La bite à l'air, quoi !) et se
cognant la tête avec son micro jusqu'à s'infliger de vilaines
blessures et perdre au passage quelques dents... Attendez, attendez,
y'a mieux. Le bonhomme fêta son anniversaire de bien étrange façon,
rêvant qu'une prostituée lui urine dans la bouche, régurgitant du
coup le contenu de son estomac. Et tout cela, images à l'appui,
disponibles dans l'incroyable documentaire Hated:
GG Allin and the Murder
Junkies
de Todd Phillips disponible chez nous en VHS au début des années 90
chez Haxan Film
sous
le titre Rock’n’roll Overdose.
Mais alors, allez-vous me demander. Pourquoi entrer dans de si
sordides et si indigestes détails ? Et bien, pour évoquer Ex
Drummer
du réalisateur belge Koen Mortier. Si vous êtes choqué dès qu'un
film s'approche d'un peu trop près de la frontière qui sépare la
bien-pensance du cinéma le plus trash, alors ce film n'est pas fait
pour vous. Et pour tout dire, rarement long-métrage aura su
contenter un public avide de ce genre d'expérience
cinématographique. Oubliez le britannique Trainspotting
de Danny Boyle, le franco-hongrois Taxidermia de
György Pálfi, le Sweet Movie
de Dusan Makavejev et autres bizarreries émétophiliques signées
de Lucifer Valentine (dont je n'ai jamais osé poster les trois
articles que je lui ai consacré de peur que ma compagne ne me quitte
ou ne me fasse interner dans un asile!) ou le performeur trash
français, Jean-Louis Costes. "L'art
dans tous ses états"
existe bel et bien me semble-t-il. Restons dans le domaine des
fluides organiques pour évoquer à titre d'exemple, le peintre belge
(décidément) Jacques Lizères qui en 1977 créa Peinture à la
matière fécale, une œuvre murale pour laquelle il usa de sa propre
merde ! Et que dire de l'art culinaire puisqu'il y a un peu plus
d'une dizaine d'années, le chercheur japonais Mitsuyuki Ikeda
synthétisa de la viande artificielle à base d'excréments humains !
Si après ça vous avez encore faim, alors Ex
Drummer
est fait pour vous...
Mais,
sans doute aurais-je dû saisir l'occasion de me taire car de base,
force est de reconnaître que le synopsis est plutôt intriguant.
Voire même franchement amusant pour n'importe quel type de public
avide de curiosités filmiques. Imaginez donc, trois handicapés
(j'entends déjà les vieilles rombières à col de vison et au sac
Vuitton friser des sourcils tout en hurlant au scandale), tous
musiciens, formés autour d'un groupe sans batteur, rêvant peut-être
de dénicher leur Phil Collins, leur Dave Grohl ou leur Michael
Shrieve... Leur handicap faisant leur originalité, le batteur qui
intégrera le groupe devra lui aussi être atteint d'une défaillance
physique. Problème : le célèbre écrivain Dries (l'acteur
Dries Van Hegen) accepte de prendre la place de batteur mais n'est
affublé d'aucun handicap. Pourtant, lui et les autres se mettront
d'accord pour dire que le fait qu'il ne sait absolument pas jouer de
batterie est une raison suffisante pour l'intégrer au sein du
groupe. Les quatre hommes répètent alors afin de participer à un
concours de rock. Lorsque l'on regarde les chiffres obtenus par Ex
Drummer
lors de sa sortie en salle, les résultats peuvent faire sourire. Un
peu moins de soixante-mille spectateurs se sont présentés devant
les entrées des cinémas dans toute l'Europe. On ne peut pas dire
que le film de Koen Mortier ait été un succès. Ce qui n'étonnera
au fond pas grand monde vu le sujet et l'approche de ce long-métrage
adapté du roman éponyme de l'écrivain belge flamand Herman
Brusselmans. Sans doute me suis-je quelque peu emballé car à bien y
réfléchir, Ex Drummer
paraît bien moins subversif qu'à l'époque de sa sortie. Il faut
dire qu'à force d'ingurgiter des horreurs, on finit par s'accoutumer
à pratiquement toute forme d'atrocités étalées sur les écrans.
L’œuvre de Koen Mortier paraîtra donc parfois bien timide pour
une certaine frange de spectateurs même si, il est vrai, le
réalisateur belge ose franchir certaines limites avec une liberté
de ton qu'on lui envie. Ex Drummer
est punk dans l'âme. L'anarchie y règne en maître. Misogynie,
racisme, homophobie, musique rock, homicides, viols... le film est un
véritable condensé d'idées qui en feront rougir plus d'un(e).
Principalement interprété par Norman Baert, Gunter Lamoot et San
Louwyck, les fans du chanteur Arno (le Serge Gainsbourg belge) seront
ravis de le voir participer au projet le temps d'une chanson
interprétée lors du fameux concours de rock. Le film est en partie
appréciable grâce à sa bande originale notamment constituée de
chansons interprétées par le groupe Millionaire ou le rappeur Flip
Kowlier. Ex Drummer
distille une énergie salvatrice ainsi que des idées de cadrage très
particulières mais qui participe de son originalité. Comme l'un de
ces personnages vivant au plafond de son appartement ou cette
séquence d'ouverture lors de laquelle nos musiciens parcourent la
ville à vélo, la séquence étant filmée à l'envers. Mais malgré
l'originalité de la mise en scène, le film est également le
portrait d'individus vivant dans un cadre défavorisé où les
violences verbale et physique sont quotidiennes. Drôle, inquiétant,
défoulant, Ex Drummer
est tout simplement... culte !
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