Luc Besson fait partie de ces personnalités que les critiques aiment
assaisonner de commentaires peu élogieux. Un peu comme un Patrick
Sébastien versant dans le septième art et dont les quolibets qui
lui sont infligés ne sont pas toujours justifiés. Pour Christophe
Lambert, c'est un peu la même chose... Pas de chance, donc, puisque
le réalisateur et l'acteur ont fait ce petit bout de chemin
ensemble, ce voyage dans les entrailles de la capitale française,
entre thriller souterrain et romance ferroviaire. Se battant parfois
en duel pour savoir qui de l'un ou de l'autre est le plus ringard (Le
Cinquième Élément, Valérian et la Cité des mille
planètes pour Luc Besson, Mortal Kombat de
Paul W.S. Anderson et Vercingétorix : la légende
du druide roi de
Jacques Dorfmann pour Christophe Lambert), l'alchimie semble avoir
pourtant fonctionné avec ce Subway
qui demeure pour l'un comme pour l'autre, une très agréable
surprise. Autour du réalisateur et scénariste (accompagné à
l'écriture par Pierre Jolivet, Alain Le Henry, Marc Perrier et
Sophie Schmit), on retrouve quelques interprètes de son tout premier
long-métrage réalisé deux ans auparavant en les personnes de Jean
Bouise et surtout de Jean Reno que l'on retrouvera successivement
chez Luc Besson dans Le grand bleu
en 1988, Nikita
en 1990 et Léon en
1994. Côté musique, on retrouve également le compositeur et
multi-instrumentiste Eric Serra qui demeurera toujours fidèle au
poste en dehors de Valérian et la Cité des
mille planètes
dont la partition musicale sera confiée à Alexandre Desplat. Et
c'est d'ailleurs tant mieux pour lui tant ce film au faramineux
budget de presque deux-cent millions d'euros est une purge ! Luc
Besson lui offre d'ailleurs un tout petit rôle dans son second
long-métrage puisqu'il y interprète le personnage de Erico, un
bassiste. Notons d'ailleurs la présence dans le rôle de
l'interprète de la chanson It's
Only Mystery (composée
par Corine Marienneau, Louis Bertignac et Éric Serra) du chanteur et
acteur américain Arthur Simms qui décèdera deux ans après la
sortie du film à seulement trente-quatre ans. Côté casting, du
beau monde se bouscule autour de Christophe Lambert qui interprète
le rôle de Fred, jeune homme au costume trois pièces, aux cheveux
en pétard et gris péroxydé, un peu paumé, voleur à ses heures et
amoureux de la belle et riche Héléna Kerman (Isabelle Adjani). Jean
Réno, donc, qui incarne un batteur, Jean Bouise en chef de station
de métro, Jean-Hugues Anglade en voleur sur patins à roulettes,
Richard Bohringer en fleuriste, Jean-Pierre Bacri en inspecteur
Batman sous les ordres du commissaire Gesberg qui de son côté est
interprété par Michel Galabru...
Luc
Besson s'empare d'un environnement très particulier, souterrain,
digne de figurer au tableau de chasse de certains films d'épouvante
parmi lesquels certains s'y déroulent presque dans leur intégralité
(Death Line de
Gary Sherman en 1972, Creep
de Christopher Smith en 2004), mais qui dans le cas présent est au
centre d'une étrange ''histoire d'amour'' entre deux individus de
monde totalement opposés mais qui paraissent tout deux marginaux.
Autre particularité de Subway
:
la plupart des personnages paraissent tous plus barrés les uns que
les autres et parmi lesquels Christophe Lambert/Fred et Isabelle
Adjani/Héléna trônent en bonne place. L'un des atouts majeurs du
long-métrage repose avant tout sur l'atmosphère qui se dégage des
lieux. Un monde ''merveilleux'', tantôt blafard (les célèbres murs
concaves recouverts de carrelage blanc) tantôt crépusculaire (les
tunnels) et dans lequel Luc Besson promène ses caméras et nous
convie à partager non seulement la vie de personnages bigarrés mais
également celle beaucoup plus courante des usagers du métro et de
celles et ceux qui y travaillent de manière officielle (le service
de sécurité) ou officieuse (le pick-pocket). L'exploitation d'un
univers ''habité'' par les sans domiciles fixes et autres musiciens
vivant de la générosité des usagers dans lequel se croisent un
type en costard et une femme de milliardaire en robe à froufrous
crée un saisissant et authentique décalage qui permet même
aujourd'hui à Subway
de conserver son originalité. Si à l'époque l'on pouvait
considérer le film de Luc Besson comme esthétiquement novateur, le
réalisateur savait déja surtout s'offrir les services d'interprètes
à la mode comme il le fera avec plus ou moins bon goût tout au long
de sa carrière. Adjani avait quelques années en arrière collaboré
auprès d'Andrzej Zulawski, Jean-Paul Rappeneau, Claude Miller ou
Jean Becker tandis que Christophe Lambert s'était affiché en
homme-singe dans le formidable Greystoke,
la légende de Tarzan de
Hugh Hudson l'année précédente. Fumerolles, éclairages au néon,
faune souterraine, bande-son martelée, univers clos, Luc Besson pour
qui Subway
était un projet antérieur à son premier film Le
dernier combat
se préparait sans doute (inconsciemment ou pas) à plonger les
protagonistes du Grand
bleu
dans une autre forme d'abysse. Alors, Subway,
brouillon du film générationnel qu'il réalisera trois ans plus
tard ? Non, certainement pas. Mais assurément, l'une de ses plus
brillantes réussites...
Un film que l'on qualifiera de "daté", comme quasiment tout ce qui provient de cette décennie honnie ou vénérée, selon les cas...
RépondreSupprimer