Drôle de thérapie que
le dernier long-métrage du réalisateur et scénariste français
Mabrouk El Mechri qui quatorze ans après l'original JCVD
qui à l'époque mettait en vedette l'acteur belge Jean-Claude Van
Damme signe une comédie qui de son propre aveu est basé sur son
histoire personnelle. Ou plutôt celle de sa mère, qui comme
l'héroïne de Kung-Fu Zohra
fut elle aussi battue par son mari. On peut donc supposer que
d'expérience, le versaillais, ancien assistant-réalisateur Mathieu
Kassovitz, est le mieux placé pour parler de ce difficile sujet.
Mais sa mère, justement, savait-elle que son fils allait le traiter
sous l'angle de l'humour ? Il est relativement jouissif
d'imaginer celles et ceux qui d'emblée se sont sans doute mis à
grincer des dents et à ronger leur frein jusqu'à découvrir sur le
terrain, l'angle choisi pour un sujet si délicat. Ça commence par
un coup de foudre au bled et se termine par un coup de pied dans sa
face. Mais d'ici à ce que Zohra parvienne à faire entendre sa voix
et ses poings, la jeune et jolie maghrébine use de tous les
subterfuges pour cacher ce que lui fait subir son conjoint. Si elle
porte des lunettes de soleil, c'est parce qu'elle a une cataracte ou
une dégénérescence maculaire ! Face à Zohra, il y a Omar,
robuste, gentil comme tout sous le soleil du Maghreb mais révélant
une toute autre facette de sa personnalité lors de son retour en
France, à Pecq dans les Yvelines où fut tourné une partie non
négligeable du long-métrage. Avec son look d'immigré des années
soixante-dix, le cheveu crépu et épais, Ramzy Bédia n'a pas trop à
forcer le trait pour apparaître crédible dans le rôle du méchant
Omar qui soupçonne sa femme chaque fois qu'elle est au téléphone
ou qu'elle parle à un autre homme. L'enfer dans lequel le
réalisateur enferme le personnage qu'interprète l'actrice et
réalisatrice française Sabrina Ouazani ne va pas s'arranger, bien
au contraire. Si l'on a tout d'abord un peu de mal à comprendre où
veut vraiment en venir Mabrouk El Mechri vue la difficulté avec
laquelle il est demandé à certains cinéastes de s'interroger sur
les violences conjugales, la bande-annonce avait à l'époque de quoi
rassurer le public avide de comédies. Sans prendre conscience des
enjeux d'une telle thématique, on pouvait sans mal cocher le film
dans la colonne des projets cinématographiques à venir qu'il ne
faudrait peut-être pas manquer...
La
première partie laisse au spectateur l'étrange sensation d'avoir
été trompé. En effet, il semble que le sujet des violences
conjugales ait été traité sous un angle plus sérieux qu'il n'y
paraissait dans la bande-annonce et où l'humour semble avoir été
pratiquement banni. Rassurant peut-être ainsi celles et ceux qui
estiment qu'on ne badine par avec un sujet aussi important. En même
temps, à moins d'être entré dans la salle obscure en regardant par
terre, difficile d'imaginer que le film puisse être autre chose que
ce que prétendait la bande-annonce... ou son affiche, laquelle fait
très clairement référence au roi du kung-fu, Bruce Lee, qui
trônait en bonne place sur les affiches de ses films. Une similitude
forcément sans équivoques. Notons d'ailleurs un détail
relativement amusant puisque en 2001, Ramzy Bédia incarnait dans La
tour Montparnasse infernale
de Charles Nemes, un laveur de carreau complètement débile qui à
un moment donné était provoqué en duel par un certain Ming
(surnommé Mireille Mathieu à cause de sa coupe au bol), la séquence
prenant ainsi l'allure de celle qui opposa longtemps auparavant dans
Le jeu de la mort le
gigantesque basketteur Kareem Abdul-Jabbar et l'immense Bruce Lee !
Souvent, lorsque est évoqué le film, celui-ci se prend une volée
de bois vert. On ne cause pas dans les salons privilégiés de ses
qualités de mise en scène ou de son interprétation mais du choix
délicat d'avoir traité le sujet sous l'angle de l'humour. C'est à
se demander si ceux qui crachent sur le long-métrage de Mabrouk El
Mechri ont fait l'effort de se rendre en salle obscure lors de sa
sortie sur grand écran ou si leur jugement ne reposerait pas en fait
que sur de simples on-dit...
Une
comédie, Kung-Fu Zohra ?
Certainement pas. Ou du moins l'est-elle, mais dramatique. Durant
plus de cinquante minutes, on assiste aussi désœuvrés que la
victime des violences conjugales au quotidien d'Omar, fan de foot un
brin alcoolique et violent mais plus encore de Zohra, la compagne au
visage témoignant des blessures qu'il lui inflige hors champ de la
caméra. Quitte à décrire les violences dont est victime la jeune
femme, pourquoi le réalisateur ne s'est-il pas montré plus radical
en filmant les supplices de son héroïne ? Par respect pour sa
mère ? Pour celui des femmes en général ? Ramzy Bédia
est convainquant et même parfois, effrayant tant il paraît ici
parfaitement naturel, monstrueux, utilisant l'enfant qu'Omar et Zohra
ont eu pour tenir cette dernière sous son emprise. Le scénario de
Mabrouk El Mechri introduit alors un concept assez curieux reprenant
celui du film culte de John G. Avildsen sorti en 1984, Karaté
Kid.
Œuvre dans laquelle un adolescent martyrisé par des camarades
d'université (l'acteur Ralph Macchio dans le rôle de Daniel Russo)
s'entraînait au karaté auprès d'un professeur rompu aux arts
martiaux (Noriyuki « Pat » Morita dans le rôle de Kesuke Miyagi).
Malheureusement, de ce point de vue, la comparaison s'arrête là.
L'entraînement de Zohra s'offre la partie congrue et se résume au
fond à surtout brasser de l'air. Kung-Fu Zohra
possède néanmoins de nombreuses qualités, comme la sobriété de
la mise en scène ou celle des interprètes. Sabrina Ouazani est
touchante (férue d'arts martiaux, l'actrice s'est intensément
entraînée pour le rôle) et le ''blédard
originaire de Pékin''
qu'interprète l'acteur Tien Shue, comment dire... exotique. Le film
retranscrit très bien l'emprise du conjoint violent sur son épouse
ainsi contrainte de rester vivre auprès de son bourreau si elle veut
pouvoir toujours voir sa fille (la jeune Lina Hachani dans le rôle
de Zina). C'est peine perdue pour ceux qui espéraient rire aux
éclats (en dehors d'une séquence finale libératrice) car malgré
l'irruption de quelques séquences saugrenues (introduites dans une
bande-annonce mensongère) Kung-Fu Zohra
revêt d'abord les atours du drame social... Quant aux amateurs
exclusifs de films d'arts-martiaux, certains préféreront sans doute
le générique de fin à tout ce qui aura précédé...
Convainquant !
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