Voila en général le
genre de production qui ravît une soirée sans autre but que de
passer un moment de détente sans avoir forcément à faire tourner
le moteur à cellules grises à plein régime. Un film autrichien
dont on devine d'emblée qu'il s'éloigne de la froideur d'un Michael
Haneke bien qu'il semble toutefois proposer un contenu que pourrait
lui jalouser le cinéma scandinave. Soit un humour noir situé dans
un contexte social où les icônes des catalogues ne sont pas les
bienvenues. Il n'y a qu'à regarder la tronche des interprètes et
les handicaps réels dont certains sont affublés pour comprendre
qu'ils ne seront jamais conviés à venir jouer sur le sol américain
dans un quelconque blockbuster. Au mieux, dans l'un de ces nombreux
films indépendants salués chaque année par le festival de
Sundance... Bad Luck
de Thomas Woschitz porte très bien son nom puisque l'antinomie qui
lie ici ces deux mots est relativement représentative de son
contenu. L'argent fait-il le bonheur ou le malheur de celui qui
l'acquiert dans des conditions pas tout à fait légitimes ? Je
sais, c'est très con comme réaction et sans doute pas très humain,
mais lorsque l'on voit la dégaine, la gueule d'ours et la démarche
claudicante de Christian Zankl ou le bec de lièvre de Thomas Oraze,
on pense que la page consacrant leur biographie cinématographique
doit être bien vide. C'est peut-être un peu misérable que de
penser cela mais pourtant, c'est bien le cas puisque l'un comme
l'autre, ces deux là ont débuté leur carrière en 2014, année de
sortie du long-métrage, et n'ont malheureusement rien interprété
d'autre depuis. Et pourtant, ces gueules cassées, ces corps
endoloris, voilà bien le genre de spécimens de l'espèce humaine
que l'on aimerait voir plus souvent. Plutôt que ces corps
entièrement refaits et qui ressemblent davantage à des couvertures
de magasines de mode qu'aux individus que l'on a l'habitude de
croiser dans notre quotidien...
Aucun
interprète qu'il soit de sexe féminin ou masculin ne s'est apprêté
avant de se positionner devant la caméra. Thomas Woschitz filme avec
passion une poignée de ploucs, de rednecks, d'âmes perdues,
appelez-les comme vous voulez, prenant des distances avec toute forme
de jugement. Un petit groupe d'individus va se croiser lors d'une
journée décidément bien morne, et parmi lesquels, Limmo, qui vient
d'être renvoyé de son boulot et Rizzo, le boiteux en question,
épileptique et asocial. Le film situe son action dans le land le
plus au sud de l'Autriche du nom de Carinthie ! L'affiche du
film a vraiment la tronche de ces thrillers humoristico-désespérés
qui fleurissent dans les pays Scandinaves et limitrophes au notre. Un
cinéma moins frileux et pourtant glacial ou l'ironie le dispute au
cynisme. Il m'aura fallut deux visions pour profiter à leur juste
valeur des aventures de ces âmes en peine, la première ayant été
entrecoupée de nombreuses phases de sommeil. C'est dire si le rythme
et lent. Presque léthargique... Les individus de sexe masculin ne
sont ici pas les personnages exclusifs de ce récit puisque l'actrice
Valerie Pachner, qui elle s'est lancée dans une véritable carrière
cinématographique et télévisuelle (on l'a notamment vue récemment
dans Les animaux fantastiques: Les secrets de
Dumbledore
de David Yates), y interprète le personnage de Dagmar, jeune femme
qui vient d'être expulsée de sa demeure pour non paiement du loyer.
Ce sont donc trois personnages et tout autant de destins qui vont se
croiser. Mais si la mise en scène est loin d'atteindre la virtuosité
de celle du réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu
pour Amour Chiennes
en 2000, le film mise par contre sur ces trois personnages que sont
Dagmar, Lippo et Rizzo et leurs interprètes respectifs...
Thomas
Oraze dans la peau de Lippo est significativement le plus intéressant
de tous. Rude, désagréable, éprouvant peu d'empathie pour son
prochain, arborant lui-même une certaine forme de sociopathie, aussi
repoussante que puisse être son attitude, il demeure au fond le plus
attachant, errant sans véritable but, s'enfermant dans une colère
sourde et ancrée en lui. Puis vient Dagmar qui pour se faire un peu
de fric organise à la vas vite le braquage de la station-essence
dans laquelle elle est employée. Ce qui nous vaut une longue, très
longue séquence plutôt pittoresque ! Pince-sans-rire mais en
réalité très amusant, Bad Luck
finira logiquement par boucler la boucle avec les premiers
personnages à avoir d'entrée de jeu planté le décor dont un Rizzo
blafard, ventripotent et pris de malaises. Au final, le long-métrage
de Thomas Woschitz est une excellente surprise qui nous sort un peu
du confort commun à de trop nombreuses productions. Ici, ça n'est
pas tant l'action qui domine puisqu'elle est quasiment absente du
projet que les personnages et le burlesque des situations. Un film
qui mérite largement d'être (re)découvert...
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