L'antépénultième
long-métrage du réalisateur, scénariste et producteur français
François Ozon Grâce à Dieu s'inspire
d'un fait-divers authentique. Celui qui entoure l'Affaire Bernard
Preynat, ce prêtre accusé de pédophilie entre 1972 et 1991.
Reconnu coupable d'avoir abusé sexuellement dix enfants lors d'un
rassemblement de scouts, il est renvoyé de l'état clérical et
prend cinq de prison ferme. Dans le scénario de François Ozon, tout
commence avec Alexandre Guérin (interprété par l'acteur Melvil
Poupaud) qui lors d'une conversation se remémore les abus sexuels
dont il fut victime de la part du père Bernard Preynat alors qu'il
n était qu'un tout jeune adolescent. Le souvenir douloureux de
cette période pousse le jeune homme, père de cinq enfants et marié
à Marie (Aurélia Petit), à rencontrer Régine Maire, la
psychologue de l'archevêché. C'est grâce à elle qu'Alexandre
parvient à obtenir un rendez-vous avec le cardinal Philippe Barbarin
auprès duquel il témoignes des attouchements dont il fut victime il
y a longtemps. Bien que le cardinal lui ait promis de faire la
lumière sur toute cette affaire, Alexandre comprend très vite qu'il
n'obtiendra rien des autorités ecclésiastiques. Pire : le
père Bernard Preynat, malgré les plaintes de plusieurs parents,
officie toujours au contact d'enfants...
Avec
Grâce à Dieu,
François Ozon signe un très grand film, qui s'abstient de montrer
l'affaire sous son aspect le plus dérangeant pour n'en retenir que
l'essentiel. Le combat mené par les victimes d'un homme d'église en
qui leurs parents et eux-mêmes avaient mis leur confiance entre ses
mains. Entre dépositions des victimes, création de La
Parole Libérée,
cette association qui réunit à l'époque une soixantaine de
personnes victimes du père Bernard Preynat et qui très récemment a
été dissoute par ses propres membres, confrontations entre le
bourreau et certains de ceux dont il abusa à l'époque et qui depuis
sont tous devenus des adultes, l’œuvre de François Ozon fait
également l'état des lieux des traumatismes qui découlèrent du
viol de plusieurs d'entre eux. De la simple caresse jusqu'à la
fellation contrainte, le réalisateur aborde le sujet de la
pédophilie avec une infinie sobriété tout en n'oubliant jamais d'y
évoquer également le silence dont s'est rendue coupable l’église
et les retombées médiatique, judiciaires et religieuse d'une telle
affaire. François Ozon s'intéresse moins au bourreau qu'à ses
victime. Ce qui lui évite (et épargne aux spectateurs) d'exposer
plus qu'il n'en faut le bourreau sous la lumière des projecteurs.
Car les véritables héros de ce récit sont justement ceux dont le
père Bernard Preynat abusa. Un homme de Dieu courageusement
interprété par l'acteur Bernard Verley qui quoi qu'on en dise, a su
parfaitement dessiner les contours de ce prêtre doux dans les
paroles mais capable de pire dans les actes...
Melvil
Poupaud, donc, mais également Denis Ménochet (notamment inoubliable
dans l'excellent Seules les bêtes
de Dominik Moll en 2019), mais aussi et surtout Swann Arlaud, qui
dans le rôle d'Emmanuel Thomassin interprète l'une des victimes du
pédophile de manière absolument bouleversante. Le festival de
Cannes saura d'ailleurs s'en émouvoir puisqu'il y recevra le très
mérité prix du meilleur acteur dans un second rôle (un second rôle
qui d'ailleurs aurait mérité d'être hissé au niveau de ceux de
Melvil Poupaud et de Denis Ménochet tant Swann Arlaud marque Grâce
à Dieu de
sa seule présence et de sa qualité d'interprétation). On
appréciera également les participations de Josiane Balasko, d'Odile
Debord, d'Aurélia Petit, de Julie Duclos ou d'Amélie Daure qui
incarnent avec justesse qui une mère, qui une épouse ou qui une
compagne... N'oublions pas également l'acteur François Marthoulet
qui incarne quant à lui le rôle du Cardinal Philippe Barbarin qui
lui aussi sera au centre de l'affaire pour avoir gardé le silence
quant aux faits reprochés au père Bernard Preynat. Sans jamais se
placer à la hauteur d'un juge, François Ozon signe une partition
parfaite. Un sujet grave traité dans la plus grande dignité par le
réalisateur et ses interprètes. Je le répète, Grâce
à Dieu est
un très grand film...
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