Après avoir véritablement lancé la carrière cinématographique du
duo d'humoristes formé autour de Kad Merad et Olvier Baroux avec
Mais qui a Tué Pamela Rose en 2003 et Un Ticket
pour l'Espace en 2006, après avoir déjà mis en scène
Alain Chabat dans l'excellent Prête Moi ta Main la
même année, après avoir réalisé le segment Lolita
du film à sketches Les Infidèles en 2012 et après
avoir connu un grand succès avec La Famille Bélier
en 2014 en remportant notamment le César du Meilleur espoir féminin
pour Louane Emera, le réalisateur français Eric Lartigau est revenu
en février dernier avec son tout dernier long-métrage, #JeSuisLà.
Il abandonne cette fois-ci l'humour loufoque de ses débuts ou celui
un peu plus lourdingue des Infidèles pour une approche
toute en sensibilité et en poésie. En confiant l'interprétation du
restaurateur Stéphane à l'un des acteurs français les plus
attachants de l'hexagone, son œuvre ne pouvait s'attirer que la
sympathie de la critique et des spectateurs. Sur un scénario écrit
en collaboration avec Thomas Bidegain (De Rouille et d'Os et
Dheepan de Jacques Audiard), il écrit une histoire aux
tenants relativement fragiles mais qui tient sur ses fondations grâce
à l’expertise d'un professionnel du rire capable de naviguer dans
des eaux beaucoup plus modérées.
On parle bien évidemment du réalisateur lui-même, mais aussi
d'Alain Chabat qui surprend par sa grande retenue même si son
nouveau personnage ne s'éloigne finalement pas tant de celui qu'il
interprétait au début de Prête Moi ta Main. Un
individu tout en mesure, en discrétion. Sauf qu'aujourd'hui, le
Stéphane qu'il incarne a quatorze ans de plus que le Luis Costa qui
côtoyait la charmante Charlotte Gainsbourg. Stéphane, lui, semble
remettre son existence en question. Divorcé et père de deux fils
qui travaillent à ses côtés dans le restaurant familial situé au
pays basque, il tient en secret une relation virtuelle avec Soo, une
artiste-peintre sud-coréenne qui ne le laisse pas indifférent. Sans
prévenir personne de la raison de son voyage, Stéphane annonce un
jour qu'il part pour la Corée du Sud. Une fois à bord du vol qui
doit l'emmener jusqu'à l'aéroport de Séoul, il envoie un message
sur Instagram à la jeune femme. Celle-ci lui annonce qu'elle
viendra le chercher à son arrivée. Mais lorsque Stéphane arrive à
destination, Soo n'est pas là. L'homme patiente une heure, deux...
Puis un jour, un second, puis un troisième. Au bout d'une dizaine de
jours, après avoir pris le temps de connaître chaque recoin de
l'aéroport, après avoir conversé avec une employée à
l'entretien, après avoir aidé dans un restaurant sud-coréen de
l'aéroport et surtout, après avoir partagé sur Instagram
des centaines de photos avec ceux qui se sont abonnés à son profil,
le voilà désormais devenu populaire...
Bien involontairement d'ailleurs puisque le personnage façonné
d'abord par écrit par Eric Lartigau et auquel a ensuite donné vie
Alain Chabat n'est pas de ces hommes qui cherchent la lumière. Juste
une façon de ne pas vieillir, de suivre le train des nouvelles
technologies en donnant un grand coup de balai dans son existence
(symbolisé par le retrait des trophées de chasse ornant son
restaurant et en communiquant grâce à l'outil Instagram).
#JeSuisLà expose également la désillusion d'un homme
plongé seul en terre étrangère. Dans un pays dont il ne parle pas
la langue, mais qui revêt une image de carte postale idyllique qui
donne furieusement envie de suivre les pas de son héros. ''Coincé''
dans un aéroport fourmillant de vie, Alain Chabat campe avec une
infinie justesse un homme séduit par tout ce qui l'entoure.
Accompagné par la magnifique photographie de Laurent Tangy, Alain
Chabat erre dans un monde bruyant et coloré, fait de rencontres
inattendues. Doona Bae incarne Soo, rencontrée virtuellement, puis
en rêve (séquence d'une infinie beauté) et de manière ensuite,
beaucoup plus concrète. Eric Lartigau n'en oublie cependant pas d'y
inclure une note d'humour à travers le personnage de Suzanne incarné
par l'humoriste et actrice Blanche Gardin. Un grand film...
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