Avec leur dernier
long-métrage Uncut Gems, Joshua et Ben Safdie,
notamment auteurs de Mad Love in New York
en 2014 et Good Time
en 2017 signent une œuvre pour le moins touffue, œuvre hybride
confrontant l'absurdité de l'univers des frères Coen à la noirceur
d'Abel Ferrara. On retrouve chez eux, l'esprit cartoonesque des
premiers mêlé au nihilisme du second. C'est d'ailleurs sans doute
l'auteur du traumatisant Bad Lieutenant
et son flic pourri jusqu'à l'os que l'on rapprochera surtout du
''héros'' de Unct Gems.
Et s'il ne porte pas sur lui d'insigne ou de flingue, il semble
parfois difficile de dissocier le remarquable Harvey Keitel d'Adam
Sandler, qui dans la peau du bijoutier Howard Ratner, pari sur des
matchs de basket, accumule les dettes et prend le risque de recevoir
une balle dans la tête. Marié à une épouse qui le méprise au
point de ne plus supporter de le regarder en face ou de le toucher,
amant d'une prostituée folle amoureuse de lui (Julia Fox, joli brin
de fille qui débutait là sa carrière d'actrice au cinéma),
poursuivi par son beau-frère Arno (l'acteur Eric Bogosian qui
interpréta notamment le rôle du méchant face à Steven seagal en
1995 dans Under Siege 2: Dark Territory
de Geoff Murphy) lequel lui met entre les pattes deux de ses hommes
le bijoutier est en possession d'une gemme dont il compte bien tirer
un million de dollars lors d'une vente aux enchères. Howard est le
genre d'individu qu'il vaut mieux ne pas croiser sur sa route. Et
encore moins fréquenter. Prototype même du type qui cherche les
''embrouilles'', il va non seulement mettre sa vie en danger mais
également celle de ses proches. À moins qu'il ne parvienne
finalement à remporter la mise d'un million et demi de dollars qu'il
espère empocher à l'issue d'un match de basket auquel participera
le grand basketteur Kevin Garnett.
S'il
demeure un fait que l'on ne peut contredire, c'est le soin apporté à
la mise en scène des frères Sadfie. Même pas quarante ans et ces
deux là ont déjà tout compris en la matière. Uncut
Gems
est une furieuse plongée dans un New York bouillonnant. Et pourtant,
le récit qu'ils nous livrent semble en total décalage avec
l'univers qui entoure les personnages. Il n'y a qu'à voir à quel
point le monde extérieur se passe d'eux pour vivre et dans quelle
mesure Howard, Arno, Gooey (l'acteur Judd Hirsch) ne semblent jamais
vraiment s'extraire de l'univers auquel leur interprète respectif
est censé appartenir. Une diffraction. Un monde parallèle où la
fiction rejoint la réalité sans pourtant jamais s'y frotter
réellement. C'est peut-être en cela que l’œuvre de Joshua et Ben
Safdie ressemble tant à celle des frères Coen. Où quand l'humour
s'invite au cœur d'un polar sombre et désespéré au point que l'on
ne sait plus s'il faut rire ou s'inquiéter du sort des
protagonistes.
Howard
est un type d'ailleurs pour lequel on s'inquiétera relativement peu
puisque les frères Sadfie ont choisi l'option de n'en faire jamais
quelqu'un de sympathique. Tout ceci n'est que subjectif mais, on se
demande souvent si les rires qui nous échappent sont autorisés.
Joshua et Ben Safdie composent avec Uncut Gems
une sorte de vade-mecum du thriller. Et c'est sans doute la raison
pour laquelle il arrive que l'on pouffe de rire alors que la gravité
du sujet ne s'y prête pas forcément. En accumulant tous les poncifs
inhérents au genre et en faisant porter à la charge du ''héros''
tous les malheurs du monde, le long-métrage finit par se parodier
lui-même. Et pourtant, oui, le film fonctionne. Dès lors que l'on
accepte ce mélange bâtard entre thriller et humour noir, Uncut
Gems fonce
à toute allure au point que l'on ressort de l'aventure totalement
lessivé et sous le charme de la mise en scène et de
l'interprétation (à noter la présence du basketteur Kevin Garnett
et du chanteur The Weeknd qui interprètent chacun leur propre rôle).
Beaucoup de séquences en intérieur (entre la garçonnière de
Howard et la bijouterie), et un score très étrange signé par
Daniel Lopalin qui n'est autre que le musicien qui se cache derrière
le pseudonyme Oneohtrix
Point Never.
Avec son look passe-partout, ses oreilles percées de diamants et son
infatigable gouaille, Adam Sandler porte littéralement le film sur
ses épaules. À découvrir... sur Netflix.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire