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mardi 21 janvier 2020

Du Sang pour Dracula de Paul Morrissey (1974) - ★★★★★★★☆☆☆



Un an après sa version toute personnelle du mythe de Frankenstein (Chair pour Frankenstein), le réalisateur, scénariste et photographe Paul Morrissey se penchait en 1974 sur celui d'un autre grand nom du fantastique. Dracula, de l'écrivain britannique Bram Stoker paru en 1897 et adapté de nombreuses fois sur grand écran. Le réalisateur y retrouve trois des principaux acteurs de son précédent long-métrage, Joe Dallesandro, Udo Kier et Arno Juerging qui interprètent respectivement le jardinier Mario Balato, le Comte Dracula et le domestique de ce dernier, Anton Ginik. Un employé très particulier au demeurant puisque gérant et conseillant davantage son maître plutôt que d'obéir à ses ordres. Plus étonnant demeurent les présences à l'écran de l'acteur et réalisateur italien Vittorio De Sica qui joua notamment pour Dino Risi, Claude Autant-Lara ou Luigi Comencini et qui interprète ici le rôle du Marquis Di Fiore près de la famille duquel le Comte et Anton viennent se réfugier, et du cinéaste et interprète Roman Polanski que l'on découvre dans le rôle d'un joueur de carte dans une taverne. Côté féminin, Du Sang pour Dracula est essentiellement constitué des membres de la famille Di Fiore, lesquels sont interprétés par la française Dominique Darel, les italiennes Silvia Dionisio et Stefania Casini, la britannique Maxime McKendry et surtout, la romaine Milena Vukotic que l'on a pu notamment découvrir chez Federico Fellini (Juliette des Esprits en 1965), Luis Buñuel (Le Charme Discret de la Bourgeoisie en 1972 et Le Fantôme de la Liberté en 1974) ou chez le soviétique Andreï Tarkovski (Nostalghia en 1983).

Dès les premières notes de musique du compositeur italien Claudio Gizzi qui avait déjà ''sévit'' sur le précédent long-métrage de Paul Morrissey, Du Sang pour Dracula emporte littéralement le spectateur sur un tempo et une émotion très évocateurs. La mélancolie l'emporte sur l'air sublime du ''Theme from Blood For Dracula'' et sur le visage émacié, blafard et fantastiquement charismatique de l'acteur allemand Udo Kier qui pour le coup, personnifie à merveille le célèbre vampire roumain. Et pourtant, loin de la créature immortelle et puissante que l'on imagine, entre les mains du réalisateur américain, Dracula perd de sa superbe. Malade, chétif, affamé et se déplaçant le plus souvent en chaise roulante, c'est pourtant cette spécificité qui rendent le personnage si attachant et le film si particulier. Il faudra sans doute attendre le Martin de George Romero en 1977 et sans doute plus encore le génial The Addiction d'Aberl Ferrara en 1995 pour retrouver de si belles allégories sur la maladie. Si en 1974, en n'en est pas encore à traduire l’œuvre de Paul Morrissey comme une œuvre visionnaire se rapportant à la future arrivée du SIDA dans les années quatre-vingt, l'imagerie est pourtant parfois troublante.

Malade, donc, le Comte Dracula est contraint avec son serviteur/dominateur Anton de quitter son pays d'origine pour se rendre en Italie où les jeunes filles vierges sont réputées nombreuses, la foi envers le christianisme y étant particulièrement respectée. Si dès le départ, Paul Morrissey aiguille le spectateur sur l'hypothétique virginité de l'une ou de l'autre des sœurs Di Fiore, le spectateur peut être quelque peu dérouté par le déroulement relativement classique du récit. En effet, en dehors de quelques élans gore qui trouvent leur paroxysme lors d'un final qui peut parfois prêter à sourire (Dracula déambulant dans la nuit, les deux bras arrachés) et offrent quelques séquences maladives lors desquelles le vampire vomi le sang des impures (sur fond blanc, ce qui augmente l'impact visuel), on pourra s'étonner que Paul Morrissey ne se soit pas offert certaines fantaisies scénaristiques dont le manque d'originalité sautera peut-être aux yeux de certains spectateurs (l’impureté de certaines, la virginité des autres demeurant trop évidentes). Reste que Udo Kier impressionne toujours autant. D'une sensualité envoûtante, il contraste avec le personnage incarné par Joe Dallesandro qui une fois de plus, revêt le costume du paysan pas très finaud et dont l'un des seuls intérêts est de s'adonner aux plaisirs de la chair. Érotisme subtil, portrait de la bourgeoisie et des petites gens souvent peu élogieux (les Fiori intéressés par le parti que représente Dracula, les voici prêts à lui ''offrir'' l'une de leurs filles. La population s'amassant dans la taverne pour y ''boire leur salaire'', Mario Balato, le jardinier, obnubilé par le sexe...), quelques séquences superbement photographiées (Luigi Kuveiller) s'imposent comme des toiles de maîtres prenant vie. Notons qu'après cela, Paul Morrissey s'est penché une fois de plus sur la réappropriation de certains mythes du fantastique avec en 1974, une adaptation du Chien des Baskerville du britannique Sir Arthur Conan Doyle...

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