Un an après sa version
toute personnelle du mythe de Frankenstein (Chair pour
Frankenstein),
le réalisateur, scénariste et photographe Paul Morrissey se
penchait en 1974 sur celui d'un autre grand nom du fantastique.
Dracula,
de l'écrivain britannique Bram Stoker paru en 1897 et adapté de
nombreuses fois sur grand écran. Le réalisateur y retrouve trois
des principaux acteurs de son précédent long-métrage, Joe
Dallesandro, Udo Kier et Arno Juerging qui interprètent
respectivement le jardinier Mario Balato, le Comte Dracula et le
domestique de ce dernier, Anton Ginik. Un employé très particulier
au demeurant puisque gérant et conseillant davantage son maître
plutôt que d'obéir à ses ordres. Plus étonnant demeurent les
présences à l'écran de l'acteur et réalisateur italien Vittorio
De Sica qui joua notamment pour Dino Risi, Claude Autant-Lara ou
Luigi Comencini et qui interprète ici le rôle du Marquis Di Fiore
près de la famille duquel le Comte et Anton viennent se réfugier,
et du cinéaste et interprète Roman Polanski que l'on découvre dans
le rôle d'un joueur de carte dans une taverne. Côté féminin, Du
Sang pour Dracula
est essentiellement constitué des membres de la famille Di Fiore,
lesquels sont interprétés par la française Dominique Darel, les
italiennes Silvia Dionisio et Stefania Casini, la britannique Maxime
McKendry et surtout, la romaine Milena Vukotic que l'on a pu
notamment découvrir chez Federico Fellini (Juliette
des Esprits
en 1965), Luis Buñuel (Le Charme Discret de la
Bourgeoisie en
1972 et Le Fantôme de la Liberté
en 1974) ou chez le soviétique Andreï Tarkovski (Nostalghia
en 1983).
Dès
les premières notes de musique du compositeur italien Claudio Gizzi
qui avait déjà ''sévit'' sur le précédent long-métrage de Paul
Morrissey, Du Sang pour Dracula
emporte littéralement le spectateur sur un tempo et une émotion
très évocateurs. La mélancolie l'emporte sur l'air sublime du
''Theme from Blood
For Dracula''
et sur le visage émacié, blafard et fantastiquement charismatique
de l'acteur allemand Udo Kier qui pour le coup, personnifie à
merveille le célèbre vampire roumain. Et pourtant, loin de la
créature immortelle et puissante que l'on imagine, entre les mains
du réalisateur américain, Dracula perd de sa superbe. Malade,
chétif, affamé et se déplaçant le plus souvent en chaise
roulante, c'est pourtant cette spécificité qui rendent le
personnage si attachant et le film si particulier. Il faudra sans
doute attendre le Martin de
George Romero en 1977 et sans doute plus encore le génial The
Addiction
d'Aberl Ferrara en 1995 pour retrouver de si belles allégories sur
la maladie. Si en 1974, en n'en est pas encore à traduire l’œuvre
de Paul Morrissey comme une œuvre visionnaire se rapportant à la
future arrivée du SIDA dans les années quatre-vingt, l'imagerie est
pourtant parfois troublante.
Malade,
donc, le Comte Dracula est contraint avec son serviteur/dominateur
Anton de quitter son pays d'origine pour se rendre en Italie où les
jeunes filles vierges sont réputées nombreuses, la foi envers le
christianisme y étant particulièrement respectée. Si dès le
départ, Paul Morrissey aiguille le spectateur sur l'hypothétique
virginité de l'une ou de l'autre des sœurs Di Fiore, le spectateur
peut être quelque peu dérouté par le déroulement relativement
classique du récit. En effet, en dehors de quelques élans gore qui
trouvent leur paroxysme lors d'un final qui peut parfois prêter à
sourire (Dracula déambulant dans la nuit, les deux bras arrachés)
et offrent quelques séquences maladives lors desquelles le vampire
vomi le sang des impures (sur fond blanc, ce qui augmente l'impact
visuel), on pourra s'étonner que Paul Morrissey ne se soit pas
offert certaines fantaisies scénaristiques dont le manque
d'originalité sautera peut-être aux yeux de certains spectateurs
(l’impureté de certaines, la virginité des autres demeurant trop
évidentes). Reste que Udo Kier impressionne toujours autant. D'une
sensualité envoûtante, il contraste avec le personnage incarné par
Joe Dallesandro qui une fois de plus, revêt le costume du paysan pas
très finaud et dont l'un des seuls intérêts est de s'adonner aux
plaisirs de la chair. Érotisme subtil, portrait de la bourgeoisie et
des petites gens souvent peu élogieux (les Fiori intéressés par le
parti que représente Dracula, les voici prêts à lui ''offrir''
l'une de leurs filles. La population s'amassant dans la taverne pour
y ''boire leur salaire'', Mario Balato, le jardinier, obnubilé par
le sexe...), quelques séquences superbement photographiées (Luigi
Kuveiller) s'imposent comme des toiles de maîtres prenant vie.
Notons qu'après cela, Paul Morrissey s'est penché une fois de plus
sur la réappropriation de certains mythes du fantastique avec en
1974, une adaptation du Chien
des Baskerville du
britannique Sir Arthur Conan Doyle...
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