Œuvre mythique à plus
d'un titre, la production franco-italo-maricaine Chair pour Frankenstein (dont
le titre original est Il mostro è in Tavola...
Barone Frankenstein)
eut dans les années quatre-vingt les honneurs d'une édition dans la
collection ''Les
Film que vous ne verrez Jamais à la Télévision''
de René Château. Un long-métrage qui allait ainsi rejoindre les
rangs d'une série de films cultes parmi lesquels le Massacre
à la Tronçonneuse
de Tobe Hooper, le Maniac
de William Lustig ou le Zombie
de George Romero. L’œuvre de Paul Morrissey, réalisateur,
scénariste, producteur et photographe américain underground (on lui
doit notamment la trilogie (Flesh,
Trash
et Heat
produite par le célèbre peintre Andy Warhol, l'un des représentants
du courant ''Pop
Art'')
doit sans doute aussi sa réputation grâce à son aspect sulfureux.
Une réappropriation du mythe qui comme nous le verrons plus loin,
n'est cependant pas exempt de défauts, loin s'en faut. Toujours
est-il que Chair pour Frankenstein bénéficie
d'un casting exceptionnel. À commencer par l'allemand Udo Kier. Un
visage, et surtout un regard que l'acteur prêtera l'année suivante
au personnage de Dracula dans Du Sang pour
Dracula,
lui-même réalisé par Paul Morrissey. Udo Kier incarne dans le cas
présent le baron Frankenstein. Un homme qui sous ses allures de
noble parfois franchement inquiétant cache une volonté de s'ériger
en Dieu. Mais Paul Morrissey ne voulant pas circonscrire la
personnalité de son personnage à cette seule évocation, il en fera
une description qui dépasse de loin l'aspect romanesque du roman de
Mary Shelley,
Frankenstein ou le Prométhée moderne
pour en faire un monstre aux déviances sexuelles parfois mal
assumées...
À
ses côtés, l'actrice américano-belge Monique van Vooren. Une
quinzaine de longs-métrages à son actif en soixante-deux ans de
carrière, mais une présence ici, absolument remarquable dans le
rôle de la sœur et épouse du baron, Katrin Frankenstein. Pendant
féminin de Udo Kier, l'actrice y est glaçante, pervertie par une
sexualité débridée et nymphomaniaque, méprisante envers les
petites gens, mais capable de s'avilir entre les bras d'un paysan. Ce
dernier n'est autre que Nicholas, incarné par le beau, et même, le
magnifique Joe Dallesandro, acteur américain qui ébloui tant Paul
Morrissey que celui-ci le filmera nu, l'acteur devenant un sex-symbol
dans l'univers de l'underground. Vedette de la trilogie de Paul
Morrissey Flesh,
Trash
et Heat
entre 1968 et 1972, il est ici l'objet (au sens propre comme au
figuré) d'une convoitise de la part de la baronne qui finira par
l'attirer dans son lit. On notera également la présence de l'acteur
Srdjan Zelenovic (origines?) dans le rôle de la créature masculine
mais aussi celle de l'actrice et mannequin italienne Dalila Di
Lazzaro dans celui de la créature féminine, ainsi que Arno Juerging
dans le rôle d'Otto, l'assistant du baron. Quant aux enfants des
Frankenstein, ils sont interprétés par les jeunes Marco Liofredi et
surtout Nicoletta Elmi que les amateurs de cinéma d'épouvante
reconnaîtront pour l'avoir notamment vue dans La
Baie Sanglante
de Mario Bava en 1971, Profondo Rosso,
le chef-d’œuvre de Dario Argento en 1975, ou Démons
de Lamberto Bava en 1985.
Paul
Morrissey se réapproprie le roman de Mary Shelley en lui injectant
une sexualité qui dépasse de loin la seule évocation des liens
incestueux qui unissent le baron et son épouse. Outre
l'homosexualité évidente de la créature masculine qui donne lieu à
une scène insensée lors de laquelle le baron contraint celle-ci à
s'accoupler avec la créature féminine, on notera la très nette
prédisposition de Frankenstein à la nécrophilie lors d'une
séquence très inconfortable. Peut-être plus encore que le récit
d'un homme fasciné par les corps, la chair et les entrailles, Chair
pour Frankenstein
est surtout une vision hyper-sexuée du mythe. Des vision hardcore
qui ne dénotent finalement pas de l'aspect underground des travaux
habituels de leur auteur. Chair pour Frankenstein
manque cependant d'une certaine ampleur. Que l'interprétation de ses
interprètes soit volontairement monolithique ou non, le jeu de
certains, tel celui de Srdjan Zelenovic dont le personnage semble lui
échapper, décrédibilise une partie de l’œuvre. Comme le peu de
soin qu'apporte le réalisateur quand vient le moment pour le baron
de mettre en pratique ses théories sur le corps reconstitué de la
créature masculine. Une certaine forme de puérilité, voire de
je-m’en-foutisme lié à l'aspect scientifique et qui nuit elle
aussi à cette œuvre qui se veut romanesque (le score de Claudio
Gizzi, certains décors de Enrico Job), mais qui parfois se confond
dans des actes ou des descriptions inutiles (la séquence des
chauves-souris, presque aussi ratée que celle de La
Maison près du Cimetière
de Lucio Fulci en 1981). Reste que le film envoûte grâce à son
salmigondis de personnages tous plus étranges et inhumains les uns
que les autres, avec en chefs de fil, une Monique van Vooren et un
Udo Kier parfois glaçants et un Joe Dallesandro à la sensualité
trouble...
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