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lundi 20 janvier 2020

Chair pour Frankenstein de Paul Morrissey (1973) - ★★★★★★★☆☆☆



Œuvre mythique à plus d'un titre, la production franco-italo-maricaine Chair pour Frankenstein (dont le titre original est Il mostro è in Tavola... Barone Frankenstein) eut dans les années quatre-vingt les honneurs d'une édition dans la collection ''Les Film que vous ne verrez Jamais à la Télévision'' de René Château. Un long-métrage qui allait ainsi rejoindre les rangs d'une série de films cultes parmi lesquels le Massacre à la Tronçonneuse de Tobe Hooper, le Maniac de William Lustig ou le Zombie de George Romero. L’œuvre de Paul Morrissey, réalisateur, scénariste, producteur et photographe américain underground (on lui doit notamment la trilogie (Flesh, Trash et Heat produite par le célèbre peintre Andy Warhol, l'un des représentants du courant ''Pop Art'') doit sans doute aussi sa réputation grâce à son aspect sulfureux. Une réappropriation du mythe qui comme nous le verrons plus loin, n'est cependant pas exempt de défauts, loin s'en faut. Toujours est-il que Chair pour Frankenstein bénéficie d'un casting exceptionnel. À commencer par l'allemand Udo Kier. Un visage, et surtout un regard que l'acteur prêtera l'année suivante au personnage de Dracula dans Du Sang pour Dracula, lui-même réalisé par Paul Morrissey. Udo Kier incarne dans le cas présent le baron Frankenstein. Un homme qui sous ses allures de noble parfois franchement inquiétant cache une volonté de s'ériger en Dieu. Mais Paul Morrissey ne voulant pas circonscrire la personnalité de son personnage à cette seule évocation, il en fera une description qui dépasse de loin l'aspect romanesque du roman de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne pour en faire un monstre aux déviances sexuelles parfois mal assumées...

À ses côtés, l'actrice américano-belge Monique van Vooren. Une quinzaine de longs-métrages à son actif en soixante-deux ans de carrière, mais une présence ici, absolument remarquable dans le rôle de la sœur et épouse du baron, Katrin Frankenstein. Pendant féminin de Udo Kier, l'actrice y est glaçante, pervertie par une sexualité débridée et nymphomaniaque, méprisante envers les petites gens, mais capable de s'avilir entre les bras d'un paysan. Ce dernier n'est autre que Nicholas, incarné par le beau, et même, le magnifique Joe Dallesandro, acteur américain qui ébloui tant Paul Morrissey que celui-ci le filmera nu, l'acteur devenant un sex-symbol dans l'univers de l'underground. Vedette de la trilogie de Paul Morrissey Flesh, Trash et Heat entre 1968 et 1972, il est ici l'objet (au sens propre comme au figuré) d'une convoitise de la part de la baronne qui finira par l'attirer dans son lit. On notera également la présence de l'acteur Srdjan Zelenovic (origines?) dans le rôle de la créature masculine mais aussi celle de l'actrice et mannequin italienne Dalila Di Lazzaro dans celui de la créature féminine, ainsi que Arno Juerging dans le rôle d'Otto, l'assistant du baron. Quant aux enfants des Frankenstein, ils sont interprétés par les jeunes Marco Liofredi et surtout Nicoletta Elmi que les amateurs de cinéma d'épouvante reconnaîtront pour l'avoir notamment vue dans La Baie Sanglante de Mario Bava en 1971, Profondo Rosso, le chef-d’œuvre de Dario Argento en 1975, ou Démons de Lamberto Bava en 1985.

Paul Morrissey se réapproprie le roman de Mary Shelley en lui injectant une sexualité qui dépasse de loin la seule évocation des liens incestueux qui unissent le baron et son épouse. Outre l'homosexualité évidente de la créature masculine qui donne lieu à une scène insensée lors de laquelle le baron contraint celle-ci à s'accoupler avec la créature féminine, on notera la très nette prédisposition de Frankenstein à la nécrophilie lors d'une séquence très inconfortable. Peut-être plus encore que le récit d'un homme fasciné par les corps, la chair et les entrailles, Chair pour Frankenstein est surtout une vision hyper-sexuée du mythe. Des vision hardcore qui ne dénotent finalement pas de l'aspect underground des travaux habituels de leur auteur. Chair pour Frankenstein manque cependant d'une certaine ampleur. Que l'interprétation de ses interprètes soit volontairement monolithique ou non, le jeu de certains, tel celui de Srdjan Zelenovic dont le personnage semble lui échapper, décrédibilise une partie de l’œuvre. Comme le peu de soin qu'apporte le réalisateur quand vient le moment pour le baron de mettre en pratique ses théories sur le corps reconstitué de la créature masculine. Une certaine forme de puérilité, voire de je-m’en-foutisme lié à l'aspect scientifique et qui nuit elle aussi à cette œuvre qui se veut romanesque (le score de Claudio Gizzi, certains décors de Enrico Job), mais qui parfois se confond dans des actes ou des descriptions inutiles (la séquence des chauves-souris, presque aussi ratée que celle de La Maison près du Cimetière de Lucio Fulci en 1981). Reste que le film envoûte grâce à son salmigondis de personnages tous plus étranges et inhumains les uns que les autres, avec en chefs de fil, une Monique van Vooren et un Udo Kier parfois glaçants et un Joe Dallesandro à la sensualité trouble...


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