Quatrième long-métrage
du cinéaste néo-zélandais Peter Jackson, Créatures célestes
(Heavenly Creatures) est peut-être également l'un de
ses plus émouvants et les plus sensibles. Basé sur un fait-divers
authentique survenu à Christchurch en Nouvelle-Zélande le 22
juin 1954, c'est dans la capitale du Canterbury qu'eut lieu
l'assassinat planifié de Honora Parker, épouse et mère de deux
enfants dont Pauline qui, aidée de sa meilleure et unique amie
Juliet Hulme décida d'ôter la vie de sa mère. Plutôt que de
transposer ce terrible fait-divers du point de vue de l'enquête et
des médias de l'époque, Peter Jackson a préféré s'inspirer
du journal intime tenu par la jeune Pauline Parker (interprétée à
l'écran par l'actrice néo-zélandaise Melanie Lynskey) durant les
deux dernières années précédent le drame. Si le cinéaste se
refuse à avouer avoir pris parti pour les deux adolescentes
meurtrières, il est difficile d'imaginer au vu du résultat qu'il
n'ait pas été quelque peu influencé par leur expérience. C'est
ainsi donc que le spectateur percevra Pauline et Juliet non pas comme
de simples meurtrières mais plutôt comme deux jeunes filles
victimes de leur passion mutuelle et de l'incompréhension de leurs
parents respectifs.
La rencontre de Pauline
Parker et de Juliet Hulme est déterminante. De caractères opposés
mais chacune à leur manière, rêveuses révoltées contre
l'institution, Peter Jackson met en parallèle et avec beaucoup de
sensibilité les difficultés qu'elles vont rencontrer avec leurs
familles respectives. Des parents qui ne comprennent ni n'acceptent
la relation que nouent les deux jeunes filles. À la frontière d'une
homosexualité qui est encore à l'époque, très loin d'être
acceptée dans la communauté. En composant avec les écrits de
Pauline Parker, Peter Jackson se frotte à l'univers fantasmagorique
que les deux adolescentes ont créé de toutes pièces. Ce quatrième
monde qui à l'origine est le fruit de l'imagination de Juliet. Un
paradis, ''en mieux'', sans chrétiens. Et puis surtout, le monde
imaginaire de Borovnia. Coloré, verdoyant, où vivent les
personnages de pâte à modeler confectionnés par les deux amies
elles-mêmes. C'est là qu'elles se réfugient, s'inventent un
imaginaire, mais perdent également pied avec la réalité.
Le conte de fée se
transforme alors peu à peu en cauchemar. Beau et cruel à la fois,
Créatures célestes mêle réel et fantastique. C'est
à travers les écrits de Pauline Parker, et donc à travers sa voix
unique que Peter Jackson nous conte ce terrifiant fait-divers,
multipliant les séquences oniriques sans qu'elles n’entachent
cependant à aucun moment le déroulement de l'intrigue principale.
Dans le rôle de Pauline Parker, on retrouve donc Melanie Lynskey,
ainsi que la britannique Kate Winslet dans celui de Juliet Hulme dont il s'agissait là du tout
premier rôle sur grand écran. Produit par la propre maison de
production de Peter Jackson, WingNut Films, Créatures
célestes
n'a coûté que cinq millions de dollars environ, ce qui n'empêche
pas le film d'arborer d'excellents effets-spéciaux analogiques. Les
jury de nombreux festivals où le film fut nominé n'étant pas
restés insensibles au sujet ni sans doute à la performance de ses
deux principales interprètes, le film est notamment reparti avec le
grand prix du Festival
du Film Fantastique de Gérarmer
en 1995, ainsi que le
Lion d'Argent pour le meilleur réalisateur à
la Mostra de Venise l'année précédente. Si Créatures
célestes n'est
certes pas le plus abouti des films de son auteur, il s'avère par
contre en tout point original et remarquable... Un joyau...
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