Délivrance,
ou le cauchemar de quatre amis réunis le temps d'un week-end dans
la chaîne de montagnes des Appalaches où ils ont prévu de
descendre en canoë la rivière Cahulawassee. Après avoir quitté ce
qui semble être l'un des derniers bastions de l'humanité séparant
la civilisation du milieu hostile qu'ils s’apprêtent à pénétrer,
leur première journée de descente se déroule dans des conditions
idéales. Cependant, et alors qu'Ed Gentry, Lewis Medlock, Bobby
Trippe et Drew Ballinger (respectivement interprétés par Jon
Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty et Ronny Cox) ont entamé leur
seconde journée de descente, Ed et Bobby font une mauvaise
rencontre : ils croisent en effet la route de deux chasseurs du
coin qui les menacent de leur arme et les humilient. Bobby est violé,
traîné au sol comme une truie, tandis qu'Ed est menacé de
connaître le même sort lorsqu'arrive subitement Lewis qui, à bonne
distance, bande son arc et tir une flèche en direction de l'un des
deux chasseurs, le tuant sur le coup tandis que son compagnon prend
ses jambes à son cou. Dès lors, les quatre amis doivent prendre une
décision : soit ils emmènent le corps du chasseur pour le livrer
aux autorités, soit ils le font disparaître au cœur de la forêt...
Réalisé
en 1972 par le cinéaste britannique John Boorman (Duel
dans le Pacifique
en 1968, Zardoz
en 1974, Excalibur
en 1981 ou Rangoon
en 1995), dont la carrière est constituée de comédies, de drames,
de thrillers et de films de guerre signe avec son cinquième
long-métrage, l'un des plus brillants exercices dans le domaine du
''survival''. Genre que l'on retrouve en général greffé au cinéma
d'horreur et d'épouvante mais qui trouve ici son utilité dans le
film d'aventures. Plus proche d'une œuvre telle que l'excellent
Southern Comfort
de Walter Hill et ses soldats aux prises avec des rednecks vivant
dans les marécages de la Louisiane que des cannibales dégénérés
de La Colline a des Yeux
de Wes Craven, le long-métrage de John Boorman conserve cependant
des rapports étroits avec ces deux exemples comme avec bon nombre
d'autre ''survivals'' : cette nécessité de survivre en milieu
hostile et méconnu, territoire privilégié d'indigènes érigeant
leur propres lois bien loin de toute civilisation moderne.
Dès
les premières minutes, et ce malgré la fameuse séquence unissant
l'un des citadins à un adolescent apparemment atteint de
consanguinité s'opposant lors d'un duel musical (le fameux air
''Dueling Banjos''
composé par le musicien originaire de Caroline du Nord, Arthur Smith
en 1955, et rendu célèbre grâce au long-métrage de John Boorman),
le cinéaste distille un certain malaise à travers les rednecks et
leurs cadre de vie. Un inconfort qui s'explique par le contraste
entre la vie ordinaire des quatre principaux protagonistes et celle
de ces bouseux de l'Amérique profonde dont les us et coutumes
peuvent totalement échapper à la compréhension du spectateur.
Délivrance
est également une critique de la toute puissance américaine face à
des indigènes qui ne peuvent se battre à armes égales lorsqu'un
projet de barrage les condamne à une future expropriation. L'arrivée
des quatre citadins sonne alors comme une véritable provocation
(Bobby se référant à la dégénérescence du jeune joueur de banjo
n'arrangeant pas les choses) et la chasse peut alors commencer. Le
long-métrage remet également en question toutes les idées reçues
concernant la nature et sa profonde beauté à travers l'abominable
agression dont vont être victimes Ed et Bobby. Bien que John
Boorman, le photographe Vilmos Zsigmond et le décorateur Fred
Harpman subliment l'environnement dans lequel pénétrent nos quatre
principaux personnages, ce que retiendra sans doute le spectateur,
demeure dans sa conservation d'une certaine hostilité envers ceux
qui ne sont pas suffisamment préparés. Véritable classique,
angoissant à souhait, parfois dérangeant et magnifiquement mis en
images, Délivrance demeure
encore aujourd'hui l'une des grandes références en matière
d'aventure...
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