Trente-cinq ans après le
dernier volet de sa trilogie de l'appartement (Le Locataire),
le réalisateur franco-polonais enferme à nouveau ses personnages
dans un lieu clos avec l'excellent Carnage.
Ses obsessions balayées, d'autres immergent de ce récit à
l'origine écrit par la femme de lettre française Yasmina Reza,
qu'elle a tout d'abord elle-même mis en scène au théâtre sous le
titre Le Dieu du Carnage.
Le casting intégralement constitué de comédiens français
(Isabelle Huppert, André Marcon, Valérie Bonneton et Eric
Elmosnino) est remplacé sur grand écran par quatre acteurs
anglo-saxons. Roman Polanski imagine son adaptation au cinéma après
avoir assisté à l'une des représentations théâtrales de la pièce
de Yasmina Reza. C'est en compagnie de l'auteure elle-même, après
que l'intéressée ait été approchée par le cinéaste, que Roman
Polanski s’attelle à l'écriture du scénario. C'est en 2010, lors
de son assignation à résidence en Suisse en raison de problèmes
judiciaires que le cinéaste prépare le film à venir. Désormais,
l'intrigue ne se situe plus dans l'hexagone mais à New York aux
États-Unis. C'est dans l'appartement de Penelope Longstreet et son
époux Michael que vont se dérouler les événements. Alors que leur
fils à été battu par l'un de ses camarades d'école, les parents
de ce dernier sont invités à régler l'affaire avec ceux de la
victime, Ethan. Nancy et Alan Cowan s'attendaient sans doute à ne
passer que quelques minutes chez les parents du camarade de leur fils
Zachary, mais la soirée sera finalement plus longue que prévue. Une
soirée qui se transformera en affrontement non seulement entre les
deux couples, mais également entre chacun des membres de ces
derniers...
Jodie
Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz et John C. Reilly forment ce
quatuor d'acteurs qui durant un peu moins d'une heure vingt vont
exploiter tout leur talent d'interprètes dans cette comédie sociale
fort jouissive et interrogeant des problèmes relationnels, de
société, de comportement, allant même jusqu'à empiéter dans
l’intimité respectives des deux couples. On a d'une part le couple
formé par Jodie Foster et John C. Reilly. Ils incarnent les
Longstreet. Elle, est rigide, procédurière. Lui, est plutôt du
genre à arrondir les angles. A éviter les conflits. Face à eux,
Kate Winslet et Christoph Waltz. Elle, apparaît d'abord soumise.
Recroquevillée derrière un époux qui, lui, du haut de son statut
d'avocat, a plutôt l'habitude de mener les débats même si là, il
donne surtout l'impression de vouloir fuir le conflit qui, tapit dans
l'ombre, n'attend qu'un léger déclic pour enrailler la mécanique.
Car
si au début, tout se déroule pour le mieux, l'intérêt de Carnage
est de montrer l'individu sous tous ses aspects. Bientôt, le respect
que chacun montre aux autres s'efface, et le vrai visage apparaît
alors. Roman Polanski profite du cadre exigu d'un appartement pour
confronter deux couples ayant une vision toute différente d'une même
affaire (celle concernant leurs fils respectifs). Chacun voulant
tirer la couverture à soit, il n'est pas rare que les personnages
perdent successivement leur sang-froid. Surtout lorsqu'ils doivent
faire face à des donneurs de leçon. Si Carnage
est extrêmement bien écrit et relativement réjouissant, il peut
également arriver que ce jeu de massacre verbeux se révèle
inconfortable. Car le film de Roman Polanski met directement le
spectateur face à ses propres peurs. On sent très nettement les
origines théâtrales du scénario écrit à quatre mains et c'est là
qu'entre en jeu le talent de ses interprètes, tous plus savoureux
les uns que les autres. Si le film n'est pas aussi irrésistiblement
drôle que certaines des meilleures comédies tenant essentiellement
sur l'interprétation et la grande profondeur des dialogues (Le
Diner de Cons,
Le Prénom,
Un Air de Famille
et Cuisine et Dépendances
en sont les meilleurs exemples), Roman Polanski exploite cependant à
merveille l'espace et le potentiel de ses interprètes. A noter que dans la version française, les quatre interprètes sont admirablement doublés par Hélène Babu, Irène Jacob, Pascal Bongard et Aurélien Recoing. Un pur
régal...
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