Imaginez un monde dans
lequel vivent en une seule fratrie, des individus de toutes
espèces. Chats, chiens, corbeaux, chevaux, lapins, rats, avec,
cependant, quelques coutumes les différenciant. Un univers marginal,
dans un quartier new-yorkais où la consommation d'herbe et de sexe
sont la norme et où la colère commence à se faire sentir chez les
noirs, opprimés par une police. Grondant, enflant comme un ballon de
baudruche prêt à exploser, il ne manque plus qu'un leader pour que
la guerre soit déclarée. Et ce leader, cet agitateur ivre de
découvertes, d'expériences inédites, c'est Fritz. Non, vous ne
rêvez pas, il s'agit bien d'un chat. De gouttière s'il vous plaît.
Pas vraiment blanc, ni tout à fait noir. En fait, juste la couleur
qu'il faut pour n'avoir pas à se confondre avec telle ou telle
communauté et pourtant, il choisira son camp. Celui des oppressés.
De cette communauté que les flics, des porcs aux yeux et aux dents
jaunes chassant les consommateurs de sexe et d'herbe dans les rues
d'un New-York bientôt en proie aux flammes et à la violence.
Fritz the Cat est
une œuvre anticonformiste écrite et réalisée par Ralph Bakshi
surtout connu dans le domaine de l'animation. Il s'inspire ici du
personnage créé par l'auteur de bande dessinée Robert Crumb au
tout début des années soixante-dix. Pauvre, le réalisateur veut
marquer le coup et transgresser le genre en s'opposant à l’œuvre
d'un Walt Disney ayant envahi les chaumières. Ennuyeux, ce dernier ?
En tout cas, Ralph Bakshi veut goutter à autre chose. Oser comme le
personnage qu'il va mettre en scène, des expériences inédites,
quitte à se mettre un paquet de monde sur le dos. Il choisit donc
d'adapter Fritz the Cat de
Robert Crumb. Mais pour cela, il faut l'autorisation de son auteur.
C'est donc en compagnie du producteur Steve Krantz et de l'auteur de
la bande dessinée que Ralph Bakshi fait la tournée des bars de
New-York. Contrairement à toute attente, Crumb accepte que le
réalisateur adapte son œuvre au cinéma mais refuse cependant de
signer le moindre contrat. Bakshi s'en mordra les doigts, clamant
alors que Crumb est un vrai pourri. Un escroc. Qui gueule contre le
réalisateur de Fritz the Cat pour
avoir fait le film. Cependant, l'épouse de Crumb ayant des droits
sur les contrats de son époux et ayant signé celui concernant le
projet d'adaptation, Ralph Bashki est autorisé à tourner Fritz
the Cat à
son compte.
Un monument de
contre-culture dans lequel les juifs, les noirs, les blancs, les
flics, la religion, l'autorité et les politiques en prennent pour
leur grade. S'inscrivant dans un contexte brûlant. Celui des
nombreuses émeutes qui se sont déroulées dans les années soixante
et notamment celle qui est survenue à partir du 2 juillet 1964 après
qu'un jeune noir ait été tué par un flic qui n'était pas en
service dans le quartier de Harlem. Ralph Bakshi s'amuse ensuite de
cette trop grande hypocrisie dégénérant déjà à l'époque, ces
jeunes donzelles invoquant leur ouverture d'esprits, faussement
éprises par la cause des noirs mais qui devant l'accès à certains
interdits traqués par la police vont exploser leurs valeurs et se
fourvoyer dans le stupre et la consommation d'alcool. Une partie fine
à quatre, organisée par un Fritz en rut, dans la salle de bain d'un
tripot, propriété d'un ami rat (d'où l'idyllique vision d'un
univers ou même les pires ennemis au monde peuvent vivre ensemble
dans une certaine quiétude), se transformant en une orgie
interraciale incontrôlée et enfumée où planer se vit au sens
propre. Reproduisant à l'identique certains pâtés de maisons de
Harlem, Ralph Bashki propose un spectacle foisonnant d'idées, tours
à tours psychédéliques, funky, irrévérencieuses, survoltées, et
toujours sur un ton familier. Un langage ordurier à ne pas mettre
devant toutes les oreilles pour une œuvre qui s'adressait d'ailleurs
davantage aux adultes qu'aux enfants. Immature, Fritz, l'obsédé
sexuel, le consommateur d'herbe néophyte, l poète urbain, ce
révolutionnaire s'amuse et se joue des événements, prenant la
fuite dès que cela se gâte. C'est lourd, vulgaire, pas toujours
très sain pour l'esprit, mais bon dieux, que cela fait du bien.
D'autant plus que Fritz the Cat est
parfois parcouru de visions franchement remarquables et excellemment
doublé en français. Notamment par Rogel Carel dont la
responsabilité fut de donner vie au personnage principal. A noter
également la présence de Jacques Balutin dans le doublage du
policier Sammy. A voir, pour ne pas mourir bête !
Je pensais à ce film il n'y a pas si longtemps, j'étais ado quand je l'ai vu. J'ai ensuite eu l'occasion de voir "Sausage Party" que ma fille de sept ans avait eu l'idée saugrenue d'emprunter à la médiathèque où les produits de supermarché remplacent les animaux de New York : un truc vulgaire et grossier, à ras des pâquerettes dont le seul péché de lourdeur est de jouer démagogiquement sur la question religieuse (Dieu comme illusion consolatrice : ce n'est pas l'idée qui me déplaît, loin de là, c'est juste qu'elle est devenue banale, malgré le regain d'intérêts par ces fous qui mettent aujourd'hui le monde à feu et à sang)... Je ne sais pas si c'est le film (d'animations) en lui-même qui m'a fait rire ou si c'est le fait que ma fille de sept ans ait été attiré par ce DVD (sans rien y comprendre) : un peu des deux sans doute. Ca fait sans doute du bien car cela fait un petit temps déjà que je me dis que les dessins animés ont perdu de leur folie (genre Shrek) pour devenir aussi sirupeux et convenu que n'importe quelle comédie dite romantique (surtout quand elle est vêlée par les studios hollywoodiens) (les moues des personnages de dessins animés qui miment à la perfection les moues artificielles-réalistes des acteurs en chair et en os (c'est d'ailleurs ce que j'avais reproché au stop-motion Anomalysa.
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