L'acteur, réalisateur et
scénariste français Pierre Richard ne s'était pas installé
derrière une caméra depuis presque trente ans (en dehors du
court-métrage SOS Siné Mensuel: Pierre Richard
en 2022).
Vingt-huit, pour être plus précis. Depuis qu'il s'était notamment
mis en scène aux côtés de Véronique Genest, Carol Sihol, Daniel
Russo, Isabelle Candelier ou encore Daniel Prévost dans Droit
dans le mur.
En cette soirée du 25 août 2025, il fallait donc avoir prévu
d'acheter par avance sa place de cinéma tant le public qui afflua
dans les quatre salles réservées à la projection de son nouveau
long-métrage projeté en avant-première au cinéma CGR
de Narbonne furent combles. Pour une raison très simple : la
présence avant et après la séance de Pierre Richard en chair et en
os. Un événement précédé par son passage dans le hall principal
du multiplex, tout d'abord accueilli par un orchestre de tambours,
puis par un public immédiatement acquis à la cause de l'un de nos
plus grands acteurs. Que dis-je, un cinéaste, complet, qui multiplia
durant sa carrière les rôles sur grand écran. Une carrière
essentiellement vouée à la comédie, débutée comme bien d'autres
avant et après lui par de petits rôles, très secondaires comme
celui d'un agent de police dans Un idiot à Paris
de Serge Korber en 1967 avant d'interpréter le rôle très
remarquable de Colibert dans le classique d'Yves Robert l'année
suivante, Alexandre le bienheureux...
Dès le tout début des années soixante-dix, Pierre Richard passe
alors derrière la caméra avec Le distrait.
Comédie qu'il réalise, écrit et incarne. Très vite il se démarque
par une approche fantaisiste, parfois proche du mime où son talent
de ''gaffeur'' s'y exprime volontiers. Après cette savoureuse
critique du monde de la publicité dans laquelle il s'amuse des codes
propres au métier pour les détourner, Pierre Richard signe Les
malheurs d'Alfred
deux ans plus tard. Mais c'est surtout avec Je
sais rien, mais je dirai tout
que le cinéaste peaufine certains très de son caractère. Si tout
comme dans Le distrait
le personnage qu'il interprète s'appelle Pierre, ça n'est alors
sans doute pas le fruit du hasard. Dans ce troisième long-métrage,
Pierre Richard se montre féroce, acerbe et donc très critique
envers la société. Et notamment vis à vis de la bourgeoisie dont
il est lui-même issu à l'origine. Qui ne souvient pas du fameux
dîner réunissant les membres d'une famille constituée de
représentants de l'armée, de l'église ou d'une grande entreprise
dont Pierre Richard se pose comme antithèse n'observera sans doute
pas le rapport qu’entretient son troisième long-métrage avec
L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme.
Sans
présager de la suite de sa carrière d'auteur puisque comme il le
témoigna lui-même lors de cette avant-première, rien ne permet
d'affirmer qu'il reviendra derrière la caméra, le huitième
long-métrage de Pierre Richard pourrait bien être le dernier. Cela
n'était pas arrivé depuis des décennies mais quatre salles furent
donc réservées à la seule diffusion de sa dernière comédie
devant l'incroyable affluence du public de tous âges qui est venu
non seulement découvrir le film mais voir aussi et surtout en chair
et en os l'un des plus attachants acteurs français. De sept à
soixante-dix sept ans, comme le veut l'expression, le public est venu
honorer Pierre Richard à grand renforts d'applaudissement. Soutenu
avec grâce par une canne qui semble le suivre désormais partout, il
a donc passé les portes du cinéma devant une foule particulièrement
attentive à sa présence jusqu'à ce qu'il rejoigne l'un des
symboles du film : une ''poupée' grandeur nature de l'ours du
titre... La ferveur fut telle que pas un seul siège n'est resté
libre. Pierre Richard ainsi que le jeune et talentueux Timi-Joy
Marbot nous firent alors l'honneur de leur présence devant l'écran
avant que les lumières ne s'éteignent et que ne soit lancée la
projection. Après l'émotion d'avoir pu découvrir pour la toute
première fois l'immense acteur à quelques mètres devant nous,
L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme a
déroulé ses quatre-vingt huit minutes. Et au sortir de cette
aventure pleine de surprises, de cocasseries, teintée d'émotion et
de réparties dont Pierre Richard, l'auteur, eut toujours le secret,
il n'est pas difficile de considérer L'homme
qui a vu l'ours qui a vu l'homme
comme faisant partie de ses tout meilleurs films en tant que
réalisateur et scénariste. Un script auquel a d'ailleurs collaboré
Anne-Sophie Rivière qui débute ici dans l'écriture...
Côté
casting, outre la vedette et son jeune partenaire, Pierre Richard a
essentiellement et volontairement opté pour des interprètes du cru.
Parmi les rôles secondaires, en dehors de Louis-Do de Lencquesaing
(qui incarne Christos, le fils de Grégoire), Gustave Kervern (dans
le rôle de nanosh, le père du jeune Michel) ou d'Anny Duperey, l'on
retrouve donc des acteurs du sud et du sud-ouest. Et ce, pour une
raison simple : Pierre Richard voulait absolument avoir dans son
film des acteurs et donc des personnages ''authentiques'' et pas
simplement des parisiens qui n'auraient fait que mimer l'accent de la
région où se situe l'action. Parmi ces derniers, l'on retrouve
ainsi Patrick Ligardes, Jean-Claude Baudracco et même, un petit
nouveau dans le milieu du cinéma. Un certain... Henri Forgues !
L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme
nous conte la relation entre un vieil homme qui a tout plaqué pour
venir vivre dans le sud de la France et d'un jeune garçon atteint du
Syndrome d'Asperger. Mais plutôt que de nous offrir une œuvre
larmoyante, le duo ainsi que les seconds rôles nous offrent une
comédie pleine de fantaisie. De ce point de vue là, on peut dire
que Pierre Richard a chargé la mule. N'étant finalement pas
essentiellement tourné autour de la rencontre entre un homme et un
ours comme le titre pourrait le laisser entendre mais autour d'un
florilège de personnages pittoresques (dont un fan de Johnny
Hallyday qui tente de reconquérir son territoire amoureux auprès
d'une épouse lassée de sa passion pour le chanteur), l'on retrouve
le Pierre Richard de ses premières œuvres. Car derrière l'immense
tendresse et le regard intense que porte l'acteur, scénariste et
réalisateur sur ses acteurs et ses personnages, derrière la poésie
et la folie douce des dialogues et des situations l'on retrouve un
Pierre Richard taquin. Surtout lorsqu'il s'en prend encore une fois à
la bourgeoisie ou plus encore à la Gendarmerie... Particulièrement
inspiré, bourré de situations et de dialogues savoureux et souvent
burlesques, L'homme qui a vu l'ours qui a vu
l'homme a,
d'après les nombreux rires qui se sont fait entendre durant la
projection, remporté tous les suffrages. Une fois le générique de
fin arrivé à terme, Pierre Richard et Timi-Joy Marbot sont
réapparus devant l'écran pour une séance questions/réponses
pleine d'humour. Puis tous les deux ont ensuite quitté la place. La
salle, enfin, s'est vidée pour ne plus laisser qu'un grand vide mais
nos têtes pleine d'images...
Pourquoi pas... Je t'avouerai qu'en dépit de sa légendaire carrière, ça fait un bail que je ne suis plus le bonhomme, qui me semble abonné aux seconds rôles dans de pathétiques "comédies" françaises...
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