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mercredi 19 mars 2025

Mon homme de Bertrand Blier (1996) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

J'ai beau être en admiration devant l’œuvre du cinéaste français Bertrand Blier et avoir été aussi bouleversé par sa disparition en janvier dernier que par celle du réalisateur américain David Lynch survenue quelques jours avant lui, il est des films qui passent moins bien le cap de l'émerveillement. Ce n'est d'ailleurs qu'en me remémorant la ''répétition générale'' du Bruit des glaçons que je n'avais pas supporté autrement que par petits bouts avant d'adhérer finalement au concept que je me suis promis d'essayer à nouveau de me plonger dans l'univers des personnages de Mon homme. Une œuvre presque entièrement à la gloire des femmes et de SA femme Anouk Grinberg. Celle qui donna à Bertrand Blier un fils à l'époque où ils vécurent ensemble. De leur union naquit Léonard mais aussi trois longs-métrages. Trois œuvres qui laissèrent sur le carreau certains critiques et firent l'admiration des autres. Du moins pour l'excellent Merci la vie qui, s'il n'est pas le meilleur film de son auteur demeure sans doute l'un des plus tentaculaires dans sa mise en scène et son écriture. Là, Anouk Grinberg y incarnait la jeune Joëlle, causant chez les spectateurs des sensations inédites et presque honteuses vu l'âge que semblait vouloir donner à l'une des héroïnes le cinéaste. Sa voix de petite fille, l'actrice la perpétuera deux ans plus tard, en 1993 avec Un, deux, trois, soleil. Œuvre sans doute mineure chez Bertrand Blier mais qu'on lui pardonnera puisque après cela, il reviendra donc avec Mon homme. Recouvrant ainsi la mémoire des plus anciens souvenirs des cinéphiles qui le découvrirent au moment où sortaient successivement en 1974 et 1976 Les valseuses et Calmos (qui se souvient réellement avoir découvert en 1967 le pourtant génial Si j'étais un espion?), Mon homme est comme souvent chez le réalisateur, scénariste et écrivain français l'occasion de plonger ses protagonistes dans un univers teinté de surréalisme. Un concept pas toujours évident à accueillir dans un foyer lorsque l'on n'est pas habitué au style ''Blier''. Regards face caméra qui interrogent le spectateur, le font complice et même voyeur d'une aventure dont le schéma d'hommage à la Femme n'est pas toujours évident. Un film dans la lignée des plus anciens films de leur auteur qui, il est vrai, sent parfois la naphtaline à force de redondance, de gimmicks, de tics répétés à profusion et ne semble s'adresser qu'à un cercle très restreint de fans ! Anouk Grinberg incarne Marie, jeune prostituée autonome qui vit dans au dernier étage d'un appartement qui accueille chez elle Jeannot. Un clochard qu'elle trouve endormi dans l'entrée de son immeuble et auquel elle propose un repas avant de l'inviter à dormir chez elle, bien au chaud devant un radiateur brûlant. Marie aime l'argent et le sexe. Maris aime aussi les gens dans leur globalité. Succédant à une valse de passes qui voient des acteurs aussi divers que Jacques François, Michel Galabru, Jacques Gamblin ou encore Mathieu Kassovitz monter les six étages menant à l'appartement de la jeune femme pour trouver leur plaisir entre ses bras, Gérard Lanvin débarque vêtu d'oripeaux que l'on devine malodorants mais dont les effluves, cependant, ne semble pas incommoder Marie.


Mon homme fait écho au cultissime Tenue de soirée qu'avait déjà réalisé Bertrand Blier une décennie plus tôt, en 1986. Axant ici le récit autour de deux principaux personnages avant qu'un troisième en la personne de Sanguine (excellente Valeria Bruni Tedeschi) ne vienne s'y rattacher, le film explore les différentes possibilités d'un couple tout en penchant comme à son habitude vers la luxure et l'ascendance de l'homme sur la femme. Drôle d'hommage à la gente féminine diront alors certains. Surtout lors de l’hilarante séance de baffes durant laquelle Jeannot explique à Marie qu'il faut savoir esquiver les gifles. Une séquence très amusante qui préfigure la suite du récit où la cloche une fois rasée, parfumée et apprêtée va prendre de l'assurance et devenir le maquereau de Marie sur demande express de celle-ci !!! Amour, passion, violence et avarice se mêlent dans une histoire passionnée et parfois passionnante entre des individus qui tous n'ont pas forcément le même but. Si Anouk Grinberg se met littéralement à nue, sans la moindre pudeur en faisant ainsi preuve d'un véritable courage et d'une détermination certaine pour son compagnon Bertrand Blier, Valeria Bruni Tedeschi est touchante, fragile, amoureuse, sacrifiant jusqu'à sa pudeur et ses principes pour les beaux yeux d'un Gérard Lanvin toujours plus avide d'argent. Résurgence d'un passé de proxénète dont la fin de carrière tragique le condamna à vivre dans la rue ou nouvel et véritable appétit pour l'argent ? En intercalant le récit de séquences d'interrogatoire trop rares puisque jubilatoires, Bertrand Blier semble nous parler au présent mais aussi au passé. Et pas simplement par le truchement de personnages secondaires dont on regrette la courte présence à l'écran (Sabine Azéma, blaffarde en Bérangère rappelle curieusement Jeanne Moreau en Jeanne Pirolle dans les Valseuses tout en inversant leur point de vue respectif) mais parce que certains actes se présentant comme étant actuels semblent être le reflet d'un passé peu glorieux. Sans être un grand Blier, Mon homme reste une œuvre qui parfois marque d'une empreinte indélébile le spectateur. Le cinéaste offrant ainsi quelques séquences dont la beauté est irréfutable. Filmant les corps, leurs entrelacements et la sensualité de l'acte sexuel avec une force émotionnelle rare. Il faut voir en effet Gérard Lanvin chevaucher Anouk Grinberg sur fond de Beatus Vir op. 38 de Henryk Mikolaj Górecki et ainsi nous bouleverser pour enfin se convaincre que Bertrand Blier n'était pas qu'un sale garnement, provocateur et irrévérencieux. Des décennies après le misogyne Calmos, le réalisateur rendait effectivement un bel hommage à toutes celles qui nous accompagnent dans la vie. Certes, à sa manière faussement maladroite, mais qui aujourd'hui, et depuis sa disparition, oserait encore lui en vouloir... ?

 

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