Camping,
Disco,
Bienvenue à bord,
trois exemples de comédies françaises ringardes notamment
interprétées par un comique dont le style entre lui-même dans ce
registre. Une catégorie que l'humoriste, acteur, scénariste et
réalisateur Franck Dubosc semble par ailleurs assumer parfois avec
un certain panache. Comme d'autres avant lui, il a décidé de passer
derrière la caméra en 2018 en réalisant son tout premier
long-métrage intitulé Tout le monde debout.
Et par un fait qui pourrait passer comme tout à fait extraordinaire,
le film s'avère convaincant, connaît un grand succès dans les
salles françaises, auprès des critiques, que celles-ci soient
professionnelles ou non. Une popularité d'ailleurs méritée. Quatre
ans plus tard, Franck Dubosc se lance dans la périlleuse aventure
consistant à passer sans encombres le cap de la deuxième
réalisation. Mais sans être un mauvais film, Rumba
la vie
n'en est pas moins une petite déception en ce sens où sa seconde
comédie s'avère déjà beaucoup plus ordinaire. Toujours est-il que
l'on ne lui prêtera malgré tout pas les mêmes basses ambitions
qu'une Michèle Laroque qui elle, s'enferre dans une carrière de
réalisatrice médiocre, dont l'approche ringarde et passéiste de
l'humour en font le souffre-douleur des vrais amateurs de comédies
françaises. Passée l'épreuve finalement pas toujours très
convaincante du second film en tant que réalisateur malgré d'assez
bons retours de la presse spécialisée et d'une partie du public,
Franck Dubosc revenait en tout début d'année 2025 avec un troisième
long-métrage qui plus qu'une simple comédie mêle avec un certain
talent l'humour noir et le thriller.
Dans
ce nouveau film où il s'invite en tant qu'interprète principal aux
côtés de Laure Calamy et de Benoît Poelvoorde, l'acteur,
réalisateur et scénariste s'offre et nous offre par la même
occasion un véritable bain de jouvence en allant en outre côtoyer
le cinéma de Jean-Christophe Meurisse qui en deux films (Oranges
sanguines
en 2021 et Les pistolets en plastique
en 2024) s'est fait l'un des portes-drapeaux d'un cinéma
humoristique hexagonal quelque peu transgressif en y apportant une
touche de noirceur particulièrement jouissive. Sans juger ses
concitoyens, Franck Dubosc se fait ici en de raisonnables quantités,
le transfuge des maux qui atteignent notre société en les
transposant sur les terres jurassiennes. C'est donc dans le Jura, à
Morbier, à Vaudioux et à Bois-D'Amont qu'il transporte toute son
équipe technique et ses interprètes pour aborder le sujet des
migrants, du trafic de drogues et des moyens limités dont est
pourvue sa petite brigade de gendarmes à la tête de laquelle nous
retrouvons donc le belge Benoît Poelvoorde. Dans le rôle du major
Roland, l'acteur y déploie le talent qui est le sien, un humour
tragi-comique qui depuis longtemps maintenant est devenu l'une de ses
marques de fabrique. En père divorcé d'une gamine en pleine crise
d'adolescence (Kim Higelin dans le rôle de Blanche), Roland va
devoir faire face à ce qui restera sans doute l'affaire criminelle
la plus ''remarquable'' de sa carrière. En effet, le gendarme va
devoir résoudre aux côtés de son adjointe Florence (Joséphine de
Meaux) la mort d'une femme et de deux hommes retrouvés morts dans
d'affreuses circonstances à l'intérieur d'un véhicule abandonné.
Le scénario de Franck Dubosc ne laisse planer aucune zone d'ombre
s'agissant du ''mystère'' qui éventuellement pourrait entourer ces
trois individus dont on devine immédiatement qu'ils furent liés à
un trafic de drogue.
Quant
à leur mort, là encore, aucune énigme à devoir déchiffrer pour
le spectateur qui d'emblée assiste aux deux séquences qui mises en
parallèle expliquent la mort des uns et des autres. Franck Dubosc et
Laure Calamy interprètent les rôles de Michel et Cathy. Un couple
de paysans, parents d'un ''Doudou'' (Timéo Mahaut) atteint de
troubles psychiatriques légers. Après avoir involontairement causé
un accident qui a provoqué la mort d'un homme et d'une femme, Michel
rentre chez lui. Accueilli par son épouse qui l'interroge sur sa
blessure au front, l'homme lui avoue avoir tué deux personnes. Se
rendant ensemble sur le lieu du drame, Cathy prend la décision de
''nettoyer'' la scène de crime afin de faire disparaître tout
élément pouvant incriminer son mari. Mais alors que Michel ouvre le
coffre de la voiture des deux victimes, les événements vont prendre
une toute nouvelle tournure... La comparaison avec le cinéma des
frères Coen n'étant pas excessive, il est vrai que l'on retrouve
dans le ton d'Un ours dans le Jura
celui d'un Fargo
ou de tout autre thriller auquel les deux réalisateurs américains
s'amusent à injecter un brin d'humour noir. Même écourté, le
temps de présence du charismatique Louka Meliava dans le rôle de
l'iroquois semble plus ou moins se référer au personnage d'Anton
Chigurh qu'incarna le génial Javier Bardem dans No
Country for old Men...
toutes proportions gardées, bien évidemment. Calmant ses ardeurs
d'humoriste beauf depuis un certain temps en dehors de ponctuelles
piqûres de rappel, Franck Dubosc forme aux côtés de Laure Calamy
un couple touchant, au bord de la rupture sentimentale tandis que
Benoît Poelvoorde incarne un gendarme mais aussi et surtout un père
de famille blessé par sa rupture d'avec son ex femme qui depuis a
refait sa vie et par l'absence de communication avec sa fille qui
pourtant vit sous son toit. Drôle, saignant, cynique et touchant, Un
ours dans le Jura
réussit haut la main son mélange des genres. Après deux heures ou
presque de projection, l'on sort de la salle avec la certitude d'un
réalisateur et d'un scénariste né qui trop longtemps est resté
caché dans l'ombre des autres...
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