On ne saurait remettre en
cause le statut de remake du dernier long-métrage réalisé et
interprété par John Turturro, The Jesus Rolls.
Ni même nier l'excellence de l’œuvre et le génie de l'auteur
dont il s'inspire. Le film porte tout d'abord en son sein, l'espoir
de retrouvailles avec l'un des personnages iconiques de The
Big Lebowski
des frères Joel et Ethan Coen. The Jesus Rolls
est surtout la preuve que contrairement à ce que certains
prétendent, le cinéma français vaut bien mieux que les mauvaises
critiques qu'on lui accorde en général. Du moins, sa
réappropriation, qu'elle prenne la forme de l'hommage ou cette
habitude plutôt absurde de vouloir réadapter à la sauce ricaine
une œuvre qui à l'origine était vouée à n'être vue que par le
public hexagonal. Surtout, Les valseuses
de Bertrand Blier avait l'avantage d'avoir été conçu à une époque
où la liberté de ton n'était pas viciée par certaines idéologies
mortifères. Ce dont semble être quelque peu parvenu à s'imprégner
John Turturro. The Jesus Rolls
n'a pas eu les honneurs d'une sortie nationale sur le territoire
français, et c'est tant mieux. Car tout comme Francis Veber, le
cinéma du fils de l'immense Bernard Blier n'y gagne absolument pas à
être singé par un cinéaste dont les codes de son pays d'origine en
matière d'humour ne sont jamais vraiment les mêmes que les nôtres.
Et encore, John Turturro tente bien d'y injecter tout l'esprit des
Valseuses
tout en édulcorant l'une des spécificités de ce dernier : le
sexe y est donc plus timide. Se réservant des plages horaires
étriquées et affaiblissant ainsi le côté sulfureux qui se
dégageait de la quasi totalité de l’œuvre originale. En
réinterprétant le personnage de Jesus Quintana vu dans The
Big Lebowski
et en l'intégrant au cœur du récit originellement incarné par
Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou (lesquels
interprétaient respectivement à l'époque les personnages de
Jean-Claude, Pierrot et Marie-Ange), John Turturro crée un objet
filmique hybride, entre remake et Spin-off. Auquel participent Bobby
Cannavale dans le rôle de Petey et, plus étonnant, Audrey Tautou
dans celui de Mary, l'actrice étant devenue mondialement célèbre
grâce à son interprétation dans Le Fabuleux
Destin d'Amélie Poulain
de
Jean-Pierre Jeunet en 2001. Est-ce donc le choc des cultures ou bien
certaines réserves qui condamnent The Jesus
Rolls
à n'être qu'un simple ersatz du long-métrage dont il reprend une
très grande partie des séquences ?
Pour
le vieux routard, l'expérience a ceci de déplaisant que chaque
scène, chaque plan ou chaque réplique le rappelle au bon souvenir
des Valseuses
sans pour autant être en mesure d'éclipser la moindre d'entre
elles. Beaucoup moins frondeur que Bertrand Blier, John Turturro
évite notamment le rapprochement physique entre l'actrice et
chanteuse canadienne Sônia Reuben et Petey quand le réalisateur et
scénariste français, lui, n'hésitait pas une seule seconde à
demander à Brigitte Fossey de donner le sein à Patrick Dewaere.
Actrice aujourd'hui âgée de soixante-dix huit ans pour qui regarder
cette séquence en face est désormais tout simplement
inenvisageable, Brigitte Fossey la traduisait il y a presque un an
dans l'émission Quelle
époque !
de manière simple : ''C'est
horrible, horrible. C'est horrible''.
John Turturro et ses partenaires ont beau donner tout ce qu'ils ont,
leur ''sacrifice''
n'est en rien comparable aux performances additionnées de Depardieu,
Dewaere et Miou-Miou à leur époque. Si cette dernière s'imposait
comme une pétasse quelque peu neurasthénique dont nous découvrions
cependant au fil du récit la véritable nature, Audrey Tautou
reprend le rôle de cette jeune femme atteinte d'anorgasmie tout en
l'interprétant de manière beaucoup plus entreprenante. Tout au
plus, Susan Sarandon parviendra-t-elle à réitérer l'exploit de
Jeanne Moreau en ex-taularde suicidaire même si le ton déprimant
des scènes précédant son autolyse entretiendra un caractère
nettement moins cafardeux vis à vis de son public. Si au fond de lui
John Turturro a semble-t-il voulu rassembler l'un des personnages
parmi les plus marquants qu'il eu l'opportunité d'incarner durant sa
carrière autour de ceux de l'un de ses films de chevet, le résultat
n'est très objectivement pas très brillant et ne s'adressera donc
tout d'abord qu'à celles et ceux qui ne connaissent pas Les
valseuses. C'est
donc sans chauvinisme aucun que l'on préférera le film de Bertrand
Blier à celui de John Turturro même si The
Jesus Rolls
est loin, très loin d'être aussi mauvais que la plupart des
comédies françaises ayant été adaptées outre-atlantique jusqu'à
maintenant...
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