Alors là, nous nous
attaquons à du très, très lourd. Parce que l'air de rien, avec un
nom pareil, qui ne signifie sans doute pas grand chose pour les
nouvelles générations et celles à venir, traiter d'un sujet
tournant autour du réalisateur japonais Ishirō Honda, c'est un peu
comme de toucher du doigt le sacré. Non content d'avoir réalisé
près de quatre-vingt longs-métrages en une quarantaine d'années,
le bonhomme fut tout simplement à l'origine de l'un des plus grands
mythes du cinéma fantastique japonais. En effet, Godzilla, c'est
lui. Créée dans le milieu des années cinquante aux côtés du
producteur Tomoyuki Tanaka, la plus célèbre créature du bestiaire
issue du ''Pays du Soleil Levant'' fut la première à
apparaître sur les écrans japonais en 1954 sous l'impulsion
d'Ishirō Honda qui donc d'emblée offrit au genre ses lettres de
noblesse avec Godzilla.
Depuis, des dizaines de longs-métrage mettant en vedette ce
gigantesque dragon (que l'on confond souvent avec un animal
préhistorique de type tyrannosaure) ont vu le jour. Mieux : le
réalisateur japonais a, au fil de sa carrière, amené d'autres
créatures à se réveiller de leur profond sommeil. Qui pour
détruire notre espèce, qui pour lui venir en aide. C'est donc avec
d'infinies précautions que nous traiterons chacun de ses films, et
notamment Rodan
(Sora no Daikaijū Radon) dont
il est question ici et qu'il réalisa en 1956...
Il
s'agissait là de la première apparition de ce ptéranodon
originaire du crétacé supérieur. Dès le départ, on comprend
mieux la différence qui existe entre le cinéma d'Ishirō Honda et
celui de ses compatriotes. Le soucis du détail visuel qui transforme
un sujet absurde en une ''vérité'' qui se concrétise moins dans
l'apport d'éléments fabriqués par des maquettistes que par
d'authentiques décors ou le sérieux de ses protagonistes. Alors que
nombreux seront ceux qui habitueront les amateurs de
Kaijū à
voir des cités, des établissements modernes et leurs occupants être
piétinés, détruits, mis à feu et à sang, Rodan
propose
un contexte plutôt original puisqu'il s'intéresse au monde des
ouvriers d'une petite localité vivant près du volcan Mont Aso situé
dans la préfecture de Kumamoto Des mineurs de charbon dont certains
ne vont pas tarder à connaître un triste sort au contact de
Meganulons... Hein ! Quoi ? Késako ? Si le terme ne
vous est pas familier, pas d’inquiétude, c'est normal puisqu'il
s'agit d'un mot fantaisiste définissant des larves de libellules
préhistoriques géantes. Sous couvert d'un message écologique
rapprochant le réchauffement climatique (et oui, déjà à l'époque
certains se souciaient de notre environnement) de l'exploitation
intensive de mines de charbon, on pourrait quasiment cataloguer Rodan
dans
le genre ''horreur'' puisqu'au delà des créatures invoquées,
certaines séquences se situant dans les mines s'avèrent
relativement anxiogènes (merci au fidèle compositeur japonais,
Akira Ifukube). Et j'insiste bien sur le terme ''relativement''. Le
film joue sur une certaine valeur morale quant à la préservation de
créatures pourtant très hostiles envers l'homme, arguant ainsi dans
ce sens du fait qu'elles étaient présentes sur Terre bien avant
l'apparition de l'homme...
Question
que ne se pose pas très longtemps l'armée qui prend très vite la
décision d'une offensive envers le ptéranodon qu'elle attaque à
grands coups de missiles qui se révéleront pourtant inefficaces. En
matière d'effets-spéciaux, il va falloir séparer le bon grain de
l'ivraie car en dépit du fait que le travail méticuleux sur les
maquettes et notamment lors de l'assaut de Rodan au cœur de la ville
soit pour l'époque parfois remarquable, la créature elle-même est
plutôt lourdaude. Qu'il s'agisse de l'équipe en charge des
effets-spéciaux formée autour de Kaimai Eizo, Ziji Tsubutaya et
Akira Watanabe ou de celle qui fut responsable des effets visuels,
constituée de Sadao Iizuka, Hiroshi Mukoyama et Sadamasa Arikawa,
il y a donc à boire et à manger. Très véloce dans les airs,
capable de provoquer des souffles d'air à l'image des pires ouragans
grâce à de simples battements d'ailes ou de parcourir de grandes
distances en très peu de temps, Rodan est un poids dès qu'il pose
le pied sur terre. Comme le démontrera cette séquence inutilement
longue lors de laquelle il stagnera au sol au beau milieu des ruines
qu'il viendra de provoquer, absorbant le tir nourri de l'armée. Bien
qu'avec Rodan Ishirō
Honda ait mit cette année là au monde l'une des futures grandes
figures du Kaijū,
le japonais semble parfois très peu inspiré, étirant ainsi parfois
jusqu'à l'ennui certaines séquences, allant même jusqu'à proposer
une conclusion absolument absurde lorsque l'on sait la capacité de
voler de la créature. Reste que le film est visuellement plutôt
réussi, d'autant plus, faut-il le préciser, que Rodan
fit entrer le Kaijū
dans l'aire de la couleur puisqu'il fut le premier film du genre à
abandonner le noir et blanc...
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