Je me souviens très
clairement de ce jour où je découvrais lors d'un passage à la
télévision de l'improbable La chose à deux têtes (The
Thing with Two Heads) du réalisateur américain Lee Frost.
L'acteur Ray Milland y incarnait le rôle d'un chirurgien de couleur
blanche très gravement malade et surtout, TRES raciste. L'on y
assistait alors à la transplantation de la tête du dit chirurgien
aux côtés de celle d'un condamné à mort de couleur... noire !
Un film de blaxploitation fantastique totalement farfelu mais ô
combien cultissime. Je me souviens également très bien de ce pauvre
homme dont la femme venait d'être retrouvée morte sur une plage et
qui dans l'épisode Faux témoin de la série Columbo
suppliait le plus célèbre lieutenant-détective de Los Angeles de
retrouver celui qui avait commis le meurtre. Ou encore l'épisode
Dites-le avec des fleurs
dans lequel un vieil homme amateur de fleurs trucidait son neveu pour
une question de gros sous. Dans les deux cas, Ray Milland
interprétait l'époux de la victime puis l'assassin. Un acteur
touche à tout, capable d'incarner n'importe quel personnage dans
autant d’œuvres diverses. Comme celui qui apparaît tout d'abord
comme un individu passablement pleutre dans La
falaise mystérieuse (The
Uninvited)
de Lewis Allen. Précédant de très loin quelques-uns des grands
classiques de la maison hantée tels La nuit de
tous les mystères de
William Castle, The Innocents
de Jack Clayton, La maison du Diable
de Robert Wise ou La maison des damnés
de John Hough, le long-métrage de Lewis Allen doit être abordé
avec infiniment de précautions. Non pas que le film regorge de
séquences si effroyables que votre cœur battra la chamade plus
qu'il n'en faut (bien au contraire), mais parce que le réalisateur
d'origine britannique qui précédemment ne s'était manifesté qu'à
travers le court-métrage Freedom Comes High
choisit un angle qui ne satisfera en priorité que celles et ceux qui
aiment que l'on tartine un film de bons sentiments quelle que soit sa
thématique. Ici, Ray Milland incarne le rôle de Roderick Fitzgerald
qui sur supplique de sa sœur Pamela (l'actrice Ruth Hussey) obtient
l'autorisation d'acheter pour une somme relativement modique une
superbe demeure appartenant à un certain Commander Beech (Donald
Crisp) qui saute sur l'occasion pour se débarrasser de cette grande
bâtisse dont il refusait jusque là l'accès à sa petite-fille
Stella (Gail Russell)...
Une
jeune femme âgée de seulement vingt ans dont la mère mourut dans
d'horribles circonstances alors qu'elle n'avait que trois ans et dont
le père est mort quelques années plus tard. Éduquée d'une main de
fer par un grand-père rigide et antipathique, la jeune femme va
cependant se faire de nouveaux amis grâce au couple formé par
Roderick et Pamela. Ballade en voilier, invitation à dîner... Mais
il se passe des choses étranges dans la demeure que viennent
d'acquérir les Fitzgerald. Des pleurs nocturnes se font entendre.
Les portes et fenêtres claquent régulièrement. Un étrange parfum
se diffuse dans les pièces et l'attitude de leur chien change dès
qu'il pénètre à l'intérieur. Bref, de quoi faire de La
falaise mystérieuse
un excellent film de maison hantée. Ce qui n'est malheureusement pas
le cas en raison du traitement beaucoup trop romantique imposé aux
personnages incarnés par Ray Milland et Gail Russell. Trop timide
dans son approche du fantastique (malgré, en outre, une séance de
spiritisme à base de Ouija)
et donc de l'effroi, le rythme de La falaise
mystérieuse
est parfois pesant. Dommage car quelques séquences laissaient
envisager une œuvre où la peur aurait pu dominer sur tout autre
sentiment. Cette pièce étrange dotée d'une verrière et où les
fleurs se fanent instantanément. Cette séquence lors de laquelle
les nouveaux acquéreurs entendent des pleurs et sont filmés dans
une semi-obscurité en haut des escaliers menant aux chambres.
Derrière ce mystère se cache plusieurs éventualités. La présence
d'un fantôme étant promptement confirmée et résolvant donc une
partie de l'intrigue qui entoure la demeure et ses anciens
propriétaires, ne restait plus qu'à Lewis Allen et aux scénaristes
Dodie Smith et Frank Partos (sur la base d'une écrite par la
romancière irlandaise Dorothy Macardle) de trouver un moyen de
relancer l'intrigue à travers une toute autre énigme reliant
directement les événements avec la mort de la mère de Stella.
Parfois remarquable, le noir et blanc de la pellicule permet au
réalisateur d'imprimer un réel sentiment d'angoisse dont la
séquence opposant le frère et la sœur demeure fort
malheureusement, l'une des très rares occasions de ressentir
l'oppression qui se dégage des lieux. Lewis Allen s'entoure
d'interprètes convaincants mais penche sans doute un peu trop
l'intrigue du côté de la romance. Une approche qui bouffe
littéralement le côté fantastique. D'autant plus que, choix
curieux, Ray Milland interprète un Roderick Fitzgerald pas très
courageux et donc certaines attitudes prêtent davantage à
sourire...
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