Yōkai daisensō de
l’électron libre du cinéma japonais Takashi Miike est décidément
un très étrange long-métrage. Quatrième volet tardif d'une saga
de quatre films dont le premier éponyme fut réalisé en 1968 par le
réalisateur Yoshiyuki Kuroda, le second Yôkai
hyaku monogatari par
Kimiyoshi Yasuda lui aussi en 1968, avant que Yoshiyuki Kuroda ne
revienne dans cet univers l'année suivante avec un troisième
épisode intitulé Tôkaidô obake dôchû.
Réalisé trente-sept ans après l’œuvre originale, le
long-métrage de l'auteur de plus de quatre-vingt films Takashi Miike
est une œuvre étonnante à l'attention du jeune public même si bon
nombre de séquences pourraient se révéler cauchemardesques pour
les enfants les plus sensibles. Le film démarre par une vision
particulièrement sinistre de notre planète puisque celle-ci semble
avoir été entièrement dévastée. C'est donc quelques temps avant
cet événement qu'intervient le jeune héros Tadashi Ino (l'acteur
Ryûnosuke Kamiki), personnage central d'une aventure fantastique
conviant comme le précise le titre, des créatures fantastiques
parfaitement intégrées dans l'univers décrit ici. Du moins dans
celui des jeunes interprètes, les adultes étant apparemment
condamnés à ne pas être mis en relation avec cette galerie de
monstres très particulière qui rappellera de loin, l'étrange faune
du Cabal
que l'écrivain et réalisateur britannique Clive
Barker mis en scène seize ans auparavant...
Signifiant
en japonais Société,
le terme Yokai
fait ici sans doute référence à celles qui s'opposent de part
leurs différentes natures. L'homme, bien évidemment, ainsi que les
Yokai, cette faune incroyablement bigarrée, fruit de la formidable
imagination d'une poignée d'artistes évoluant dans le domaine des
effets-spéciaux visuels et de maquillage... Mais
également le diabolique Kato Yasunori (l'acteur Etsushi Toyokawa) et
son armée constituée de créatures organométalliques. Le message
ici est très clair. Il fait front face au gâchis et à l'absence de
conscience des hommes concernant le traitement des déchets qui dans
le cas présent prennent vie sous la forme de monstres mécaniques
(et donc sous les ordres de Kato) et de créatures diverses qui elles
vont se lier à notre jeune héros pour combattre le mal. C'est ainsi
que l'on découvre notamment parmi ces dernières, un mur, un
parapluie, une geisha au cou extensible et diverses créatures toutes
dotées d'une existence propre. Un univers délirant qui rappellera
le formidable travail du réalisateur Hitoshi Matsumoto, auteur entre
autres des hallucinants Dai
Nippon-jin
en 2007 et Shinboru
deux
ans plus tard.
Bien
entendu, avec Yōkai
daisensō,
Takashi Miike a beaucoup de mal à s'aligner sur la concurrence et
son conte horrifique pour petits et grands ne décolle jamais
vraiment malgré sa grande générosité en terme d'effets-spéciaux.
On connaît le goût prononcé du réalisateur japonais pour les
mangas auquel semble se référer parfois son long-métrage. C'est
ainsi que parfois Yōkai
daisensō transpire
le kaiju
eiga
en y faisant référence lors d'apparitions de créatures
gigantesques. Détail amusant : à plusieurs occasions le
spectateur pourra apercevoir parmi les créatures proches de notre
jeune héros désormais transformé en chevalier Kirin (y aurait-il
un rapport avec le qilin, cette créature cosmogonique issue cette
fois-ci de la mythologie chinoise?), une version alternative de ce
qui deviendra l'année suivante le pale
Man
du chef-d’œuvre du réalisateur mexicain Guillermo Del Toro, El
laberinto del fauno.
Si Yōkai
daisensō
se regarde sans réel déplaisir, sa trop longue durée (presque deux
heures) est rédhibitoire. Et même si la profusion d'effets-visuels
et de maquillage tente de cacher le trop grand fouillis
scénaristique, le long-métrage de Takashi Miike est souvent
indigeste. Ce qui en soit n'étonne pas, le réalisateur étant
capable de produire des œuvres tellement délirantes qu'elles en
deviennent pesantes. Et pour celles et ceux qui ont gardé leur âme
d'enfant et qui voudraient vivre une expérience sensiblement
similaire mais nettement mieux maîtrisée d'un point de vue
scénaristique, quoi de mieux que de redécouvrir The
NeverEnding Story
de Wolfgang Petersen ?
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