Tout est parfois question
de détail. Et ce détail justement, n'a jamais été aussi présent
que dans l’œuvre du réalisateur italien Dario Argento.
Souvenons-nous par exemple (ATTENTION SPOILER!!!) de Profondo
Rosso
et du miroir qui reflétait le visage de l'assassin que traquait
l'acteur britannique David Hemmings (FIN DU SPOILER!!!). Avec
L'oiseau au plumage de cristal,
Dario Argento n'a peut-être pas signé le tout premier giallo mais
sa proposition est aussi précieuse que les quelques grands
classiques qui ont émaillé le genre dans le courant des années
soixante-dix. Premier chef-d’œuvre pour le réalisateur italien
mais également premier volet de la trilogie
animale
pour l'auteur de ce qui demeurera cinq ans plus tard comme la
quintessence d'un genre porté à son paroxysme avec Profondo
Rosso,
L'oiseau au plumage de cristal
porte en lui tous les germes du giallo,
ce terme qui trouve ses racines dans la collection
I libri gialli
des Editions Mondadori qui vit le jour pour la première fois à la
toute fin des années vingt et dont le nom fait directement référence
à la couleur jaune de ses couvertures. Dans ce film qui fêtait
l'année dernière son demi-siècle d'existence (le film sort dans
son pays d'origine en février 1970 tandis que les français devront
ronger leur frein jusqu'au mois de juin de l'année suivante), Dario
Argento iconise à ton tour ce tueur insaisissable mais pourtant
reconnaissable à la panoplie qui constitue son apparence. Tout de
noir vêtu, gants compris, le meurtrier emploie diverses armes
blanches, entre couteaux et rasoirs à main. Il est déjà ici en
proie à des pulsions que révèle un passé trouble et l'art
pictural semble catalyser toutes ses obsessions (comme cela le sera
notamment une fois de plus avec Profondo
Rosso)...
Autre
coutume du genre, le témoin direct du meurtre sur lequel s'ouvre le
récit sera aussi le personnage et l'enquêteur principal de
l'histoire Une enquête parallèle à celle des autorités policières
menées par un certain inspecteur Morosini (l'acteur Enrico Maria
Salerno). Si les interprètes masculins sont majoritaires et donc
menés par le personnage de Sam Dalmas qu'interprète l'acteur
américain Tony Musante, Dario Argento n'oublie pas d'y faire évoluer
quelques beautés britannique et allemande. Suzy Kendall et son
regard de poupée interprète Julia, la compagne de Sam et la superbe
Eva Renzi, Monica Ranieri, la quatrième victime chronologique du
tueur qui sévit en ville. Dario Argento semble aussi déjà faire
preuve d'une certaine fascination pour les seconds rôles étranges
et ambigus. Lorsqu'ils ne sont pas simplement survolés tel un
exhibitionniste, un coupable de détournement de mineurs ou un
sodomite, tous mis dans le même sac de la pédérastie (Dario
Argento omettant volontairement d'y intégrer un travesti), le
réalisateur leur offre la parole de manière beaucoup plus franche à
travers des portraits parfois très curieux. On pense alors à Mario
Adorf qui interprète le peintre Berto Consalvi (lequel vit dans un
véritable dépotoir, au milieu des chats qu'il engraisse avant de
les dévorer), l'antiquaire ventripotent et homosexuel (l'acteur
allemand Werner Peters), ou encore l'acteur Gildo Di Marco dans le
rôle du taulard bègue et Reggie Nalder dans celui du tueur à gages
en jaune, deux GUEULES véritablement incroyables...
Mais
surtout, L'oiseau au plumage de cristal
est un formidable film policier à suspens dont on cherche la clé de
la solution sans jamais vraiment la trouver avant que Sam Dalmas, cet
écrivain américain devenu témoin bien malgré lui d'une tentative
de meurtre, n'élude cette enquête en cité romaine. Notez que déjà,
Dario Argento exécute lui-même les meurtres. C'est effectivement sa
propre main gantée de noir qui porte les assauts sur les diverses
victimes même si cette révélation n'apporte aucun élément
concret sur l'identité de l'assassin. Quant au compositeur italien
Ennio Morricone, c'est lui qui se charge de ponctuer l'intrigue d'une
partition discrète et homogène. Ce qui semble sauter aux yeux et
que peu (ou pas) relèvent à la vue de certaines œuvres du cinéaste
américain Brian De Palma, c'est combien ce dernier pourrait avoir
été autant inspiré par le cinéaste italien que par le
britanico-américain Alfred Hitchcock. Bien que la naissance de
L'oiseau au plumage de cristal soit
antérieur à la filmographie de l'américain, tout ou partie du
cinéma de Brian De Palma est déjà là. Ne restait sans doute pour
lui plus qu'à puiser dans l'inspiration de son alter ego transalpin.
Et même si cela ne reflète qu'un fantasme, ce qui demeure par
contre une certitude est que tout ou presque est déjà dans ce qui
fera de Dario Argento l'un des plus vaillants et brillants
représentants du genre Giallo...
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