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mardi 25 mai 2021

Hibotan bakuto (La Pivoine Rouge) de Kōsaku Yamashita (1968) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

En 1968, le réalisateur japonais Kōsaku Yamashita inaugurait l'une des plus belles sagas de yakuza eiga de l'histoire du cinéma asiatique avec le premier des huit volets consacrés à Oryū, surnommée la Pivoine Rouge en rapport au tatouage qu'elle porte à l'épaule gauche. Hibotan bakuto démarre l'aventure avec celle qui à la mort de son père ne se considère plus comme une femme, mais comme un homme. Car c'est bien connu, les clans de yakuzas sont une histoire qui en général ne concernent pas la gente féminine, ici reléguée au titre d'épouse ou de geisha. Mais d'un fort caractère, Oryū considère les choses autrement. Après la mort de son père, chef du clan Yano respecté, tous ceux qui lui avaient juré fidélité sont partis, laissant seule la jeune femme excepté son fidèle bras droit Fugushin. Désormais abritée par le clan Doman dirigé par Otaka, Oryū n'a qu'un seul désir : retrouver l'homme qui a tué son père afin de venger sa mort. La jeune femme a pour seul indice un portefeuille qu'elle soupçonne d'appartenir à celui qui a commis le meurtre. Limitant les affrontements avec le despotique et fourbe chef du clan Sennari, Oryū fait notamment la connaissance de Naoji Katagiri, lequel semble en savoir plus qu'il n'en dit sur l'identité du tueur. Frère d'arme de Gozo Kakurai, le chef du clan Sennari, Katagiri se tait. Mais bientôt l'inévitable se présente lorsque après s'être rendue chez Kakurai afin de lui demander de laisser libre la fiancée de Fujimatsu, autre fidèle membre du clan Yano autoproclamé immortel, le chef du clan Sennari subit un affront de la part de Oryū qu'il n'est pas prêt de lui pardonner. Si jusqu'ici les clans Sennari et Doman sont parvenus à divers accords, l'affrontement semble désormais inexorable...


Interprété pour la première fois à l'écran par l'actrice Junko Fuji qui assurera le rôle tout au long de la saga, Oryū est décrite comme une femme volontaire mais parfois fragile. À ses côtés, le charismatique Naoji Katagiri dont endosse le costume l'acteur Ken Takakura et les sympathiques Fujimatsu et Fugushin qu'interprètent respectivement les acteurs Kyōsuke Machida et Rin'ichi Yamamoto. Face à eux, Minoru Ōki interprète le rôle du veule Gozo Kakurai dans une fin de dix-neuvième et début du vingtième siècle, le long-métrage de Kōsaku Yamashita situant son action au milieu de l’Ère Meiji (1868 et 1912) dans la petite ville d'Iwakuni au Japon. Lieu où vivent côte à côte divers clans de yakuzas comme ceux cités plus haut ou encore celui des Iwatsu, le film y décrit certaines des habitudes de ses habitants, comme les clubs de jeux ainsi que les ancestrales coutumes japonaises. On y sacrifie une phalange pour l'honneur ou l'on défend l'un de ses membres qui vient de mourir au combat. Enfin, ça c'est parfois pour les touristes car même si la plupart des clans sont constitués ''d'honorables'' individus, il est une vermine que le spectateur rêvera de se voir pourfendre par la lame aiguisée d'un sabre. Si Hibotan bakuto est essentiellement constitué de dialogues, quelques combats (malheureusement assez mal chorégraphiés) assurent tout de même un minimum d'action.


Malgré un contexte où les conflits sont légion (pour un territoire, pour une femme ou pour vanger une humiliation), Kōsaku Yamashita et son scénariste Norifumi Suzuki ménagent quelques séquences formidablement émouvantes. On pense notamment à quelques morts tragiques mises en scène avec une pudeur et une sensibilité bouleversantes. Évidemment, la formidable partition musicale du compositeur japonais Takeo Watanabe participe de cette vague d'émotions qui submerge le spectateur couplée à une mise en scène délicate. Mais la tragédie n'empêche cependant pas le réalisateur d'y adjoindre d'authentiques séquences humoristiques, telles celles qui voient notamment l'excellent Shingo Yamashiro déambuler comme un charlot ventripotent et rougeot dans le rôle du fils d'Otaka, Yoshitaro. Pour ce premier long-métrage de la saga, Kōsaku Yamashita met donc la barre très haut. La même année sortira la première séquelle intitulée Hibotan bakuto: Isshuku ippan. Et bien que l'original soit un modèle du genre, le second volet sera réalisé par Noribumi Suzuki et non par Kōsaku Yamashita qui attendra à nouveau son tour pour revenir au coeur de la saga et réaliser le cinquième volet l'année suivante. En attendant, savourez ce véritable chef-d'oeuvre qu'est Hibotan bakuto...

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