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lundi 24 mai 2021

Borgman d'Alex van Warmerdam (2013) - ★★★★★★★☆☆☆

 



 

On ne l'a peut-être pas couramment évoqué mais la palme d'or du festival de Cannes 2019 Parasites de Bong Joon-ho tout auréolé qu'il fut de diverses récompenses et du succès auprès de la presse et du public est peut-être l'une des plus grandes escroqueries du septième art. Si l'on range les qualités de ce long-métrage sud-coréen sur le plan de l'interprétation ou de la mise en scène, alors tout va bien. Mais dès que l'on fouille un peu dans le passé, on se rend très rapidement compte que le scénario repose sous de nombreux aspects sur celui de Borgman que le réalisateur néerlandais Alex van Warmerdam réalisa six ans auparavant. Un plagiat, Parasites ? Peut-être... Mais revenons plutôt en 2013, année de sortie de Borgman qui à ce jour demeure l'antépénultième long-métrage d'Alex van Warmerdam dont on attend le dernier effort intitulé Nr. 10 tourné six ans après Schneider vs. Bax et dont on espère la sortie dans le courant de l'année 2021. Borgman et son récit aussi drôle, intriguant que pittoresque. Étrange récit que celui de Camiel Borgman qu'interprète l'acteur belge Jan Bijvoet, clochard vivant sous une trappe située en plein cœur d'une forêt comme quelques congénères du même statut social que lui. Poursuivis par des hommes armés dont les intentions ne sont pas commentées (veulent-ils les abattre ou simplement les déloger?), Borgman est rapidement séparé des autres et frappe aux portes d'un quartier bourgeois afin de trouver une âme charitable qui acceptera de lui laisser prendre un bain. Si personne n'est disposé à accéder à sa requête, une femme dont le mari a brutalement frappé Borgman devant sa porte décide de l'accueillir dans leur remise durant quelques jours le temps de panser ses blessures et de guérir. Sachant se faire apprécier de Marina (l'actrice néerlandaise HadeWych Minis) et de ses enfants, Borgman se méfie tout de même du mari prénommé Richard (le belge Jeroen Perceval) qui ne se doute pas que le clochard dort sur leur propriété. Ce qui ne l'empêche pas de vouloir bientôt s'imposer au cœur de cette famille aisée. Avec la complicité de ses compagnons et de Marina, Borgman va mettre au point un plan déjà bien rôdé par le passé afin de s'incruster dans la vie de ses hôtes pas toujours volontaires...


Borgman figure tout d'abord une forme d'immigration à toute petite échelle dans un quartier chic par des immigrés peu recommandables (tuer ne leur fait effectivement pas peur), rustres dans leur attitude, mais surtout déterminés dans leur action. ''Je veux savoir qui est sous mon toit'' révèle Marina à la jeune fille au pair Stine (l'actrice danoise Sara Hjort Ditlevsen) qui s'entend refuser l'option d'inviter son petit ami militaire en permission pour le week-end chez ses employeurs sous prétexte que Marina ne le connaît pas. Mais de son côté, la maîtresse de maison sait-elle qui est réellement Borgman ? Ce qui paraît classique chez le commun des mortels, Alex van Warmerdam le retourne comme un gant pour créer une logique qui n'appartient qu'à lui. Si Borgman sort de l'esprit fertile et unique de son metteur en scène, le long-métrage propose un spectacle pas toujours inédit dans son approche. Comme s'il avait réuni autour d'un guéridon les réalisateurs Michael Haneke, Todd Solondz et Ulrich Seidl pour une partie de cartes et qu'à l'issue du jeu, les quatre hommes avaient convenu d'une histoire en commun. Car il y a en effet chez Alex van Warmerdam en général, mais aussi très sûrement dans ce long-métrage, un message social enrobé d'une couche d'humour froid et cynique. Les sourires sont donc timides et les rires même absents. On ne se gausse donc jamais même si à priori certaines séquences devraient prêter à sourire devant leur absurdité. Imaginez donc des cadavres s'accumulant sous les eaux d'un étang, la tête plongée dans un seau au préalable rempli de ciment frais. Ou une charmante petit fille qui plutôt que de venir en aide à un mourant lui écrase sur le visage, une lourde plaque de pierre. Chez Alex van Warmerdam, il est logique qu'un clochard malodorant s'impose dans une famille bourgeoise. Comme il est logique de faire tout d'abord connaissance avec ses semblables non pas dans des abris de fortune situés sur le bitume mais sous le parterre de feuillages d'une forêt.


Qui du manipulateur ou de la naïveté incarnée l'emportera ? Alex van Warmerdam crée l’ambiguïté à travers certaines ellipses. Ses intrus sont dénués de toute empathie et de la moindre émotion. Nihiliste dans sa conception avant-gardiste du ''grand remplacement'' (la sortie de Borgman ne coïncide d'ailleurs-t-elle pas étrangement avec la création par l'écrivain et militant politique français Renaud Camus du mouvement NON au changement de peuple et de civilisation la même année ?). Le film peut être vu comme une charge se désolidarisant du concept d'immigration, d'intégration et d'assimilation tout en faisant référence au nombre d'allochtones (environ le quart de la population totale du pays) sans cesse grandissant sur le sol néerlandais. Raciste, et même plus encore xénophobe, Alex van Warmerdam ? Si l'on peut en douter puisque les véritables héros de ce sinistre conte sont ces intrus qui révèlent les tares d'une famille bourgeoise, Borgman et ses semblables agissent au premier plan dans la lente déliquescence du couple formé de Marina et Richard. On ne sait d'où ils viennent ni où ils vont. Ni même quels sont leurs objectifs principaux. Prendre la place des propriétaires ? Non, certainement pas. Mais alors... ? Un indice pourra cependant aiguiller les spectateurs. Tendez bien l'oreille lorsque Borgman racontera à la progéniture de leurs hôtes une histoire dont les enfants sont friands...

 

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