On ne l'a peut-être pas
couramment évoqué mais la palme d'or du festival de Cannes 2019
Parasites
de Bong Joon-ho tout auréolé qu'il fut de diverses récompenses et
du succès auprès de la presse et du public est peut-être l'une des
plus grandes escroqueries du septième art. Si l'on range les
qualités de ce long-métrage sud-coréen sur le plan de
l'interprétation ou de la mise en scène, alors tout va bien. Mais
dès que l'on fouille un peu dans le passé, on se rend très
rapidement compte que le scénario repose sous de nombreux aspects
sur celui de Borgman
que le réalisateur néerlandais Alex van Warmerdam réalisa six ans
auparavant. Un plagiat, Parasites ?
Peut-être... Mais revenons plutôt en 2013, année de sortie de
Borgman
qui à ce jour demeure l'antépénultième long-métrage d'Alex van
Warmerdam dont on attend le dernier effort intitulé Nr.
10
tourné six ans après Schneider vs. Bax
et dont on espère la sortie dans le courant de l'année 2021.
Borgman
et son récit aussi drôle, intriguant que pittoresque. Étrange
récit que celui de Camiel Borgman qu'interprète l'acteur belge Jan
Bijvoet, clochard vivant sous une trappe située en plein cœur d'une
forêt comme quelques congénères du même statut social que lui.
Poursuivis par des hommes armés dont les intentions ne sont pas
commentées (veulent-ils les abattre ou simplement les déloger?),
Borgman est rapidement séparé des autres et frappe aux portes d'un
quartier bourgeois afin de trouver une âme charitable qui acceptera
de lui laisser prendre un bain. Si personne n'est disposé à accéder
à sa requête, une femme dont le mari a brutalement frappé Borgman
devant sa porte décide de l'accueillir dans leur remise durant
quelques jours le temps de panser ses blessures et de guérir.
Sachant se faire apprécier de Marina (l'actrice néerlandaise
HadeWych Minis) et de ses enfants, Borgman se méfie tout de même du
mari prénommé Richard (le belge Jeroen Perceval) qui ne se doute
pas que le clochard dort sur leur propriété. Ce qui ne l'empêche
pas de vouloir bientôt s'imposer au cœur de cette famille aisée.
Avec la complicité de ses compagnons et de Marina, Borgman va mettre
au point un plan déjà bien rôdé par le passé afin de s'incruster
dans la vie de ses hôtes pas toujours volontaires...
Borgman
figure tout d'abord une forme d'immigration à toute petite échelle
dans un quartier chic par des immigrés peu recommandables (tuer ne
leur fait effectivement pas peur), rustres dans leur attitude, mais
surtout déterminés dans leur action. ''Je
veux savoir qui est sous mon toit''
révèle Marina à la jeune fille au pair Stine (l'actrice danoise
Sara Hjort Ditlevsen) qui s'entend refuser l'option d'inviter son
petit ami militaire en permission pour le week-end chez ses
employeurs sous prétexte que Marina ne le connaît pas. Mais de son
côté, la maîtresse de maison sait-elle qui est réellement
Borgman ? Ce qui paraît classique chez le commun des mortels,
Alex van Warmerdam le retourne comme un gant pour créer une logique
qui n'appartient qu'à lui. Si Borgman
sort de l'esprit fertile et unique de son metteur en scène, le
long-métrage propose un spectacle pas toujours inédit dans son
approche. Comme s'il avait réuni autour d'un guéridon les
réalisateurs Michael Haneke, Todd Solondz et Ulrich Seidl pour une
partie de cartes et qu'à l'issue du jeu, les quatre hommes avaient
convenu d'une histoire en commun. Car il y a en effet chez Alex van
Warmerdam en général, mais aussi très sûrement dans ce
long-métrage, un message social enrobé d'une couche d'humour froid
et cynique. Les sourires sont donc timides et les rires même
absents. On ne se gausse donc jamais même si à priori certaines
séquences devraient prêter à sourire devant leur absurdité.
Imaginez donc des cadavres s'accumulant sous les eaux d'un étang, la
tête plongée dans un seau au préalable rempli de ciment frais. Ou
une charmante petit fille qui plutôt que de venir en aide à un
mourant lui écrase sur le visage, une lourde plaque de pierre. Chez
Alex van Warmerdam, il est logique qu'un clochard malodorant s'impose
dans une famille bourgeoise. Comme il est logique de faire tout
d'abord connaissance avec ses semblables non pas dans des abris de
fortune situés sur le bitume mais sous le parterre de feuillages
d'une forêt.
Qui
du manipulateur ou de la naïveté incarnée l'emportera ? Alex
van Warmerdam crée l’ambiguïté à travers certaines ellipses.
Ses intrus sont dénués de toute empathie et de la moindre émotion.
Nihiliste dans sa conception avant-gardiste du ''grand remplacement''
(la sortie de Borgman
ne coïncide d'ailleurs-t-elle pas étrangement avec la création par
l'écrivain et militant politique français Renaud Camus du mouvement
NON au changement
de peuple et de civilisation la
même année ?). Le film peut être vu comme une charge se
désolidarisant du concept d'immigration, d'intégration et
d'assimilation tout en faisant référence au nombre d'allochtones
(environ le quart de la population totale du pays) sans cesse
grandissant sur le sol néerlandais. Raciste, et même plus encore
xénophobe, Alex van Warmerdam ? Si l'on peut en douter puisque
les véritables héros de ce sinistre conte sont ces intrus qui
révèlent les tares d'une famille bourgeoise, Borgman et ses
semblables agissent au premier plan dans la lente déliquescence du
couple formé de Marina et Richard. On ne sait d'où ils viennent ni
où ils vont. Ni même quels sont leurs objectifs principaux. Prendre
la place des propriétaires ? Non, certainement pas. Mais
alors... ? Un indice pourra cependant aiguiller les spectateurs.
Tendez bien l'oreille lorsque Borgman racontera à la progéniture de
leurs hôtes une histoire dont les enfants sont friands...
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