Ce que j'aime et déteste
à la fois lorsque je viens d'assister à la projection du remake
d'un grand classique du cinéma, ça n'est pas le film lui-même mais
tout d'abord les avis mitigés qu'il engendre, surtout si ceux-ci ne
sont pas fondés. Evil Dead
cuvée 2013 fait partie, selon moi, de ces quelques relectures qui
méritent bien davantage que le dédain que certains ont bien voulu
lui accorder. Dans l'ombre de son ancêtre, véritable totem culte
intouchable réalisé en 1981 par Sam Raimi, Fede Alvarez a mis au
point ce que ses détracteurs lui reprochent : un reboot sans
humour. Et pourquoi pas appuyer là où ça fait mal en osant même
ajouter que la peur y est absente...? Ce serait sans doute mentir que
de nier que la fantaisie de l'original y est absente. Mais ne
serait-ce pas se rendre coupable de mensonge que d'affirmer que le
long-métrage de Fede Alvarez est dénué de tout sentiment
d'effroi ? Car à moins d'avoir un cœur de pierre, une âme de
démon, une volonté farouche de rejeter la chose quelles qu'en
soient ses qualités ou celle d'y demeurer indifférent, merde quoi,
avouons que le remake possède au moins les mêmes valeurs que le
remake de La Colline a des Yeux
réalisé en 2005 par le cinéaste français Alexandre Aja. Aie !
Ça y est, j'entends déjà les cris de douleur de ceux qui adoubent
ce dernier mais vomissent l’œuvre de Fede Alvarez. Allez savoir
pourquoi, mais La Colline a des Yeux
semble devoir briller aux yeux des cinéphiles bien davantage que
Evil Dead
même si tout deux sont issus de deux classiques. Ce qui s'explique
probablement dans le fait que l’œuvre originale de Wes Craven
datant de 1977 ait beaucoup moins bien vieilli que celle de Sam
Raimi...
Pire
que d'aimer le remake de Fede Alvarez, ce qui semble encore moins
concevable est d’émettre l'hypothèse que l'on puisse préférer
sa vision paroxystique à celle de Sam Raimi. Ce qui, je l'avoue, est
mon cas. Sans être un fondu de la saga originale (je n'ai jamais été
totalement convaincu par la séquelle de 1986 et le troisième volet
me laisse carrément indifférent), le premier du nom reste et
restera une expérience hors du commun. Film comico-gore convoquant
Tex Avery
et à l'imagination débordante de son auteur, Evil
Dead
demeure le long-métrage indéboulonnable du statut d’œuvre culte
sur lequel il trône. C'est peut-être la raison pour laquelle le
remake de Fede Alvarez mérite justement tous les éloges. D'abord
pour sa vision radicalement différente. On vire l'humour et l'on
accentue la noirceur. Quitte à faire dans ''l'un peu trop attendu''
avec son héroïne toxicomane rédemptrice à laquelle on n'échappera
malheureusement pas. Quitte aussi à ce que Evil
Dead
version 2013 se voit taxé de misogynie face au traitement que son
auteur accorde en priorité à la gente féminine. Trois femmes pour
deux hommes seulement, d'accord. Mais trois femmes qui les unes
derrière les autres seront les premières victimes de cas de
possession. N'étant pas de ceux qui boivent à la source de celui
qui cherche dans la caractérisation des personnages ou dans leur
apparence, une quelconque connotation, je ne m'amuserai donc pas à
citer la blonde ou la black de service, ou encore le bon copain à
lunettes. Alors que le Evil Dead de
Sam Raimi était porté par un véritable héros en la personne de
Ash, interprété à l'époque par l'acteur culte Bruce Campbell,
celui de Fede Alvarez ne peut malheureusement ni compter sur son
infirmière, ni sur sa toxicomane (Jane Levy), ni sur le frangin de cette
dernière. Ce qui au fond, est tout autant une qualité qu'un défaut.
Pour ce dernier, il demeure difficile de s'identifier à tel ou tel
personnage aucun d'entre eux n'étant véritablement attachant. D'un
autre côté, le sentiment d'isolement et d’oppression n'en est que
plus ressenti...
Si
de nos jours il est devenu pratiquement caduque de pouvoir espérer
faire peur sur grand écran, Evil Dead
est en mesure de contrebalancer cette éventualité. Dans le noir,
avec un son digne de ce nom et un écran dont la diagonale est
généreuse, il y a là, matière à se faire peur. D'autant plus que
le climat instauré par les décors, la photographie (d'Aaron
Morton), la bande-son de Roque Baños, les effets-gore, mais sans
doute plus encore par le choix de certains cadrages, participent d'un
tout qui donne à se faire peur comme au temps jadis. Cette version
Unrated
de l’œuvre de Fede Alvarez offre un surcroît de séquences,
d'autres étant quant à elles rallongées de quelques secondes.
C'est ainsi que la scène lors de laquelle Mia (Jane Levy) se coupe
la langue en deux à l'aide d'un cutter est rallongée d'une seconde.
De quoi souffrir pour elle un peu plus longtemps. On dira ce que l'on
voudra mais la vision de Fede Alvarez se hisse au moins au niveau de
celle de l'original. Et même si le traitement y est différent
puisque dénué d'humour et d'un certain charme relatif au décorum
du Evil Dead
version 1981, celui de 2013 demeure une véritable claque. Les démons
n'auront jamais été aussi flippants que dans cette approche du
cadre et de la photographie. Des maquillages qui enterrent tout ce
qui jusque là a été fait sur le sujet. Dans le duel Linda/Mia,
faites votre choix. Pour ma part, la seconde gagne par K.O dès le
premier round...
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