Pour son premier film en
tant que réalisateur, scénariste et producteur, Jon Stevenson
accouche d'une œuvre pour le moins déstabilisante. Et pas seulement
en ce qui concerne le récit mais pour cette idée permanente qui
fait son petit bonhomme de chemin dans l'esprit du spectateur. Lequel
est bien obligé de constater que Rent-a-Pal
passe tout juste à côté du statut d’œuvre culte qu'il aurait pu
devenir. Proche de ces portraits de déviances engendrées par la
société contemporaine, le long-métrage de Jon Stevenson souffre
sans doute de certaines petites faiblesses qui le condamneraient
presque à n'être qu'un énième petit film d'horreur psychologique
s'il n'avait pour lui certaines qualités. En effet, c'est avec une
naïveté relativement touchante que le réalisateur tente
d'humaniser son protagoniste. Un individu remarquable d'attentions
pour sa mère presque impotente et à moitié sénile. D'où
l'impossibilité pour David d'avoir une vie à lui, condamné qu'il
est à vivre auprès de sa génitrice et d'accepter tous ses
caprices. Incarné par Brian Landis Folkins dont l'essentiel de la
carrière s'est jusqu'à maintenant faite autour d'un certain nombre
de courts-métrages, David, s'il n'est pas l'anti-héros par
excellence n'est sans doute pas non plus l'image que l'on se fera du
beau jeune homme que l'on jettera entre les bras de sa propre fille.
D'apparence libidineuse, il s'est inscrit à un service de rencontres
sur support VHS (le film situe en effet son action dans les années
quatre-vingt). Mais alors qu'un jour la société lui propose de
réenregistrer son annonce, il découvre une vidéo intitulée
Rent-a-Pal qui l'intrigue et qu'il s'empresse d'acquérir...
Cette
vidéo va changer sa vie, pour le meilleur mais surtout pour le pire.
Il y découvre en effet un certain Andy avec lequel, étrangement, il
va sympathiser. Naît alors une étrange relation entre David et
cette bande magnétique qu'il ne cesse de se repasser en boucle.
C'est aussi à ce moment que pour David l'enregistrement d'une
nouvelle annonce a porté ses fruits. Grâce à cette dernière, il
fait en effet la connaissance de Lisa qui comme lui est inscrite au
service Rent-a-Pal. L'arrivée de la jeune femme dans l'existence de
David ne va pas arranger la nouvelle ''relation'' qu'entretiennent le
quadragénaire et Andy. Car aussi insensé que cela puisse paraître,
ce dernier va se montrer rapidement jaloux de la nouvelle amitié
entre David et Lisa. Si le sujet peut paraître totalement incongru,
Jon Stevenson déploie un savoir-faire suffisamment convaincant pour
que la pilule passe sans que l'on se surprenne à penser que le
concept est grotesque ou bancal. En jouant en permanence sur
l’ambiguïté de son personnage et sur la manipulation des images,
le spectateur finit par croire en la présence bien vivante d'Andy
malgré son improbabilité. Car faut-il le répéter : il ne
doit son existence qu'à cet enregistrement sur bande magnétique.
L'ambiance de Rent-a-Pal
est pesante. Et sans être tout à fait morbide, le film dégage un
pessimiste à peine secoué de quelques séquences pas vraiment
joyeuses...
Le
film est bien sûr porté par la performance de Brian Landis Folkins
mais fait également d'Andy, l'un des éléments cruciaux du récit.
Derrière ce personnage mu à travers l'usage d'un magnétoscope et
d'un écran de télévision et dont les interventions sont l’œuvre
d'un scénariste prenant un malin plaisir à manipuler l'image, se
cache l'acteur Wil Wheaton. Bien que méconnaissable derrière sa
barbe et ses faux airs de ''pancarte publicitaire'', il n'en est pas
moins bien connu des cinéphiles ou des téléphages amateurs de
science-fiction puisqu'il interpréta notamment le rôle de Gordie
Lachance dans le formidable drame Stand by Me
de Rob Reiner en 1986 ou celui de Wesley Crusher dans la série
télévisée Star Trek : la Nouvelle
Génération
entre 1987 et 1994. Se noue alors entre les deux personnages une
relation inédite, foyer d'une démence qui couve sans doute depuis
fort longtemps. Ou du moins d'un besoin refréné depuis bien trop
d'années. Jon Stevenson manipule l'image dans l'optique de faire
accepter au spectateur l'idée que le personnage d'une bande vidéo
enregistrée puisse prendre vie sans pour autant qu'aucun élément
''fantastique'' ne vienne s'interposer entre David et cette
authentique tragédie qu'il s'apprête à vivre. Mais si Brian Landis
Folkin et Wil Wheaton campent ce drôle de couple sur lequel repose
l'essentiel du récit, il ne faudra pas oublier la performance de
l'actrice Kathleen Brady qui en dehors d'un épisode de série
télévisée huit ans en arrière n'a rien interprété d'autre
que le rôle de Lucille, la mère de David. Sans être un
chef-d’œuvre, Rent-a-Pal représente
cependant une alternative très réussie au cinéma d'épouvante,
lequel a tendance à ne donner vie qu'à de sempiternelles redites...
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