Sommet dans l'art de la
subjectivité ? Mettre au dessus de la contrainte d'être coincé
dans un embouteillage ou en fin de queue d'un bureau de poste, celle
d'avoir fini la projection d'une œuvre cinématographique sans être
capable d'en tirer la moindre ligne. Un exercice qui s'avère délicat
et souvent très ennuyeux, surtout lorsqu'un synopsis ou plus
simplement une affiche sont la promesse d'une expérience dont le
souvenir ne deviendra altérable que plusieurs années plus tard.
The Pond
avait tout pour plaire même si du réalisateur bulgare Petar Pasic
on ne connaît pas forcément grand chose de sa poignée de
longs-métrages qu'il a réalisé depuis ses débuts en 2000.
Quelques affiches qui intriguent dont une au moins, ravive de doux
frissons. Comme ceux que procurèrent les chefs-d’œuvre que sont
The Wicker Man
que réalisa Robin Hardy en 1973 ou Midsommar
auquel
Ari Aster donna naissance quarante-six ans plus tard. De ces coutumes
païennes qui rendent troublante la moindre attitude. Le moindre
sourire, le plus petit regard ou le geste le plus insignifiant. C'est
un peu ce qu'évoque à son tour The Pond qui
traduit en français signifie ''l'étang''. Celui-là même qui sert
en partie de décor à une œuvre franchement pas facile à aborder
dans son ensemble...
Si
l'on sait que dans la majeure partie des cas, la solution des œuvres
les moins évidentes se situent à la toute fin du récit, il faudra
sans doute dans le cas présent être surtout très attentif à ce
que le personnage évoque en tout début de longs-métrage. La
théorie selon laquelle ce que nos sens est incapable de voir ne
conditionne pas ce qui existe et ce qui n'existe pas. Et pour
reprendre certains termes exacts, ''L’œil
humain est capable de ne voir que 0.0035% du spectre
électromagnétique. Donc, nous ne pouvons pas être certains que
quelque chose n'existe pas ou ne peut pas exister juste parce que
nous ne pouvons pas le voir''.
Allez, démerdez vous avec ça semble hurler dans un silence à peine
troublé par les doigts du protagoniste tapant sur les touches de son
clavier d'ordinateur, le réalisateur. Sympa le gars. Imaginez-vous à
devoir monter une cuisine en kit IKEA sans avoir sous la main le
moindre guide d'installation... Petar Pasic avait deux options à
nous proposer. Et de mon avis personnel et aussi subjectif qu'il
puisse être, le réalisateur a choisi la mauvaise. Mais pour
comprendre ce point de vue, il faut avoir déjà assisté au
quarante-cinq premières minutes de The Pond.
Trois quart d'heure absolument remarquables qui ne vous demanderont
aucun effort de réflexion ou de concentration. Juste de vous laisser
aller à la contemplation d'une œuvre formellement troublante,
accompagnée par la vénéneuse partition musicale signée du bulgare
Nemanja Mosurović...
The Pond nous
enfonce alors dans cocon jamais réconfortant mais qui d'une certaine
manière fait tout pour que l'on ait envie d'y demeurer jusqu'à la
dernière minute et pourquoi pas, bien au delà. À tel point que
l'on ne demande rien d'autre aux quarante-cinq minutes suivantes. Et
c'est bien là le malheur de ce long-métrage visuellement très
agréable même si les tonalités de couleurs imposent certaines
contraintes qui participent de l'austérité de l'ensemble. Parmi
tous les indices que le scénario fini par semer ça et là pour
qu'enfin parvienne à nous faire percer le mystère le réalisateur,
quelques-uns apporteront des réponses à ceux qui accepteront de
s'interroger. Ceux-là mêmes parmi lesquels on ne risquait pas de me
retrouver. Bercé par cette envoûtante proposition, ce qui selon moi
tue l'intérêt de l’œuvre est cette succession de plans
explicatifs qui rament à force d'être incapables de donner un sens
clair et concis au récit. Car au delà de l'évidence du thème de
la schizophrénie que l'auteur aborde déjà dès le départ, toute
tentative de libérer le spectateur de cette incompréhension qui
l'étreint à force de vouloir lui entrer de force dans la tête ses
idées a pour conséquence de lui brouiller encore davantage
l'esprit. Si The Pond est
une vraie proposition de cinéma, l'inconfort qu'il procure le
dessert malheureusement. C'est d'autant plus dommage que les décors,
la musique et les interprètes Marco Canadea, Paul Leonard Murray,
Leslie Soo (ainsi que les gamines qui les accompagnent) impriment à
l’œuvre une aura très particulière. Un drame
philosophico-horrifique qui aurait sans doute mérité plus de
simplicité dans son dénouement...
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