Souvenez-vous... ce début des années quatre-vingt... cette scène lors de laquelle une prostituée accompagnée de son client libidineux se retrouvait dans l'une des chambres d'un hôtel minable. Elle, faisant tout pour le détendre tandis que lui, finissait par libérer ses pulsions meurtrières et matricides en l'étranglant puis en la scalpant avant d'emporter son trophée jusque dans son antre, lieu d’irrépressibles fantasmes morbides. Grâce aux sinistres visions de deux hommes, un mythe était né. Celui d'un maniaque au fort complexe œdipien. Réalisé par William Lustig et principalement interprété par l'impressionnant Joe Spinell, Maniac fut et demeurera à tout jamais comme l'une des expériences horrifiques les plus marquantes de l'histoire du septième art. Et Franck Khalfoun aura eu beau vouloir partager sa propre vision du mythe trois décennies plus tard, Joe Spinell restera pourtant toujours le seul et l'unique Frank Zito... Lorsque déboule en 2020 The Stylist de la réalisatrice américaine Jill Gevargizian, à la lecture du synopsis, nos souvenirs ainsi restaurés nous ramènent directement quarante ans en arrière. Lorsque les compositions de Jay Chattaway martelaient de leurs nappes électroniques des séquences effroyablement éprouvantes. Gore et incroyablement malsaines...
L'héroïne de The Stylist est un peu le pendant féminin de Frank Zito. Une jeune femme qui pourtant plus que ''l'amour'' étouffant d'une mère castratrice, a dû subit l'absence de son père. Qui vit comme le héros de Maniac dans un univers d'illusions, entourée de mannequins sur le crâne desquels elle plante le scalp de ses victimes. Le tout numérique actuel, et notamment celui qui ''explose'' dans ce genre de productions horrifiques qui mise sur une esthétique glacée, condamne ici le film a n'avoir pas à bénéficier du même traitement visuel que son vieil ancêtre. Exit le grain du 16mm. Ici tout semble immaculé et à peine perturbé par de trop discrets effets gore. De rarissimes séquences qui se revendiquent certainement de l’œuvre de William Lustig sans jamais en avoir la puissance. Sans doute parce que le long-métrage de Jill Gevargizian s'inscrit moins dans une démarche réaliste que dans la recherche de l'imaginaire déviant d'une femme en marge socialement et psychologiquement. Si l’œuvre tient sur ses fondations, ces dernières sont d'une fragilité telle qu'elles risquent de s'effondrer à tout moment. La faute à de nombreux soucis de mise en scène. Outre des faux raccords (une porte fermées à clé se retrouve subitement ouverte), le rythme souffre d'un rythme parfois trop lent pour que l'on puisse simplement se satisfaire de suivre la dérive mentale de son héroïne durant plus de cent-quarante minutes...
Second long-métrage de la réalisatrice qui outre Jaenki: Miracle Maze en 2016 a également réalisé toute une série de courts-métrages et a participé à l'anthologie Dark Web en 2017, The Stylist a beau partager certains traits de caractères avec Maniac (Jill Gevargizian poussant le mimétisme jusqu'à filmer son héroïne dans le reflet d'une vitrine, y projetant par la même occasion les inquiétantes lumières d'une ville nocturne. De même, des détails tels que les mannequins affublés de scalps, les bougies où les mégots de cigarettes rappelant furieusement le long-métrage de William Lustig), plus elle semble vouloir ressembler à son modèle et plus elle fait montre de ses limites en matière de mise en scène. The Stylist n'en est pas pour autant un mauvais film. Simplement, dans le registre de l'horreur psychologique, on est encore bien loin des classiques du genre (Jetez donc plutôt un regard sur le déstabilisant Clean, Shaven de Lodge Kerrigan). Du point de vue de l'interprétation, le long-métrage repose exclusivement sur celle de l'actrice principale Najarra Townsend, plutôt convaincante, surtout si on la compare au reste du casting qui s'avère totalement anecdotique. La faute à une caractérisation aux abonnés absents. Malgré le sujet plutôt sordide, même si en général il demeure relativement mal exploité, il se peut que l'on ressente une certaine tendresse matinée de mélancolie pour cette jeune femme mal dans sa peau. Trop simpliste, The Stylist s'oubliera malheureusement très rapidement. Car peut-être plus encore que la mise en scène peu inspirée et le scénario dénué de véritables fulgurances visuelles ou sensitives (on devine la conclusion à des kilomètres de distance), le film pâtit d'une bande musicale froide, impersonnelle, bref, dénuée de toute émotion de quel qu'ordre que ce soit. Ce qui gâche en grande partie l'intérêt du film...
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