Décidément, le
réalisateur canadien David Cronenberg n'aura jamais cessé de nous
surprendre. Avec Spider,
sans doute a-t-il atteint l'un des points culminants de sa carrière
avec La Mouche
et Faux-Semblants
dans son approche de la dégénérescence. Qu'elle soit physique ou
intellectuelle. Une œuvre presque entièrement consacrée à la
chair, qu'elle soit rose ou grise, de la manipulation génétique
glissant lentement mais sûrement vers des thématiques beaucoup plus
proches de la réalité. Il y a dans cette œuvre qui tourne autour
de l'énigmatique Dennis Cleg que sa mère aimait à donner le
sobriquet de Spider, une symbolique forte autour de plusieurs thèmes.
Filmant lors de nombreuses occasions son ''héros'' dans des décors
semblables à de longs couloirs (la gare ou le trottoir longeant
l'usine à gaz ne signifient-ils pas ce tunnel psychologique dans
lequel est enfermé Spider?), quelques figures iconiques reviennent
inlassablement nous rappeler que l'on est dans la tête de Dennis
Cleg, et que chaque image ne sera que le fruit de son esprit.
tourmenté Entre divagations et souvenirs. Ces figures
transparaissent parfois au détour d'un puzzle, d'une pelote de
laine, ou plus simplement de la représentation de la mère. Celle
que recherche Dennis, transféré dans un foyer après avoir passé
un long séjour dans un institut psychiatrique...
Le
génie de David Cronenberg, outre de nous offrir l'un des portraits
de schizophrène les plus remarquable du septième art, consiste en
une approche d'une rare intensité et d'une rare intelligence. Spider
prend, certes, très souvent les atours d’une œuvre autiste et
parfois proche des visions labyrinthiques d'un David Lynch, ouvrant
par là-même, des perspectives multiples. Bien qu'étant parfois
nébuleux, le scénario n'abandonne fort heureusement pas le
spectateur sur des questions sans réponses mais au contraire, y
répond de manière absolument traumatisante lors d'un dernier acte
explicatif dont l'intensité est égal à la révélation d'un The
Machinist
réalisé par Brad Anderson deux ans plus tard en 2004. Reponsant sur
la sobriété de sa mise en scène et surtout sur l'extraordinaire
incarnation de l'acteur britannique Ralph Fiennes, Spider
est une œuvre profondément tragique, mais jamais voyeuriste.
Avec
toute la pudeur et la finesse qu'on lui connaît, David Cronenberg
évoque un traumatisme de l'enfance en remontant aux sources du
récit. Celui de Dennis Cleg, témoin et donc forcément victime d'un
drame qui le toucha personnellement et continue à le hanter des
décennies plus tard. Le réalisateur canadien prend le spectateur
dans la toile qu'il a lentement tissée tout au long de ces
quatre-vingt dix-huit minutes en le nourrissant de fausses
impressions, le ''twist'' final n'en étant alors que plus marquant.
Si Spider
repose avant tout sur la brillante performance de Ralph Fiennes, il
ne faut cependant pas écarter celle de Gabriel Byrne, qui incarne
ici le personnage de Bill Cleg, celle de Miranda Richardson qui
interprète le rôle d'Yvonne, ou encore celle du jeune Bradley Hall
qui campe un Dennis jeune. Dérangeant, envoûtant et enfin,
tétanisant, Spider
bénéficie en outre de l'anxiogène partition du fidèle compositeur
du réalisateur, Howard Shore, ainsi que des décors d'Andrew Sanders
et de la photographie de Peter Suschitzky... Inoubliable...
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