Brian De Palma, ce fut
d'abord Sisters
en 1973, Phantom of the Paradise
l'année suivante. Puis Obsession
en 1976, Carrie
la même année puis Pulsions
en 1980, Blow Out en
1981, Scarface
en 1983, Body Double
en 1984 ou encore L'Esprit de Caïn
en 1992. Quelques exemples d'une filmographie exemplaire entachée
dès l'arrivée des années 2000 et du ''correct'' Mission
to Mars. Puis des mauvais Femme Fatale en
2002, The Black Dahlia
en 2006 ou encore Passion
en 2012 qui demeurait jusqu'à maintenant le dernier méfait de ce
très grand cinéaste pratiquement oublié du pays qui l'a vu naître
mais encore heureusement adulé dans le notre. Le mérite-t-il pour
autant ? À cette épineuse question à laquelle les fans
absolus du cinéaste répondront sans la moindre objectivité,
''Oui'', j'aurai tendance à vouloir dire non. Parce que tous les
espoirs que j'avais mis sur son dernier long-métrage sorti chez nous
sans tapage et uniquement en vidéo aux États-Unis est un ''digne''
successeur de ceux qui l'ont précédé ces deux dernières
décennies. Brian De Palma, qui depuis quelques années semblait
s'être mis en tête de creuser sa propre tombe vient peut-être
aujourd'hui d'y donner le dernier coup de pelle avant de se jeter dans
son propre trou.
C'est
avec un pincement au cœur teinté d'une absence totale de prudence
que j'évoquerai pourtant Domino
en affirmant que nous tenons là, sans doute l'un des plus mauvais
films de leur auteur. Un thriller parfois si ridicule dans son
interprétation, sa mise en scène et tous les artifices qui
l'enrobent qu'on passe davantage de temps à dresser la liste des
incohérences entre deux sourires gênés. Il faut dire qu'à sa
décharge, Brian De Palma n'a pas bénéficié pour l'occasion d'un
budget aussi conséquent que par le passé, lui qui a parfois été
contraint d'atteindre dans une chambre d'hôtel que les caisses
soient réapprovisionnées pour pouvoir poursuivre le tournage.
Domino
situe son action dans un futur très proche puisque l'intrigue se
déroule en 2020. c'est lors d'une banale intervention dans un
conflit conjugal que le partenaire de l'inspecteur Christian Toft
(mollement interprété par l'acteur danois Nikolaj Coster-Waldau)
est agressé par un membre de l'ISIS (Islamic State of Iraq and Sham,
connu chez nous sous le nom d'État islamique). Après une poursuite
sur les toits d'un quartier de Copenhague, le criminel Ezra Tarzi
(l'acteur français Eriq Ebouaney) et l'inspecteur font une chute au
sol. Le premier est kidnappé par des agents de la CIA tandis que le
second perd connaissance. Alors que le partenaire de l'inspecteur
Christian Toft succombe à ses blessures, celui-ci jure à son épouse
de tout mettre en œuvre pour remonter la trace du terroriste.
Accompagné de la maîtresse de la victime, Alex, le policier se
lance à la poursuite de l'assassin à travers différents états,
jusqu'en Espagne où les membres d'une organisation terroriste se
préparent à commettre un attentat...
Dès
les premières minutes, on est saisit par la manière dont aborde le
cinéaste le scénario de Petter Skavian. Domino
accumule
les tares comme si son auteur avait tenté de dresser la liste de
tout ce qui peut nuire au bon déroulement d'une œuvre pourtant
prometteuse sur le papier. Mais alors que Body
Double
donnait l'impression que ses personnages évoluaient perpétuellement
dans des décors cinématographiques quelque peu envoûtants, ici,
l'alchimie a bien du mal à fonctionner. Entre couleurs criardes
piochées dans la filmographie d'un Dario Argento peu inspiré,
partition musicale d'une confondante puérilité composée par un
Pino Donaggio peu inspiré et interprétation monolithique manquant
de charme, l'actrice néerlandaise Carice Van Houten n'arrive pas
elle-même à retrouver la sensualité d'une Deborah Shelton ou d'une
Melanie Griffith du chef-d’œuvre cité au dessus. Retrouvant à
peine la grâce lors de l'utilisation sommaire du procédé qui le
rendit célèbre, le split-Screen,
Brian De Palma galère à faire évoluer ses personnages dans un
contexte pourtant passionnant et qui fait partie intégrante des
sujets qui depuis un certain nombre d'années émaillent l'actualité.
Bien
involontairement, le réalisateur qui paraît ici bien fatigué et
sans une once de génie accumule surtout les incohérences et prête
davantage à sourire qu'à créer un réel climat d'insécurité. En
effet, le spectateur aura l'occasion de grimacer devant cette
léthargique et improbable poursuite sur les toits de Copenhague, de
rire face à l'immobilisme de cette starlette exhibée devant une nuée
de journalistes demeurant inertes devant une terroriste tirant dans
la foule, ou encore d'être dépité au moment du final tant attendu
lors duquel Brian De Palma sort la carte maîtresse du film, nimbé
par le seul instant d'héroïsme écrit par le compositeur italien en
forme de boléro arabisant. Domino se
conclut aussi légèrement qu'il ouvrait les hostilités et l'on a
surtout l'impression d'avoir assisté à un long épisode de série
télé policière plutôt qu'au retour en grandes pompes de l'un des
maîtres du suspens. Une grosse déception...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire