Petit séjour parisien du
mercredi 15 au samedi 18 août. Un minuscule passage dans la capitale
et à Chelles en région parisienne histoire de se ressourcer un peu,
de revoir les parents, et d'aller au cinéma à l'occasion. Après
avoir passé la matinée à expérimenter quelques curieuses
'machines' du Palais de la Découverte
le lendemain de notre arrivée, Anna et moi avons marché le long de
l'avenue des Champs Élysées. Qui n'a jamais foulé l'un des
trottoirs de cette célèbre rue menant jusqu'au fameux Arc
de Triomphe ne peut concevoir la
largeur de cette artère fourmillant d'une population hétéroclite
composée de locaux et de touristes. Même les cytlochards qui
arpentent les trottoirs n'y ressemblent à aucun autre. Il n'y a
guère que ceux croisés en Islande pour parvenir à nous détourner
de notre objectif premier. C'est en prenant le chemin de l'Arc
de Triomphe que nous sommes
tombés nez à nez avec le cinéma UGC NORMANDIE,
accolé au célèbre LIDO.
Une entrée qui finalement ne payait pas de mine contrairement au
prestige qui entoure ce cabaret de renom international. Le LIDO
ignoré comme s'il ne s'agissait que d'un vulgaire boui-boui, c'est
la présence du dernier long-métrage de David Robert Mitchell,
auteur de l'excellent It Follows
en 2014 qui retint mon attention. Vu l'excellente réputation que se
traînait Under the Silver Lake,
il fallait avoir une case en moins pour passer son chemin sans avoir
envie de s'enfermer dans une salle obscure climatisée deux heures
et quinze minutes durant alors que dehors le mercure annonçait plus
de trente degrés. Après une glace vite avalée (pour moi) et un
chocolat chaud qu'Anna savoura jusqu'à la dernière goutte, nous
avons marché au hasard des rues de la capitale jusqu'à ce que notre
montre indique 15h30, soit une demi-heure avant que ne débute la
séance. Revenus sur nos pas jusqu'au UGC
NORMANDIE,
nous avons acheté nos places, pris quelques friandises et boissons,
et avons pénétré une salle baignée d'une étrange obscurité. La
musique diffusée par les hauts-parleurs et les fauteuils vintage
nous ont transporté vers le passé. J'eus presque la sensation de
revivre l'étrange spectacle créé par David Lynch, cette drôle de
mini-série intitulée Rabbits,
tout en y étant cette foi-si, directement impliqués Anna et moi.
Noir
Il
paraît que le dernier David Robert Mitchell contient bon nombre de
références cinématographiques. J'imagine que dans ce très
intéressant jeu qui consiste à dénicher telle ou telle influence,
chacun pourra puiser dans ses propres connaissances
cinématographiques. De mon point de vue, l'une des références
majeures qui semblent avoir marqué le réalisateur et son œuvre,
c'est David Lynch. Car comment ne pas voir dans ce récit touffu,
parfois alambiqué, et souvent parcouru de séquences fascinantes, le
travail de ce génie du septième art qui tarde malheureusement à
revenir sur le devant de la scène cinématographique ?
Il y a
du Blue Velvet
dans le dernier film labyrinthique de David Robert Mitchell. Sam
(Andrew Garfield) mène effectivement une enquête similaire à celle
de Jeffrey Beaumont (Kyle MacLachlan). Les personnages qu'il y croise
y sont tous des noctambules barrés qui flirtent avec le surréalisme.
Le film prend alors à son tour des allures de rêve ou de cauchemar
éveillé, son principal personnage s'enfonçant peu à peu dans les
sombres couloirs d'un Los Angeles abandonné aux mains d'une jeunesse
excentrique et dorée. La différence essentielle entre l’œuvre de
David Robert Mitchell et celle de David Lynch se situe au niveau des
individus qui croisés chez l'auteur de Eraserhead,
ont des allures de rednecks urbains tandis que ceux de l'auteur de It
Follows
s'enorgueillissent d'une certaine maturité culturelle et
intellectuelle à laquelle semble vouloir s'ajouter le personnage de
Sam (excellent Andrew Garfield). Outre des plans d'une beauté
effarante, et des séquences d'une profonde noirceur, David Robert
Mitchell dresse le diagnostique d'une cité en proie aussi bien à la
schizophrénie qu'à la paranoïa. Le meilleur exemple demeure dans
ce personnage admirablement incarné, reclus dans une demeure à
l'anodine apparence si ce ne sont les barreaux derrières lesquels se
planque sont propritaire, l'un des points d'orgue d'un récit
tournant autour d'une théorie du complot dont les nombreuses
ramifications réserveront des surprises de taille aux spectateurs en
quête de récits policiers.
Surréaliste
et mystique, Under the Silver Lake
semble également puiser dans le cinéma du génial Alejandro
Jodorowsky. Rappelant aussi bien le cultissime El
Topo
que le chef-d’œuvre La Montagne Sacrée,
tous deux signés du chilien. Le film de David Robert Mitchell brasse
donc une... montagne d'influences. C'est ainsi que l'on y croisera
notamment l'acteur Don McManus dans la peau de l'un des adeptes d'un
culte fort étrange. La musique elle aussi paraît avoir inspiré le
cinéaste puisque l'acteur australien Luke Baines y est présent dans
la peau du leader du groupe 'Jésus
et les fiancées de Dracula',
et dont les œuvres font référence au hard-rock sataniste dont
certains morceaux ont la réputation de receler des messages
sataniques mis à jour lorsque le fan de métal passe le disque à
l'envers.
Si
ces références, et toutes celle qui me prendraient bien trop de
temps à énumérer ont servi avantageusement David Robert Mitchell,
malgré l'immense talent de ce cinéaste âgé de 44 ans, Under
the Silver Lake
atteint ses limites lorsque l'on étudie chaque scène indépendamment
les unes des autres. Si au sortir de la salle de cinéma on ne peut
qu'être conquis par le résultat d'une œuvre hors norme, les
sources d'inspirations cinématographiques du réalisateur lui
demeurent infiniment supérieures. Dans la longue liste des œuvres
ayant (ou pas) inspiré le cinéaste, sans doute seul David Lynch
pourra se satisfaire du résultat obtenu par ce poulain inattendu.
Moins tordu, moins complexe, et peut-être moins admirablement
'incarnée',
c'est au cinéma de ce génie du septième art que l’œuvre de
David Robert Mitchell semble pourtant la plus fidèle.
Under
the Silver Lake
permet aussi et surtout grâce à la démarche de son auteur de
remonter le fil d'un cinéma de l'étrange dans lequel auraient pu se
croiser les auteurs déjà cités au dessus, mais bien d'autres
encore : Terry Gilliam et The Fisher King, Les Frères Coen et Barton Fink (si, si), Dario Argento et Profondo Rosso,
Pupi Avati et La Casa dalle Finestre che Ridono,
et bien évidemment Alfred Hitchcock et Fenêtre
sur Cour et
son admirable et envoûtant clone réalisé par Brian de Palma en
1984, Body Double. Under the Silver
Lake
est un très bon long-métrage. Peut-être pas la claque à laquelle
je m'attendais, mais un fichu frisson m'a parcouru durant de
nombreuses séquences. Ce qui m'arrive relativement rarement pour que
cela soit évoqué.
A
suivre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire