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jeudi 23 août 2018

Hérédité de Ari Aster (2018) - ★★★★★★☆☆☆☆



Bon, par où commencer... Aborder Hérédité, premier long-métrage du réalisateur et scénariste américain Ari Aster n'est pas chose aisée. Surtout à la lecture des nombreuses louanges qui furent proférées au sujet de ce film bien avant qu'il ne sorte sur les écrans. Inutile de tourner autour du pot durant des heures : Hérédité est une œuvre horrifique dans l'air du temps, reposant sur une base saine faite de nombreuses références que son auteur a parfaitement su digérer. Pour autant, si l’œuvre de Ari Aster brille d'une forme parfois peu conventionnelle (l'étrange demeure de la famille Graham est très vite assimilée à la représentation grandeur nature des maquettes construites par la mère de famille), le fond, lui, reste inchangé. Se dispersant dans divers genres tels le fantastique, l'horreur, l'épouvante et le drame, c'est sous ce dernier aspect que le film gagne ses gallons d’œuvre glaçante. Car plus que l'évocation de ses fantômes (on parle là d'esprits, d'ectoplasmes), et des rites sataniques, Hérédité gagne surtout à être connu pour la destruction du cercle familial qui découle d'un passé sulfureux contenu dans le titre du film.

Quelques sources d'inspiration officielles ayant servi de base à Ari Aster sont évidentes : Rosemary's baby de Roman Polanski, ou Carrie au Bal du Diable de Brian de Palma. D'autres le sont peut-être un peu moins : Le Cuisinier, le Voleur, sa Femme et son Amant de Peter Greenaway. On pourrait également y ajouter cette petite merveille méconnue qu'est The Believers de John Schlesinger. Ou n'importe quel film d'épouvante actuel, américain ou japonais, convoquant moult fantômes à l'esprit mauvais.

En choisissant d'étirer son œuvre au delà des deux heures, le cinéaste prend le risque de perdre une partie de son audience. Celle qui veut qu'on la plonge directement dans le vif du sujet sans qu'aucune caractérisation des personnages ne lui soit imposée. Un moyen simple et très efficace de proposer des produits artistiquement pauvres, l'équivalent de la malbouffe ou de la musique fast-food. Sauf qu'Ari Aster est beaucoup plus intelligent que ça. S'il veut marquer les esprits, il lui faut rendre ses personnages plus attachants que dans n'importe quel petit film d'horreur, pour que la mort de tel ou tel protagoniste dérange le spectateur. Malheureusement, il serait honnête de reconnaître que le cinéaste rate un peu son effet. La présence étonnante de l'acteur irlandais Gabriel Byrne y étant trop longtemps anecdotique, sa disparition est en totale contradiction avec le sort qui lui est alloué : en bref, elle laisse le spectateur totalement froid, hermétique, indifférent.

Sous la forme d'un précipité chimique qu'il aura eu du mal à maintenir dans sa forme initiale, le film de Ari Aster n'est au final qu'un concentré d'influences dont le climat oppressant demeure la seule donnée valable à terme. Si le film tient debout, s'il évite au spectateur de fermer les yeux de sommeil, c'est en revanche grâce à l'impeccable incarnation de ses quatre principaux acteurs. Nous ne reviendrons pas sur Gabriel Byrne, à mon avis sous exploité, pour nous pencher sur les personnages interprétés par Alex Wolff (Peter), la jeune et incroyable Milly Shapiro (Charlie), mais aussi et surtout Toni Collette qui personnifie à merveille les tensions qui demeurent dans sa famille. A décharge pour le cinéaste, on reconnaîtra à Ari Aster, cette grande qualité consistant à balancer son œuvre entre réel et fantastique. Si certains éléments viennent définitivement rassurer le spectateur sur le bien fondé des visions ectoplasmiques auxquelles il assiste, il n'est pas rare que l'on se demande dans quelle mesure tout ne serait pas que l'expression physique de troubles mentaux hérités d'une ancêtre dont l'enterrement ouvre les hostilités.
Le saxophoniste américain Colin Stetson signe à l'occasion du film, une bande-son angoissante. C'est d'ailleurs sur la présence de celle-ci que repose une très grande partie du sentiment d'épouvante. Ôtez-là, et il ne reste effectivement pas grand chose aux amateurs d'épouvante (et je ne parle pas de cette fausse peur générée par de lourdingues gimmicks du genre, 'jump scare') à se mettre sous la dent. Et puis, tant qu'à user de références, ceux qui voudraient ressentir un réel sentiment de peur et d'angoisse devraient se tourner vers la trilogie de l'appartement que tourna Roman Polanski, justement, entre 1965 et 1976, plutôt que vers cette vague de faux films d'épouvante qui pullulent désormais sur grand écran et dont, malheureusement, le public se satisfait grandement...

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