Bon, par où commencer...
Aborder Hérédité,
premier long-métrage du réalisateur et scénariste américain Ari
Aster n'est pas chose aisée. Surtout à la lecture des nombreuses
louanges qui furent proférées au sujet de ce film bien avant qu'il
ne sorte sur les écrans. Inutile de tourner autour du pot durant des
heures : Hérédité est
une œuvre horrifique dans l'air du temps, reposant sur une base
saine faite de nombreuses références que son auteur a parfaitement
su digérer. Pour autant, si l’œuvre de Ari Aster brille d'une
forme parfois peu conventionnelle (l'étrange demeure de la famille
Graham est très vite assimilée à la représentation grandeur
nature des maquettes construites par la mère de famille), le fond,
lui, reste inchangé. Se dispersant dans divers genres tels le
fantastique, l'horreur, l'épouvante et le drame, c'est sous ce
dernier aspect que le film gagne ses gallons d’œuvre glaçante.
Car plus que l'évocation de ses fantômes (on parle là d'esprits,
d'ectoplasmes), et des rites sataniques, Hérédité
gagne surtout à être connu pour la destruction du cercle familial
qui découle d'un passé sulfureux contenu dans le titre du film.
Quelques
sources d'inspiration officielles ayant servi de base à Ari Aster
sont évidentes : Rosemary's baby
de Roman Polanski, ou Carrie au Bal du Diable
de Brian de Palma. D'autres le sont peut-être un peu moins : Le
Cuisinier, le Voleur, sa Femme et son Amant
de Peter Greenaway. On pourrait également y ajouter cette petite
merveille méconnue qu'est The Believers
de John Schlesinger. Ou n'importe quel film d'épouvante actuel,
américain ou japonais, convoquant moult fantômes à l'esprit
mauvais.
En
choisissant d'étirer son œuvre au delà des deux heures, le
cinéaste prend le risque de perdre une partie de son audience. Celle
qui veut qu'on la plonge directement dans le vif du sujet sans
qu'aucune caractérisation des personnages ne lui soit imposée. Un
moyen simple et très efficace de proposer des produits
artistiquement pauvres, l'équivalent de la malbouffe ou de la
musique fast-food. Sauf qu'Ari Aster est beaucoup plus intelligent
que ça. S'il veut marquer les esprits, il lui faut rendre ses
personnages plus attachants que dans n'importe quel petit film
d'horreur, pour que la mort de tel ou tel protagoniste dérange le
spectateur. Malheureusement, il serait honnête de reconnaître que
le cinéaste rate un peu son effet. La présence étonnante de
l'acteur irlandais Gabriel Byrne y étant trop longtemps anecdotique,
sa disparition est en totale contradiction avec le sort qui lui est
alloué : en bref, elle laisse le spectateur totalement froid,
hermétique, indifférent.
Sous
la forme d'un précipité chimique qu'il aura eu du mal à maintenir
dans sa forme initiale, le film de Ari Aster n'est au final qu'un
concentré d'influences dont le climat oppressant demeure la seule
donnée valable à terme. Si le film tient debout, s'il évite au
spectateur de fermer les yeux de sommeil, c'est en revanche grâce à
l'impeccable incarnation de ses quatre principaux acteurs. Nous ne
reviendrons pas sur Gabriel Byrne, à mon avis sous exploité, pour
nous pencher sur les personnages interprétés par Alex Wolff
(Peter), la jeune et incroyable Milly Shapiro (Charlie), mais aussi
et surtout Toni Collette qui personnifie à merveille les tensions
qui demeurent dans sa famille. A décharge pour le cinéaste, on
reconnaîtra à Ari Aster, cette grande qualité consistant à
balancer son œuvre entre réel et fantastique. Si certains éléments
viennent définitivement rassurer le spectateur sur le bien fondé
des visions ectoplasmiques auxquelles il assiste, il n'est pas rare
que l'on se demande dans quelle mesure tout ne serait pas que
l'expression physique de troubles mentaux hérités d'une ancêtre
dont l'enterrement ouvre les hostilités.
Le
saxophoniste américain Colin Stetson signe à l'occasion du film,
une bande-son angoissante. C'est d'ailleurs sur la présence de
celle-ci que repose une très grande partie du sentiment d'épouvante.
Ôtez-là, et il ne reste effectivement pas grand chose aux amateurs
d'épouvante (et je ne parle pas de cette fausse peur générée par
de lourdingues gimmicks du genre, 'jump
scare')
à se mettre sous la dent. Et puis, tant qu'à user de références,
ceux qui voudraient ressentir un réel sentiment de peur et
d'angoisse devraient se tourner vers la trilogie de l'appartement que
tourna Roman Polanski, justement, entre 1965 et 1976, plutôt que vers
cette vague de faux films d'épouvante qui pullulent désormais sur
grand écran et dont, malheureusement, le public se satisfait
grandement...
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