Et bien voilà. Nous en
sommes arrivés là. Plus besoin d'aucune espèce de caméra, plus ou
moins lourde, plus ou moins performante et professionnelle puisqu'un
simple cellulaire suffit désormais pour tourner un long-métrage. Un
outils bien dans l'air du temps, rendant assujettis ses propres
utilisateurs dans ce que l'on pourrait comparer à une forme
d'esclavage numérique moderne. Après l'utilisation de l'ordinateur
comme unique outil de filmage en 2014 avec le film de Levan
Gabriadze, Unfriended,
le scénariste, producteur et réalisateur américain Steven
Soderbergh pousse les limites du concept dans ses derniers
retranchements en filmant son dernier-né à l'aide d'un Iphone
7 Plus.
De quoi inspirer des carrières de cinéastes à nombre
d'utilisateurs n'ayant aucun talent en matière de mise en scène. Ce
devait être fort logiquement l'auteur de Sex,
Lies, and Videotape
qui devait s'attaquer à la chose, remplaçant ainsi ses vieilles
cassettes vidéo par un outil autrement plus commode à utiliser.
Le
contexte du dernier long-métrage de Steven Soderbergh, s'il est lui
aussi commun à cette nouvelle forme de communication qui rend un peu
plus chaque jour nos concitoyens paranoïaques à force de vivre
reclus derrière leur ordinateur ou leur téléphone mobile,
rappellera sans doute aux fans de Clint Eastwood ou de son héroïne
d'alors, l'un des passages les plus marquants de The
Changeling,
réalisé par le premier et admirablement interprété par Angelina
Jolie, lors duquel le personnage qu'elle incarnait est enfermé contre
son grès dans un hôpital psychiatrique.
Steven
Soderbergh traite ici d'un sujet délicat qui concerne des milliers
d'enfants, d'adultes et d'adolescents aux États-Unis, lesquels sont
abusivement enfermés dans des instituts psychiatriques alors même
que cela ne s'avère pas nécessaire. Principalement interprété par
l'actrice britannique Claire Foy dont la filmographie ne se résume
jusqu'ici qu'à un peu moins d'une dizaine de longs-métrages, Insane
(chez nous le film a été retitré Paranoïa)
évoque différents points de vue quant à l'éventuelle réalité
des faits qui sont 'reprochés'
à l'héroïne.
L'intrigue
tourne autour de Sawyer Valentini, nouvelle employée dans un agence
qui après avoir été harcelée par un individu s'est vue contrainte
de quitter sa ville natale pour la Caroline du Nord. Victime de
névroses, elle se rend un jour au
Highland Creek Behavioral afin
de partager avec un spécialiste ses angoisses et ainsi en être
soulagée. Après l'entretien, Sawyer accepte de signer un document
sans l'avoir consulté au préalable. Sans le savoir, la jeune femme
vient de donner son accord pour être enfermée et étudiée durant
vingt-quatre heure dans l'institut. Mais les choses vont très mal se
passer pour Sawyer qui au contact d'hommes et de femmes, eux,
réellement atteints de troubles comportementaux, va se révéler
violente, rallongeant ainsi son passage entre les murs du Highland
Creek Behavioral puisque
son séjour est rallongé d'une semaine...
On
se dit alors que pour sabrer un tel suspens, Steven
Soderbergh doit avoir de la suite dans les idées. Outre l'évidente
critique annoncée dès le début et faisant (volontairement ou pas)
écho à l'enquête que mena la députée américaine Patricia
Schroeder en 1992 sur certaines pratiques dans les hôpitaux
psychiatriques, il faut reconnaître tout son charme au style parfois
épuré de Steven Soderbergh. Lors du flash-back évoquant le
harcèlement dont fut victime l'héroïne, musique minimaliste et
plans fixes génèrent une curieuse impression. Entre réalisme du
sujet évoqué et l'aspect fantasmé que revêtent les images. Le
cinéphile appréciera sans aucun doute la participation de l'actrice
Amy Irving (Carrie,
le seul, l'unique réalisé par Brian de Palma) dans le rôle
d'Angela Valentini, la mère de Sawyer, et la courte (mais géniale)
apparition de Matt Damon dans celui du détective Ferguson. Insane
est une œuvre qui marque
par ses changements de style permanents. Passée la première moitié,
Steven Soderbergh transforme le drame paranoïaque en une sorte de
psychokiller redoutablement efficace, mettant l'héroïne face à ses
angoisses. Angoisses qui prennent le visage de David Trine,
excellemment interprété par l'acteur et réalisateur américain
Joshua leonard. Petite mention pour l'acteur, rappeur, humoriste Jay
Pharoah qui dans la peau de Nate Hoffman campe un compagnon
d'infortune très attachant. En 2011, las, Steven Soderbergh évoquait
son désir d'arrêter le cinéma lors de l'émission radiophonique
américaine Studio 360.
Sept ans plus tard, on le remercie de n'avoir pas mis son projet à
exécution car Insane
est une excellente surprise...
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