Après avoir réalisé
ses trois premiers longs-métrages dans son propre pays, le
réalisateur américain d'origine tchécoslovaque Miloš
Forman débute une nouvelle carrière aux États-Unis en 1971 avec
son premier long-métrage américain, Taking
Off
que l'on a cru longtemps perdu, et qui n'est sorti sous nos latitudes
que trente-neuf ans après
sa sortie dans son pays. Entre ce premier essai sur le territoire
américain et son deuxième en 1975, quatre années ont passé.
Projet datant du milieu des années soixante et initié par Kirk
Douglas (repris par la suite par son propre fils Michael), c'est
pourtant sur les conseils du producteur Saul Zaentz que Michael
Douglas propose à Miloš Forman de lire le roman dont s'inspire le
film éponyme One Flew Over the Cuckoo's
Nest avant
d'en accepter l'adaptation cinématographique. Très enthousiaste, le
cinéaste accepte volontiers de réaliser ce qui deviendra chez nous
Vol au-Dessus d'un Nid de Coucou,
peut-être le plus grand film de son auteur. Une œuvre d'une
puissance émotionnelle rare, interprétée par un casting en béton
mené par un Jack Nicholson au sommet de son art.
Épaulé
par des stars en devenir, l'acteur est entouré d'un Brad Dourif
prodigieux dans le rôle du jeune Billy, de Will Sampson dans celui
du 'chef'
Bromden, de Danny DeVito incarnant Martini, de Christopher Lloyd
(futur Dr Emmett « Doc » Brown de la saga Retour
vers le Futur)
dans
la peau de Taber, ou encore de Louise Fletcher dans celui de la
froide et intransigeante infirmière Mildred Ratched. Les plus
attentifs reconnaîtront également l'acteur noir Scatman Crothers
qui cinq ans plus tard donnera une nouvelle fois la réplique à Jack
Nicholson dans l'excellent Shining
de Stanley Kubrick ou bien Michael Berryman, fameux acteur victime à
la naissance du Syndrome
de Christ-Siemens-Touraine,
connu pour avoir incarné Pluto dans le film culte de Wes Craven,
La Colline a des Yeux en
1977.
Décrire Vol
au-Dessus d'un Nid de Coucou en
quelques mots est un projet ambitieux bien que difficilement
soutenable. L’œuvre de Miloš Forman véhicule de nombreuses
thématiques dont l’enfermement, l'amitié et le traitement infligé
aux malades mentaux ne sont pas des moindres. Le cas qui nous est
présenté ici est celui de Randall Patrick McMurphy, qui pour éviter
certaines contraintes liées à son incarcération pour viol, accepte
d'être le sujet d'une étude visant à déceler chez lui un
hypothétique dysfonctionnement cérébral. Loin d'imaginer ce qui
l'attend, l'homme va non seulement être confronté à un univers
plus rude que prévu, mais surtout à une infirmière en chef
particulièrement inflexible. Ici, les contraintes sont différentes.
Les journées se ressemblent toutes et sont ponctuées par la
musique, la prise de médicaments, la thérapie et des horaires
stricts. Guidé par le même instinct que celui du prisonnier qu'il
était tout récemment, McMurphy va tenter d'imposer sa vue d'esprit
et les habitudes carcérales dont il usait mais qui malheureusement
n'ont pas cours dans le service psychiatrique. Entre le nouveau venu
et l'infirmière, le courant a bien du mal à passer. Alors que
McMurphy bouillonne, Miss ratched, elle, demeure invariablement
froide.
Un certain malaise s'instaure. Surtout lorsque sont évoquées ces
séances de thérapie dont l'obscénité est révélée à travers
les questions indiscrètes d'une Miss Ratched s'acharnant sur des
patients dont la situation dans le cadre de leur internement se
révélera fort stupéfiante.
Nommées thérapies, ces séances de torture mentale paraissent
conforter les malades dans leurs névroses plutôt qu'elles ne les en
libère. L'un des cas les plus intéressant demeure dans le portrait
de Billy, incarné par l'excellent Brad Dourif, lequel semble avoir
un immense soucis d’œdipe avec sa génitrice. Miss Ratched jouant
sur la corde sensible du jeune homme, les questions que l'infirmière
lui pose tourmentent Billy plus qu'elles ne l'apaisent. Aidées par
des chiens de garde parfois si violents dans leurs propos qu'on les
croirait en rupture avec toute forme d'empathie pour les
patients, Miss Ratched reflète à elle seule cette institution
où certains ont volontairement choisi d'être enfermés. Une rigueur
maladive, faignant de soigner des patients tout en projetant sur eux
ses propres démons, le cinéaste choisi de n'explorer que l'histoire
de ses patients et non pas celle de la femme dont le métier et de
les libérer de leurs démons.
Le
personnage incarné par Jack Nicholson fait le tour de ses co-détenus
un peu étranges. S'offusquant pour de menus détails, et vouant peu
à peu pour ce personnage du milieu psychiatrique sensiblement
atypique, une véritable fascination. Finalement, celui qui pourrait
les libérer de l'emprise de la folie dont ils se sont persuadés
être prisonniers. Chose que ne peut bien évidemment pas accepter
l'infirmière Ratched. En détaillant chacun des patients de l'étage,
du moins ceux dont la présence se révèle concrète (les autres
demeurant remisés au fond de la salle et n'étant que subrepticement
filmés), Miloš Forman fait le tour de la question de la folie. Du
moins, de la manière la plus subjective possible car le film ne
s'intéresse pas aux cas les plus critiques de la psychiatrie (la
schizophrénie n'est par exemple, pas abordée) mais préfère se
pencher sur les rapports humains entre individus ici, supposés de
même condition. Vol
au-Dessus d'un Nid de Coucou est
une œuvre bouleversante, émaillées de scènes tour à tour drôles,
rageantes ou émouvantes. Après l'avoir vu, qui pourrait oublier cet
éternel fatigué qu'est Bancini (Josip Elic), ce jeune et touchant
bègue interprété par Brad Dourif, ce grand chef indien, sourd,
muet, et fort comme un roc, cette infirmière en chef insupportable,
ou tout simplement McMurphy, ce criminel, au fond, beaucoup plus
humain que l'institution chargée de ses soins... ? Un
chef-d’œuvre incontournable qui remporta cinq Oscars en 1976 dont
ceux du meilleur réalisateur pour Miloš Forman, du meilleur acteur
pour Jack Nicholson (un prix qui aurait pu être également décerné
à Brad Dourif, Danny De Vito, etc...), et de la meilleure actrice,
évidemment décerné à l'incroyable Louise Fletcher. Un monument du
septième art à redécouvrir de toute urgence...
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