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jeudi 21 juin 2018

Husbands de John cassavetes (1971) - ★★★★★★★☆☆☆



Je n'en suis pas encore certain, mais Husbands donnera peut-être lieu au plus petit article que j'ai écrit jusqu'à présent. Non pas que cette première collaboration entre John cassavetes, Peter Falk et ben Gazzara ne mérite pas que l'on s'y attarde trop longtemps, mais pourquoi prolonger l'épreuve de la critique et les retours à la ligne trop nombreux lorsque tout semble pouvoir être exprimé en quelques mots. Il n'y a pas mille façons d'aborder cette œuvre mise en scène par John Cassavetes. J'en vois deux. Ou peut-être une troisième. Celle qui vous place dans cette désagréable situation que l'on nomme 'avoir le cul entre deux chaises'. Ignorons-la, puisqu'elle ne sert que de roue de secours aux indécis. A ceux qui ne savent s'ils sont assurément pour, ou tout à fait contre. Au choix, donc, nous retiendrons les deux seules options valables : le rejet, et la fascination.
Husbands nous conte une histoire toute simple. On pourrait même envisager que le film n'en raconte aucune, qu'il plonge ses trois principaux interprètes au beau milieu d'une existence entamée à moitié, dans la fleur de l'âge. Trois hommes coupés de leur liaison avec celui qui fermait le carré qu'il constituaient à eux quatre. Harry, Gus et Archie viennent d'enterrer leur ami Stuart. Commence alors un court passage vers la dérive. Parcourant la moitié de New York en métro, le publicitaire, le dentiste et le journaliste tentent d'oublier le malheur qui les a frappé en jouant au basket, en piquant une tête dans une piscine municipale et en allant boire de la bière jusqu'à plus soif dans le bar où ils ont l'habitude de traîner. Tous les trois mariés, c'est sur un coup de tête qu'ils décident de prendre l'avion et d'aller passer un moment à Londres. Là-bas, ils agissent à la manière de ces américains caricaturés, sûr de leur charisme, prêts à agir en séducteur. Direction le casino. Ils n'y feront pas fortune mais rentreront à l'hôtel accompagnés chacun d'une jeune anglaise. Puis c'est le retour au bercail. Mais pour Gus et Archie seulement puisque comme il n'a cessé de le répéter, Harry a décidé de ne plus jamais rentrer chez lui. C'est donc seul qu'il demeure à Londres, ses deux amis repartant pour New York où il retrouveront la vie qu'ils ont toujours menée...

Ben tiens. Finalement, d'histoire, il y a. Simple. Sans artifices. Comme filmée par un bon copain. Un larron planqué derrière sa caméra, s'assurant d'emporter en souvenir, les difficiles journées qui allaient succéder à l'enterrement de Stuart. Émouvante d'ailleurs, cette cérémonie filmée comme si l'événement était bien réel. C'est bien ce qui fait la particularité du cinéma de John Cassavetes réalisateur, et sans doute ce qui gêne certains spectateurs. Probablement que parmi eux, quelques-uns auront eu l'envie pressente de quitter la salle bien avant la fin du film, ce que certains n'ont sans doute pas hésité à faire. C'est vrai, Husbands est incommodant. Dérangeant presque. Pas pour le voyeurisme que certains pourraient y voir, mais pour cette furieuse impression que l'on est devant autre chose qu'un long-métrage cinéma. Un documentaire sur les affres du désespoir. Qui pourtant prennent ici une forme très souvent joyeuse. Car après tout, John Cassavetes, Peter Falk et Ben Gazzara ne demeurent-ils pas que de grands enfants se chamaillant pour des broutilles, et exhibant leur folie légère au milieu de passant ébahis par leurs agissements dignes d'une cour d'école ?

Incommodant car John Cassavetes n'est pas le roi du montage acéré. C'est même plutôt l’inverse. Certaines des scènes s'étirent jusqu'à ce que l’élastique se rompt. Pour preuve, cette très longue scène débutant peu avant la dix-huitième minute et se terminant plus de vingt minutes plus tard lors d'un 'climax' atypique confrontant la compétitrice d'un concours de chant organisé par nos trois héros, à ces derniers totalement ivres et s'amusant du peu de sincérité dans le chant de la concurrente. Beaucoup plus tard, alors que les trois hommes sont rendus en Angleterre, nous les retrouvons réunis dans une chambre d'hôtel avec à leur bras, trois jeunes femmes du pays. Certains diront que de telles longueurs n'apportent. Que d'étirer certaines séquences dans de telles proportions dénote la faiblesse du scénario. Qu'importe, John Cassavetes ne sert pas la soupe aux spectateurs ni aux critiques, mais filme avec passion ses personnages. Le point central de Husbands n'est donc pas l'histoire qu'il nous conte mais ceux qui en sont les protagonistes.
Bien qu'ayant des allures de film improvisé (ce qu'il demeure à diverses reprises), le long-métrage de John Cassavetes ne compte par les efforts fournis par l'équipe technique lors de scènes éprouvantes dans leur préparation et leur réalisation. A propos d'improvisation, Husbands conserve sa valeur de document en terme de spontanéité. Ces passages sont très clairement établis et restent des moments-clés dans l’œuvre du cinéaste. Pour qui aura eu le courage de tenir au moins les quarante premières minutes (le film dure plus de deux heures vingt), voir l'actrice leola Harlow être 'maltraitée' par les trois principaux interprètes alors qu'elle ne s'y attendait visiblement pas est fort réjouissant. L'alcool aidant, on voit même parfois chacun d'entre eux perdre le contrôle de la situation, John Cassavetes demeurant dans le genre, le pilier du trio de buveurs de bières. Mais la scène la plus effarante reste sans doute celle se déroulant dans le casino londonien dans lequel Peter Falk cherche la femme avec laquelle il remontera plus tard jusqu'à sa chambre. L'acteur tombe notamment sur la Contesse Dolores Delmar, qui dans son propre rôle ne s'attendait très certainement pas à devoir séduire Peter Falk tandis que celui-ci essaie de s'en dégager.
On l'aura compris (enfin, je l'espère), Husbands est une œuvre atypique, qui ne ressemble jamais vraiment à quoi que ce soit de commun dans le septième art. L'expérience peut se révéler éprouvante, voire terriblement ennuyeuse pour certains. Mais si l'on adhère, alors là, c'est le jackpot....

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