Je n'en suis pas encore
certain, mais Husbands
donnera peut-être lieu au plus petit article que j'ai écrit jusqu'à
présent. Non pas que cette première collaboration entre John
cassavetes, Peter Falk et ben Gazzara ne mérite pas que l'on s'y
attarde trop longtemps, mais pourquoi prolonger l'épreuve de la
critique et les retours à la ligne trop nombreux lorsque tout semble
pouvoir être exprimé en quelques mots. Il n'y a pas mille façons
d'aborder cette œuvre mise en scène par John Cassavetes. J'en vois
deux. Ou peut-être une troisième. Celle qui vous place dans cette
désagréable situation que l'on nomme 'avoir
le cul entre deux chaises'.
Ignorons-la, puisqu'elle ne sert que de roue de secours aux indécis.
A ceux qui ne savent s'ils sont assurément pour, ou tout à fait
contre. Au choix, donc, nous retiendrons les deux seules options
valables : le rejet, et la fascination.
Husbands nous
conte une histoire toute simple. On pourrait même envisager que le
film n'en raconte aucune, qu'il plonge ses trois principaux
interprètes au beau milieu d'une existence entamée à moitié, dans
la fleur de l'âge. Trois hommes coupés de leur liaison avec celui
qui fermait le carré qu'il constituaient à eux quatre. Harry, Gus
et Archie viennent d'enterrer leur ami Stuart. Commence alors un
court passage vers la dérive. Parcourant la moitié de New York en
métro, le publicitaire, le dentiste et le journaliste tentent
d'oublier le malheur qui les a frappé en jouant au basket, en
piquant une tête dans une piscine municipale et en allant boire de
la bière jusqu'à plus soif dans le bar où ils ont l'habitude de
traîner. Tous les trois mariés, c'est sur un coup de tête qu'ils
décident de prendre l'avion et d'aller passer un moment à Londres.
Là-bas, ils agissent à la manière de ces américains caricaturés,
sûr de leur charisme, prêts à agir en séducteur. Direction le
casino. Ils n'y feront pas fortune mais rentreront à l'hôtel
accompagnés chacun d'une jeune anglaise. Puis c'est le retour au
bercail. Mais pour Gus et Archie seulement puisque comme il n'a
cessé de le répéter, Harry a décidé de ne plus jamais rentrer
chez lui. C'est donc seul qu'il demeure à Londres, ses deux amis
repartant pour New York où il retrouveront la vie qu'ils ont
toujours menée...
Ben
tiens. Finalement, d'histoire, il y a. Simple. Sans artifices. Comme
filmée par un bon copain. Un larron planqué derrière sa caméra,
s'assurant d'emporter en souvenir, les difficiles journées qui
allaient succéder à l'enterrement de Stuart. Émouvante d'ailleurs,
cette cérémonie filmée comme si l'événement était bien réel.
C'est bien ce qui fait la particularité du cinéma de John
Cassavetes réalisateur, et sans doute ce qui gêne certains
spectateurs. Probablement que parmi eux, quelques-uns auront eu
l'envie pressente de quitter la salle bien avant la fin du film, ce que certains n'ont sans
doute pas hésité à faire. C'est vrai, Husbands
est incommodant. Dérangeant presque. Pas pour le voyeurisme que
certains pourraient y voir, mais pour cette furieuse impression que
l'on est devant autre chose qu'un long-métrage cinéma. Un
documentaire sur les affres du désespoir. Qui pourtant prennent ici
une forme très souvent joyeuse. Car après tout, John Cassavetes,
Peter Falk et Ben Gazzara ne demeurent-ils pas que de grands enfants se
chamaillant pour des broutilles, et exhibant leur folie légère au
milieu de passant ébahis par leurs agissements dignes d'une cour
d'école ?
Incommodant
car John Cassavetes n'est pas le roi du montage acéré. C'est même
plutôt l’inverse. Certaines des scènes s'étirent jusqu'à ce que
l’élastique se rompt. Pour preuve, cette très longue scène
débutant peu avant la dix-huitième minute et se terminant plus de
vingt minutes plus tard lors d'un 'climax'
atypique
confrontant la compétitrice d'un concours de chant organisé par nos
trois héros, à ces derniers totalement ivres et s'amusant du peu de
sincérité dans le chant de la concurrente. Beaucoup plus tard,
alors que les trois hommes sont rendus en Angleterre, nous les
retrouvons réunis dans une chambre d'hôtel avec à leur bras, trois
jeunes femmes du pays. Certains diront que de telles longueurs n'apportent. Que d'étirer certaines séquences dans de telles
proportions dénote la faiblesse du scénario. Qu'importe, John
Cassavetes ne sert pas la soupe aux spectateurs ni aux critiques,
mais filme avec passion ses personnages. Le point central de
Husbands
n'est donc pas l'histoire qu'il nous conte mais ceux qui en sont les
protagonistes.
Bien
qu'ayant des allures de film improvisé (ce qu'il demeure à diverses
reprises), le long-métrage de John Cassavetes ne compte par les
efforts fournis par l'équipe technique lors de scènes éprouvantes
dans leur préparation et leur réalisation. A propos
d'improvisation, Husbands
conserve sa valeur de document en terme de spontanéité. Ces
passages sont très clairement établis et restent des moments-clés
dans l’œuvre du cinéaste. Pour qui aura eu le courage de tenir au
moins les quarante premières minutes (le film dure plus de deux
heures vingt), voir l'actrice leola Harlow être 'maltraitée'
par
les trois principaux interprètes alors qu'elle ne s'y attendait
visiblement pas est fort réjouissant. L'alcool aidant, on voit même
parfois chacun d'entre eux perdre le contrôle de la situation, John
Cassavetes demeurant dans le genre, le pilier du trio de buveurs de
bières. Mais la scène la plus effarante reste sans doute celle se
déroulant dans le casino londonien dans lequel Peter Falk cherche la
femme avec laquelle il remontera plus tard jusqu'à sa chambre.
L'acteur tombe notamment sur la Contesse Dolores Delmar, qui dans son
propre rôle ne s'attendait très certainement pas à devoir séduire Peter Falk tandis que celui-ci
essaie de s'en dégager.
On
l'aura compris (enfin, je l'espère), Husbands
est une œuvre atypique, qui ne ressemble jamais vraiment à quoi que
ce soit de commun dans le septième art. L'expérience peut se
révéler éprouvante, voire terriblement ennuyeuse pour certains.
Mais si l'on adhère, alors là, c'est le jackpot....
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire