J'oubliais
par un trop grand empressement de dire la dernière fois que
Répulsion,
second long-métrage de Roman Polanski et premier film tourné en
anglais, qu'il avait été scénarisé par les soins de Gérard
Brach. L'auteur presque officiel du cinéaste franco-polonais
puisque jusqu'à Lunes de Fiel,
les deux hommes collaborèrent très souvent. Maintenant que l'erreur
est réparée, revenons à l'essentiel. Et l'essentiel, c'est ce
Cul-De-Sac
réalisé une année seulement après Répulsion.
Alors même que Polanski n'a pas encore mis la main sur celle qui
interprétera le rôle féminin principal, c'est l'un des producteurs
du projet qui lui conseille de confier l'interprétation du
personnage de Teresa à l'actrice Françoise Dorléac. Et si vous
trouvez qu'elle et Catherine Deneuve se ressemblent beaucoup, c'est
parce que la première était l’aînée de la seconde. « Était »,
puisque celle qui n'interpréta que seize rôles au cinéma et cinq à
la télévision entre les années 1960 et 1967 périt brûlée vive
dans un accident de voiture alors qu'elle s’apprêtait à découvrir
son dernier film, Les Demoiselles de Rochefort,
traduit et doublé dans la langue de Shakespeare.
Teresa,
c'est donc elle. Une jeune et jolie jeune femme, encore. Mais cette
fois-ci,l'héroïne ne vit plus dans un étouffant appartement mais
dans le vaste décor d'une presqu’île plantée au milieu de nulle
part et accessible uniquement lorsque la mer veut bien se retirer.
Une vie presque trop tranquille pour Teresa qui s'amuse de la
présence de son jeune voisin tandis que ses parents à lui
accaparent George, le compagnon de la jeune femme. Face à cet
étrange couple que tout semble opposer, du caractère au charisme,
deux bandits, qui ne deviendront plus qu'un lorsque l'un d'eux mourra
de ses blessures. Dick est patibulaire, grossier, peu aimable et
surtout, pressé de pouvoir quitter ce lieu de perdition (l'île de
Lindisfarne dans le comté de Northumberland en Angleterre servit de
lieu de tournage) où il n'y a rien à faire de mieux que de creuser
des trous, boire de l'alcool frelaté, cuisiner des omelettes et
surtout, humilier ses hôtes, et notamment George.
Polanski
condamne d'ailleurs dès le départ ce personnage en l'habillant des
vêtements de sa compagne, signifiant dès lors à l'intrus que
l'hôte qu'il a en face de lui n'est qu'un pleutre. Dick, c'est
l'acteur Lionel Stander que dans notre pays nous connaissons surtout
parce qu'il fut le domestique de Jennifer et Jonathan Heart dans la
célèbre série américaine Pour
l'Amour du Risque
entre 1979 et 1984. Il semblerait que l'acteur ait prolongé son
interprétation au delà du scénario et même hors caméra puisqu'il
fut ingérable, débarquant sur le tournage quand bon lui semblait,
se comportant comme son personnage envers les membres de l'équipe.
Stander poussa le vice jusqu'à frapper réellement Françoise
d'Orléac lors de la fameuse scène durant laquelle elle est fouettée
à coup de boucle de ceinture par l'acteur américain.
Ce
qui a sensibilisé le public américain de l'époque et a donc mis un
terme à la projection du film dans les salles de cinéma fut la trop
grande liberté de ton de Cul-De-Sac.
A le découvrir aujourd'hui, on peut encore se demander ce qui a pu
contrevenir au puritanisme du public, quoique l'engouement de ce
dernier ne pu être évalué si l'on tient compte du fait que le film
n'a pas eu le temps de faire ses preuves en étant retiré de
l'affiche après seulement quelques jours. La presse fut assassine et
sur les affiches américaines trônèrent un slogan qui ne laissait
aucune ambiguïté sur le sort qu'en firent les médias :
« Parfois, on ne peut plus rien faire d’autre qu’en rire ».
Comme si l'on devait forcément condamner le film à n'être rien
d'autre qu'une œuvre grotesque, sans fond, ni forme, et ne brillant
d'aucune forme d'intelligence. Et pourtant...
George,
c'est le formidable acteur britannique Donald Pleasance. C'est le
personnage antinomique par excellence. Face à un Dick puissant, à
la voix rauque et menaçante, il apparaît bien frêle. Même face à
celle qu'il aime et qu'il a pourtant beaucoup de mal à retenir dans
ses filets. D'autant plus que Teresa commence à s'intéresser à
Dick plus qu'à son compagnon. Cul-De-Sac est
gorgé d'humour noir. De cet humour qui sans doute rendit frileux le
public américain. George n'a jamais été plus qu'un jouet entre les
mains de Teresa. Mais lorsque Dick débarque, elle se le représente
comme l'image du mâle. A côté, George fait peine à voir. Et même
lorsqu'il tente de se donner un peu plus de consistance, on n'y croit
pas un seul instant. Lui non plus d'ailleurs.
Après
le huis-clos, les grands espaces. Et Polanski de nous prouver qu'il
maîtrise aussi parfaitement ces derniers tout comme il maîtrise ses
interprètes. Peut-être pas son meilleur long-métrage (on pourra
toujours discuter des goûts et des couleurs) mais assurément un
excellent film...
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