Lorsque l'on pénètre
pour la toute première fois l'univers de Maurice Pialat, deux
options s'offrent à nous. Soit l'on est immédiatement conquis par
l'apparente rigueur et l'hermétisme de son cinéma, soit l'on
rejette totalement cet « anti-conformisme» qui semble
ponctuer chacune de ses œuvres. Lorsqu'il engage l'acteur Gérard
Depardieu sur le tournage de Loulou, ça n'est pas la
première fois que Maurice Pialat pense à lui. Déjà, en 1974, le
cinéaste l'avait pressenti pour jouer le rôle principal de La
Gueule Ouverte, mais Gérard Depardieu est alors déjà pris
par le tournage des Valseuses de Bertrand Blier. Aux
côtés de l'acteur, la sublime Isabelle Huppert, qui deviendra au
fil de sa longue carrière l'une des plus grandes actrices du cinéma
français. Elle et Gérard Depardieu se retrouvent sur le plateau de
Loulou six ans après s'être croisés sur celui des Valseuses
justement. Ils forment en compagnie de l'acteur, chanteur et musicien
Guy Marchand le trio idéal.
Loulou est
une œuvre forte, sans fard, ne ponctuant jamais son récit de scènes
réellement récréatives. Maurice Pialat réalise une œuvre de
cinéma-vérité, basé sur la relation que vécurent le cinéaste
et la scénariste Arlette Langmann, elle-même à l'origine du
scénario. Comme cela semble évident lorsque l'on découvre ce
long-métrage pour la première fois, le cinéaste laisse tourner sa
caméra tout en laissant une grande liberté d'expression à ses
acteurs qui improvisent alors sur le thème de l'amour. Un amour pas
si facile à réaliser entre Loulou et Nelly. D'autant plus que la
jeune femme, mariée à André, qui de plus travaille avec elle, rêve
d'une vie différente, joyeuse, mais qui se révélera au fond
beaucoup plus délicate et compliquée qu'elle ne l'avait prévu.
Loulou est
également une œuvre sociale qui explore la différence entre les
milieux sociaux. Celui dans lequel Nelly a toujours baigné jusqu'à
maintenant, et celui, beaucoup plus aventureux de Louis (le Loulou du
titre). Le rapport entre personnage campé par Gérard Depardieu et
son passé d'ancien voyou n'étant sans doute pas dû au hasard,
l'acteur semble remarquablement à l'aise dans la peau de Loulou. Un
individu qui à travers le prisme de la caméra nous apparaît
touchant tandis que dans la vie réelle, il nous serait sans doute
apparu comme un être néfaste. Isabelle Huppert demeure d'une
attitude étonnement calme au regard des différents ouragans qu'elle
a à gérer. Entre sa nouvelle vie et l'ancienne, sa complicité
lors d'un vol nocturne, sa présence lors d'un drame situé presque
en toute fin de film, et un ex-mari qui a énormément de mal à
gérer leur séparation, elle tempère les émotions de chacun.
Guy marchand quant à
lui, est à des milliers de kilomètres de son image de séducteur
ringard (Les Sous-doués en vacances ) ou de flic
corrompu (Ripoux contre Ripoux). Il interprète avec
une très grande justesse et une immense élégance l'époux trompé,
quitté, bouleversé, mais jamais définitivement épris de
vengeance. Du haut de leur talent, Gérard Depardieu, Isabelle
Huppert, Guy Marchand et Maurice Pialat ont fait de Loulou
une œuvre bouleversante, tragique et belle à la fois. Un combat
entre deux milieux sociaux incompatibles sur fond de romance. L’œuvre
(et par extrapolation, la vie) est présentée ici sans ambages. Tout
y est d'une vérité folle et d'une sincérité extraordinaire. Un
long-métrage difficile dont l'expérience ne peut qu'être
salvatrice...
Bel article qui donne envie de se plonger dans la profondeur psychologique de tous ces personnages et le délicat et tragique imbroglio de leur vie...
RépondreSupprimerC'est un de tes plus beaux articles. Je suis d'accord avec ta moitié pour dire que ça donne vraiment envie de s'y plonger. (je viens de voir que tu avais publié un article sur Inland Empire, je me réjouis de lire)
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