Deuxième long-métrage
de la période hollandaise du cinéaste Paul Verhoeven, Turks
Fruit est sans aucun doute l'un de ses plus réussis. Une
histoire d'amour émouvante et fantasque évoquée de manière aussi
forte, violente, passionnée et crue que l'aurait sans doute abordée
le cinéaste d'origine polonaise Andrzej
Zulawski. Un récit bouleversant magnifié par la musique de Rogier
Van Oterloo. Paul Verhoeven et son scénariste attitré depuis ses
débuts, Gerard Soeteman, rêvent depuis toujours d'adapter l’œuvre
de l'un des plus grands écrivains hollandais d'après-guerre, Jan
Wolkers.
Tout
commence par un aperçu de l'existence au temps présent d'Eric Vonk,
sculpteur génial, créatif, impulsif, mais également narcissique,
dominateur, et comme l'affirmera plus tard celle qu'il aime à la
folie, très égoïste. Pour comprendre ce qui l'a poussé à
détruire tout ce qu'il a créé à l'image d'Olga, son épouse, son
amante, et sa muse, à laisser pourrir ce dernier repas qu'il avait
composé pour elle, laissant les vers investir la viande décomposée,
à coucher avec toutes les femmes qu'il croise sans jamais ressentir
la moindre empathie pour l'une ou l'autre, le cinéaste hollandais
remonte le fil de l'histoire de ce couple hors norme.
D'un
côté, donc, l'artiste Eric. De l'autre la jeune et jolie Olga.
Fille d'un couple de propriétaires d'un magasin bourgeois. La
rencontre entre les futurs amants, puis, les futurs mariés est à
l'image de l'urgence dans laquelle ils vont vivre leur passion :
alors même qu'il fait du stop, Olga prend à bord de sa voiture Eric
qui n'est encore pour elle qu'un inconnu. Moins d'une demi-heure plus
tard, il a déjà glissé sa main entre les jambes de la jeune femme
naturellement rousse et lui a fait l'amour sur la banquette arrière.
Moins d'une heure après, les voilà déjà tous deux victimes d'un
accident de la route. Ensanglanté, Eric porte le corps sans vie
d'Olga, elle aussi le visage et les habits recouvert de sang. Quelque
part, ce mélange des fluides est le symbole d'une union qui promet
d'être éternelle. Comme l'on échange son sang lors de rituels qui
finalisent un pacte. Des symboles, le film en compte beaucoup, le
premier faisant partie des plus marquant puisqu'au moment de
connaître l'orgasme entre les cuisses d'Olga, Eric déclenche
innocemment le liquide de nettoyage du pare-brise, donnant l'illusion
de l'éjaculation qu'il est lui-même en train de vivre.
Turks Fruit
est cru, oui, mais dans la passion. Il n'y a rien de véritablement
dégueulasse dans cette œuvre dont l'aspect parfois graphiquement
agressif en a incommodé certains lors de sa sortie. En parlant de
fluides, le film semble avoir une prédispositions pour tous ceux
qu'exsude le corps humain. Qu'il s'agisse de sang, de pisse, de
merde, de sperme ou de vomi, tout y passe. Mais Paul Verhoeven ne se
contente pas d'un message scatologique. Il en évite la radicalité
en immisçant dans son histoire d'amour, des thématiques
terrifiantes qui à l'image de la maladie et de l'amour achèvent de
nous convaincre que l'on est bien là face à une œuvre complexe et
non pas seulement devant une romance à l'eau de rose. Le personnage
d'Olga apparaît d'abord quelque peu artificiel face à la
personnalité d'Eric. Pourtant, au fil de l'aventure, on note une
progression dans son comportement et sa personnalité. Des conflits
intérieurs involontairement mis à nu par l’immature Eric qui
apprend de la bouche de celle qu'il aime toute l'horreur des propos
qu'a pu tenir la mère d'Olga lorsqu'il a fallut l'amputer d'un sein.
Ou bien, pire encore, et alors qu'elle l'a abandonné pour un autre,
on assiste au retour de la jeune femme, atteinte à son tour d'un mal
incurable, de ceux qu'elle a tant redouté toute sa vie, épaulée
jusqu'à la fin par un Eric toujours aussi follement amoureux de sa
femme qu'elle que fussent les conséquence physiques et comportementales liées à la
maladie. L'amour, le vrai...
Turks Fruit
est
loin du film vulgaire qu'il a l'air d'être. En réalité, il s'agit
d'une magnifique histoire d'amour liant un homme et une femme
jusqu'aux confins de la maladie et de la mort. Outre la présence de
Gerard Soeteman en tant que scénariste, on retrouve de nouveau à la
photographie, Jan de Bont, qui tomba sous le charme de l'actrice
Monique van de Ven qui interprète Olga durant le tournage. Quant au
personnage d'Eric, son interprète est l'acteur Hollandais Rutger
Hauer qui après Turks Fruit participera
ensuite à quatre autres longs-métrages de Paul Verhoeven...
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