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jeudi 7 avril 2016

La Pianiste de Michael Haneke (2001)




Erika Kohut a le visage douloureux. Les hommes qui ont émaillé son existence semblent avoir été rares.et quand à sa sexualité, elle la trouve dans les divers peep-shows et cinémas pornos qu'elle fréquente et dans lesquels elle semble trouver un exutoire à ses penchants morbides. Car en effet, derrière le verni d'une honnête carrière de professeur de piano au conservatoire de Vienne, elle cultive un goût immodéré pour les rapports masochistes, s'infligeant des sévices corporels par plaisir lorsqu'elle s'enferme dans la salle de bain de l'appartement qu'elle partage avec sa mère vieillissante. Un jour, alors qu'elle donne un concert privé à un public restreint dans un appartement bourgeois, elle fait la connaissance de Walter qui semble en très peu de temps obnubilé par la jeune femme et qui dès lors va lui vouer une adoration totale allant jusqu'à participer à un examen de passage qui lui permettra d'avoir le privilège de suivre ses cours privés de piano. Un prétexte qui lui servira en réalité à se rapprocher d'elle et pouvoir lui avouer en toute discrétion ses sentiments. Enjoué et d'une politesse extrême, Walter use de nombreux subterfuges pour parvenir à ses fins et malgré ses efforts il ne trouve en face de lui que le visage froid et inexpressif d'Erika. 
 
Un jour pourtant, et à force de volonté, Walter entrevoit l'espoir d'atteindre le coeur d'Erika lorsque d'une voix pourtant froide et monocorde celle-ci lui promet de faire tout ce qu'il voudra à condition qu'il lise d'abord la lettre qu'elle vient de lui écrire. C'est enfermé dans la chambre de cette dernière que Walter ouvre l'enveloppe et lit son contenu. Choqué, il la lit alors à voix haute et devant celle qu'il aime la lettre qui révèle son penchant pour le masochisme et son désir de le voir la frapper. D'abord déconcerté, il sourit, avant de se lever et de quitter l'appartement écœuré.
Plus tard, pourtant, il reviendra frapper à la porte d'Erika. Visiblement saoul et psychologiquement perturbé, il se montrera très violent envers elle...

Ce sujet particulièrement sulfureux est un cadeau merveilleux offert à Isabelle Huppert par Michael Haneke. Il lui permet de donner lieu à l'une de ses plus incroyables performances d'actrice. Elle arrive à travers son seul visage à faire passer de nombreuses émotions. Émotions qui ne se cantonnent pas uniquement au regard froid qu'elle offre à l'objectif de la caméra durant une bonne moitié du long métrage, mais qui livrent à travers de fugitifs changements d'humeur, un sourire, des larmes, tous livrés dans la douleur. Car le talent d'Isabelle Huppert est de nous faire accepter ce personnage particulièrement antipathique pour être, plus loin, touchant et émouvant. Dans un premier temps on préférera sans doute fuir cette femme aux penchants déviants et au masque froid, habité par une torpeur tout à fait glaçante. La voir se libérer dans un semblant d'épanouissement est tout à fait émouvant. Benoit Magimel quand à lui est formidable dans son rôle de jeune homme amoureux de son professeur de musique. Il allie la spontanéité de sa jeunesse à la folie de cet amour auquel il ne résiste pas. Il ne faut surtout pas oublier l'immense Annie Girardot qui nous offre ici l'un de ses derniers rôles.

Le talent de Michael Haneke est de nous emporter là où on ne l'attend pas forcément. Alors qu'Erika semble retrouver un semblant d'humanité, c'est à ce moment très précis que Walter s'effondre, rendu presque fou par ce jeu morbide vers lequel il se laisse glisser afin de contenter celle qu'il aime. La musique quand à elle, composée de titres classique signés Schubert, Rachmaninov ou encore Chopin participent à l'imprégnation du spectateur pour ce sujet fort qui demeure longtemps dans la conscience du spectateur.


Il y a des films qui laissent un goût amer, un goût d'inachevé. Le film d'Haneke laisse une forte impression de solitude, de tristesse et d'incompréhension. A l'image de la dernière scène lors de laquelle Isabelle Huppert se retrouve seule. Un femme que l'on aimerait accompagner dans cet absolu abandon ressenti lorsque le générique de fin prends possession de l'image.
Le film se révèle être une œuvre puissante. Tour à tour pessimiste et optimiste avant d'être irrémédiablement fataliste. Michael Haneke n'aime pas les belles fins. Il préfère la vérité crue à la romance cliché. Un grand film. Un grand cinéaste. D'immenses interprètes...

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