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dimanche 5 janvier 2025

Twisted Pair de Neil Breen (2018)

 


 

Véritable supplice de Tantale qui offrait au demeurant l'hypothèse d'un avènement post-Lynchien par une descendance sans aucun rapport d'un point de vue de l'ADN, Twisted Pair de Neil Breen s'abreuve d'une imagerie très contemporaine en abordant le sujet de l'Intelligence Artificielle quatre ans avant que Sam Altman, créateur de ChatGPT ne lance son produit sur le marché mondial. Alors que les fans de l'auteur de Eraserhead, Blue Velvet, The Lost Highway ou Inland Empire ou ceux du légendaire Tommy Wiseau (The Room) attendent (im)patiemment dans leur coin que l'un et l'autre reviennent sur le devant de la scène cinématographique, les premiers comprendront vite que l'usage de David Lynch, comme référence, est ici une nouvelle fois un leurre. C'est d'un autre David dont il s'agirait dans le cas de Twisted Pair de faire appel. Dans ses contours architecturaux, l'avant-dernier long-métrage de Neil Breen se distingue par des décors tristement vides, froids et cliniques comme en leur temps les Stereo (1969) et Crimes of the Future (1970) du canadien David Cronenberg. Mais cessons là toute comparaison car entre les deux hommes l'écart est tel que confronter leurs œuvres respectives serait pour l'un comme pour l'autre une conduite menant à la désillusion des fans du premier comme du second. L'on est donc beaucoup plus proche de l'univers de Tommy Wiseau dont l'on attend fébrilement le nouvel effort intitulé Big Shark. Maître incontesté et incontestable du nanar mégalomaniaque avec le film culte The Room dans lequel il profitait de son métier de réalisateur et d'interprète pour séduire son actrice principale, voilà qu'il trouve en la personne de Neil Breen un sérieux concurrent... Deux jours... Deux longues, très longues journées me contraignirent à cesser toute activité dans le domaine de la cinéphilie afin de me remettre de mes émotions. Sans être psychologiquement aussi éreintant que le chef-d’œuvre de Gaspar Noé Enter the Void, Twisted Pair a cette faculté très étonnante de bloquer le spectateur dans un état de sidération propre à certains Objets Filmiques Non Identifiés. Le talent et les moyens financiers en moins. Cybercriminalité, Intelligence Artificielle et Super-Héroïsme sont les points d'ancrage d'une œuvre totalement perchée dont l'essence repose sur l'ambition d'un homme fasciné par le septième art et qui par ses propres et maigres moyens tente de s'imposer comme un visionnaire. Si la plupart de celles et ceux qui eurent le ''malheur'' de tomber sur l'un ou l'autre de ces objets difficilement identifiables qui forment un concept pourtant globalement homogène sont demeurés froids devant l'indigence de la mise en scène, de l'interprétation et de tout ce qui constitue son aspect technique, les autres, aussi rares puissent-ils être, durent être tout comme moi happés par l'improbabilité de ce même concept.


Twisted Pair est réalisé, écrit, interprété, décoré, produit et distribué par Neil Breen lui-même, lequel s'est en outre chargé personnellement de la photographie, des costumes, de la partition musicale ou encore des effets-spéciaux. Bref, un artiste complet, quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense...


Ambitieux sur le papier mais au final très concrètement loupé une fois mis en images, Twisted Pair fait usage de technologies dans le domaine des effets-spéciaux que l'on n'imagine plus voir sur un grand écran de nos jours. Si les Stock-shots officiellement approuvés et reconnus par le réalisateur lui-même ne sont ici pas le principal fond de commerce de Neil Breen, le bonhomme, en revanche, multiplie les séquences tournées sur fond vert. S'agissant du récit, plutôt limpide dans ses premiers accords mais devenant difficile à cerner une fois le premier acte consommé, c'est le brouillard quasi total. Neil Breen y incarne le double rôle des jumeaux Cade et Cale qui dans leur prime jeunesse furent enlevés par des créatures que l'on peut identifier comme étant des extraterrestres. À leur retour sur Terre, l'un et l'autre sont dotés de super-pouvoirs afin de combattre le Mal. Mais Cale n'étant jamais parvenu à atteindre les attentes de ceux qui le pourvurent de ses nouvelles qualités se retrouvera déchu de tout pouvoir. Twisted Pair met donc en scène son frère Cade, lequel va s'opposer à Cuzzx (Greg Smith Burns), lequel prépare donc une cyberattaque. Parti de là, Twisted Pair déroule son improbable scénario. Rencontre entre les deux frangins à grands renforts d'effets-spéciaux ultra-cheap (comme à l'époque où faire se croiser un acteur et son double à l'image était encore purement théorique), relation intime avec Alana (Sara Meritt) dont Neil Breen joue sur le concept de proximité avec une touchante maladresse et actes d'héroïsmes visant à déjouer les plans de Cuzzx et de ses hommes. Pour être tout à fait honnête, rien ne va. Entre les décors figés et désespérément vides, des acteurs qui n'ont de métier que le nom, des effets-spéciaux et des décors d'une laideur rarement atteinte de nos jours, les défauts de Twisted Pair sont tellement nombreux qu'ils sont pratiquement inquantifiables. Au pire l'on aurait pu s'accommoder d'une telle indigence artistique si seulement l'histoire tenait à peu près debout. Mais alors que l'on pleure des larmes de sang devant ce désastre artistique, le récit est tellement confus que l'on finit par s'exaspérer et s'ennuyer devant ce spectacle ni fait ni à faire. C'est d'autant plus dommage qu'en poète de l'image surannée (voire faisandée), Neil Breen mérite mieux que le mépris de ceux qui ne comprennent pas son approche du cinéma. Un type vraiment à part et dont l’œuvre, hautement nanardesque, ferait office de pandémonium pour tout critique et tout lecteur de Télérama ! Véritable gourou involontaire (du moins espérons-le pour lui) du septième art sous l'éventuelle perfusion de drogues de toutes sortes, Neil Breen mérite bizarrement d'être connu... une fois que le spectateur se sera tout de même bourré le pif de quelques substances illicites. Histoire que le voyage soit moins pénible, s'entend...

 

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