Véritable supplice de
Tantale qui offrait au demeurant l'hypothèse d'un avènement
post-Lynchien par une descendance sans aucun rapport d'un point de
vue de l'ADN, Twisted Pair
de Neil Breen s'abreuve d'une imagerie très contemporaine en
abordant le sujet de l'Intelligence Artificielle quatre ans avant que
Sam Altman, créateur de ChatGPT
ne lance son produit sur le marché mondial. Alors que les fans de
l'auteur de Eraserhead,
Blue Velvet,
The Lost Highway
ou Inland Empire
ou ceux du légendaire Tommy Wiseau (The Room)
attendent (im)patiemment dans leur coin que l'un et l'autre
reviennent sur le devant de la scène cinématographique, les
premiers comprendront vite que l'usage de David Lynch, comme
référence, est ici une nouvelle fois un leurre. C'est d'un autre
David dont il s'agirait dans le cas de Twisted
Pair
de faire appel. Dans ses contours architecturaux, l'avant-dernier
long-métrage de Neil Breen se distingue par des décors tristement
vides, froids et cliniques comme en leur temps les Stereo
(1969) et Crimes of the Future
(1970) du canadien David Cronenberg. Mais cessons là toute
comparaison car entre les deux hommes l'écart est tel que
confronter leurs œuvres respectives serait pour l'un comme pour
l'autre une conduite menant à la désillusion des fans du premier
comme du second. L'on est donc beaucoup plus proche de l'univers de
Tommy Wiseau dont l'on attend fébrilement le nouvel effort intitulé
Big Shark.
Maître incontesté et incontestable du nanar mégalomaniaque avec le
film culte The Room
dans lequel il profitait de son métier de réalisateur et
d'interprète pour séduire son actrice principale, voilà qu'il
trouve en la personne de Neil Breen un sérieux concurrent... Deux
jours... Deux longues, très longues journées me contraignirent à
cesser toute activité dans le domaine de la cinéphilie afin de me
remettre de mes émotions. Sans être psychologiquement aussi
éreintant que le chef-d’œuvre de Gaspar Noé Enter
the Void,
Twisted Pair
a cette faculté très étonnante de bloquer le spectateur dans un
état de sidération propre à certains Objets
Filmiques
Non
Identifiés.
Le talent et les moyens financiers en moins. Cybercriminalité,
Intelligence Artificielle et Super-Héroïsme sont les points
d'ancrage d'une œuvre totalement perchée dont l'essence repose sur
l'ambition d'un homme fasciné par le septième art et qui par ses
propres et maigres moyens tente de s'imposer comme un visionnaire. Si
la plupart de celles et ceux qui eurent le ''malheur'' de tomber sur
l'un ou l'autre de ces objets difficilement identifiables qui forment
un concept pourtant globalement homogène sont demeurés froids
devant l'indigence de la mise en scène, de l'interprétation et de
tout ce qui constitue son aspect technique, les autres, aussi rares
puissent-ils être, durent être tout comme moi happés par
l'improbabilité de ce même concept.
Twisted Pair est réalisé, écrit, interprété, décoré, produit et distribué par Neil Breen lui-même, lequel s'est en outre chargé personnellement de la photographie, des costumes, de la partition musicale ou encore des effets-spéciaux. Bref, un artiste complet, quoi qu'on en dise, quoi qu'on en pense...
Ambitieux
sur le papier mais au final très concrètement loupé une fois mis
en images, Twisted Pair
fait usage de technologies dans le domaine des effets-spéciaux que
l'on n'imagine plus voir sur un grand écran de nos jours. Si les
Stock-shots
officiellement approuvés et reconnus par le réalisateur lui-même
ne sont ici pas le principal fond de commerce de Neil Breen, le
bonhomme, en revanche, multiplie les séquences tournées sur fond
vert. S'agissant du récit, plutôt limpide dans ses premiers accords
mais devenant difficile à cerner une fois le premier acte consommé,
c'est le brouillard quasi total. Neil Breen y incarne le double rôle
des jumeaux Cade et Cale qui dans leur prime jeunesse furent enlevés
par des créatures que l'on peut identifier comme étant des
extraterrestres. À leur retour sur Terre, l'un et l'autre sont dotés
de super-pouvoirs afin de combattre le Mal. Mais Cale n'étant jamais
parvenu à atteindre les attentes de ceux qui le pourvurent de ses
nouvelles qualités se retrouvera déchu de tout pouvoir. Twisted
Pair
met donc en scène son frère Cade, lequel va s'opposer à Cuzzx
(Greg Smith Burns), lequel prépare donc une cyberattaque. Parti de
là, Twisted Pair
déroule son improbable scénario. Rencontre entre les deux frangins
à grands renforts d'effets-spéciaux ultra-cheap (comme à l'époque
où faire se croiser un acteur et son double à l'image était encore
purement théorique), relation intime avec Alana (Sara Meritt) dont
Neil Breen joue sur le concept de proximité avec une touchante
maladresse et actes d'héroïsmes visant à déjouer les plans de
Cuzzx et de ses hommes. Pour être tout à fait honnête, rien ne va.
Entre les décors figés et désespérément vides, des acteurs qui
n'ont de métier que le nom, des effets-spéciaux et des décors
d'une laideur rarement atteinte de nos jours, les défauts de Twisted
Pair
sont tellement nombreux qu'ils sont pratiquement inquantifiables. Au
pire l'on aurait pu s'accommoder d'une telle indigence artistique si
seulement l'histoire tenait à peu près debout. Mais alors que l'on
pleure des larmes de sang devant ce désastre artistique, le récit
est tellement confus que l'on finit par s'exaspérer et s'ennuyer
devant ce spectacle ni fait ni à faire. C'est d'autant plus dommage
qu'en poète de l'image surannée (voire faisandée), Neil Breen
mérite mieux que le mépris de ceux qui ne comprennent pas son
approche du cinéma. Un type vraiment à part et dont l’œuvre,
hautement nanardesque, ferait office de pandémonium pour tout
critique et tout lecteur de Télérama !
Véritable gourou involontaire (du moins espérons-le pour lui) du
septième art sous l'éventuelle perfusion de drogues de toutes
sortes, Neil Breen mérite bizarrement d'être connu... une fois que
le spectateur se sera tout de même bourré le pif de quelques
substances illicites. Histoire que le voyage soit moins pénible,
s'entend...
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