Après avoir tourné son
premier long-métrage Les cowboys
en 2015 et avoir participé au film à sketchs Selfie
quatre ans plus tard à travers le segment Vlog,
le réalisateur et scénariste français Thomas Bidegain est revenu
cette année avec une œuvre d'un tout autre genre. Le type de
long-métrage particulièrement tendu et qui plus encore que sur la
mise en scène repose sur l'interprétation de ses deux seuls
acteurs, Mélanie Thierry et Gilles Lellouche. Si de prime abord le
genre Survival
est majoritairement inspiré par un certain nombre d'œuvres
horrifiques produites outre-atlantique, en Australie, ou sur d'autres
recoins de la planète méconnus, dans un désert où la présence
humaine est prétendument absente ou dans n'importe quelle forêt
abritant une quelconque menace, il faut en fait voir beaucoup plus
loin que le Délivrance
de John Boorman, le Massacre à la tronçonneuse
de Tobe Hooper, La colline a des yeux
de Wes Craven ou la franchise Wrong Turn
réalisée par divers cinéastes. Qu'il s'agisse de drame, de
science-fiction, d'épouvante ou d'aventure, tous les héros sont
généralement logés à la même ancienne et sont donc contraints de
survivre face à des menaces d'ordre naturel, climatique, matériel
ou physiologique (manque d'eau et de nourriture). En ce sens,
Soudains seuls
est le premier (ou l'un des premiers) exemple de film français
sortant de carcan étriqué de l'horreur pour oser s'aventurer dans
cet enfer blanc que peuvent très rapidement devenir les côtes
antarctiques. Bien que Laura (Mélanie Thierry) ne soit pas très
chaude à l'idée de faire un détour avant que son couple ne se
rende en Amérique du sud, la jeune femme accepte malgré tout
d'accompagner Ben (Gilles Lellouche) jusqu'à une usine baleinière
désaffectée et dans un état déplorable. A bord de leur voilier,
ils se dirigent donc vers une île magnifique et sauvage, balayée
par le vent et où nulle trace de vie n'est présente sur place en
dehors d'un groupe important de manchots. Jusqu'ici, tout va bien.
Laura et Ben accostent puis partent se promener dans les hauteurs de
l’île. Mais très vite, un orage gronde au loin, des nuages
sombres et menaçants se rapprochent alors très rapidement du couple
qui décide finalement de rebrousser chemin. Malheureusement, Laura
et Ben constatent à leur retour sur la berge que le voilier a
disparu. Condamné à demeurer sur l'île jusqu'à l'hypothétique
arrivée des secours, le couple va devoir survivre en s'adaptant à
ce milieu particulièrement hostile..
On
l'aura compris, c'est à un tout autre type d'horreur ou plutôt
d'effroi que nous convie Soudains seuls.
Inspiré du roman éponyme de la navigatrice Isabelle Autissier
publié en 2015 et donc adapté près d'une décennie plus tard pour
le grand écran, le long-métrage de Thomas Bidegain est une œuvre
absolument remarquable et terriblement efficace qui ne souffre jamais
de sa durée approchant les cent-dix minutes. La mise en scène
pointilleuse du réalisateur mais aussi et surtout la performance du
duo d'interprètes transforme cette aventure humaine hors du commun
en un périple cauchemardesque auquel va s'ajouter la houleuse
relation entre un homme et une femme dont les rapports laissent
d'emblée envisager qu'ils sont en ''fin de cycle''. Il faut savoir
qu'à l'origine et en lieu et place de Mélanie Thierry et Gilles
Lellouche, Vanessa Krby et Jake Gyllenhaal furent les premiers
acteurs à être pressentis pour les rôles de Laura et Ben pour une
œuvre qui à l'origine devait s'appeler Suddenly.
Mais l'attitude déplorable de ce dernier fit capoter le projet qui
fut malgré tout relancé un an plus tard pour prendre la forme telle
que nous la connaissons désormais. Tourné entre le Finistère et
l'Islande, Soudain seuls,
c'est tout d'abord des décors à couper le souffle. Des roches
tantôt noires comme le charbon, tantôt comparables à l'écorce de
l'eucalyptus deglupta. Des icebergs également, de couleur blanche ou
parfois d'un bleu remarquable. Et puis, un décor planté sur place,
amalgame de métaux rouillés qui va servir de toit au couple. Entre
drame intimiste voyant une femme et son compagnon se déchirer avant
de se rabibocher et survival dont le rendu est exceptionnel, Soudains
seuls repose
notamment sur le délitement physiologique et intellectuel du couple.
Les visages et les corps s’abîment, entre le froid qui s'attaque à
l'épiderme et le péril qui dégrade les sentiments. Un moment de
grâce porté par deux excellents acteurs et par un cinéaste de
talent qui retranscrivent tous les trois le cauchemar vécu par les
deux seuls personnages que l'on rencontrera durant l'aventure. Bref,
Soudain seuls
est une aventure de l'extrême fort convaincante et qui mettrait
presque finalement au pilori Seul au monde
de Robert Zemeckis qui, en fin de compte, paraît fort ''gentil'' en
comparaison...
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