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jeudi 7 novembre 2024

Soudain seuls de Thomas Bidegain (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Après avoir tourné son premier long-métrage Les cowboys en 2015 et avoir participé au film à sketchs Selfie quatre ans plus tard à travers le segment Vlog, le réalisateur et scénariste français Thomas Bidegain est revenu cette année avec une œuvre d'un tout autre genre. Le type de long-métrage particulièrement tendu et qui plus encore que sur la mise en scène repose sur l'interprétation de ses deux seuls acteurs, Mélanie Thierry et Gilles Lellouche. Si de prime abord le genre Survival est majoritairement inspiré par un certain nombre d'œuvres horrifiques produites outre-atlantique, en Australie, ou sur d'autres recoins de la planète méconnus, dans un désert où la présence humaine est prétendument absente ou dans n'importe quelle forêt abritant une quelconque menace, il faut en fait voir beaucoup plus loin que le Délivrance de John Boorman, le Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, La colline a des yeux de Wes Craven ou la franchise Wrong Turn réalisée par divers cinéastes. Qu'il s'agisse de drame, de science-fiction, d'épouvante ou d'aventure, tous les héros sont généralement logés à la même ancienne et sont donc contraints de survivre face à des menaces d'ordre naturel, climatique, matériel ou physiologique (manque d'eau et de nourriture). En ce sens, Soudains seuls est le premier (ou l'un des premiers) exemple de film français sortant de carcan étriqué de l'horreur pour oser s'aventurer dans cet enfer blanc que peuvent très rapidement devenir les côtes antarctiques. Bien que Laura (Mélanie Thierry) ne soit pas très chaude à l'idée de faire un détour avant que son couple ne se rende en Amérique du sud, la jeune femme accepte malgré tout d'accompagner Ben (Gilles Lellouche) jusqu'à une usine baleinière désaffectée et dans un état déplorable. A bord de leur voilier, ils se dirigent donc vers une île magnifique et sauvage, balayée par le vent et où nulle trace de vie n'est présente sur place en dehors d'un groupe important de manchots. Jusqu'ici, tout va bien. Laura et Ben accostent puis partent se promener dans les hauteurs de l’île. Mais très vite, un orage gronde au loin, des nuages sombres et menaçants se rapprochent alors très rapidement du couple qui décide finalement de rebrousser chemin. Malheureusement, Laura et Ben constatent à leur retour sur la berge que le voilier a disparu. Condamné à demeurer sur l'île jusqu'à l'hypothétique arrivée des secours, le couple va devoir survivre en s'adaptant à ce milieu particulièrement hostile..


On l'aura compris, c'est à un tout autre type d'horreur ou plutôt d'effroi que nous convie Soudains seuls. Inspiré du roman éponyme de la navigatrice Isabelle Autissier publié en 2015 et donc adapté près d'une décennie plus tard pour le grand écran, le long-métrage de Thomas Bidegain est une œuvre absolument remarquable et terriblement efficace qui ne souffre jamais de sa durée approchant les cent-dix minutes. La mise en scène pointilleuse du réalisateur mais aussi et surtout la performance du duo d'interprètes transforme cette aventure humaine hors du commun en un périple cauchemardesque auquel va s'ajouter la houleuse relation entre un homme et une femme dont les rapports laissent d'emblée envisager qu'ils sont en ''fin de cycle''. Il faut savoir qu'à l'origine et en lieu et place de Mélanie Thierry et Gilles Lellouche, Vanessa Krby et Jake Gyllenhaal furent les premiers acteurs à être pressentis pour les rôles de Laura et Ben pour une œuvre qui à l'origine devait s'appeler Suddenly. Mais l'attitude déplorable de ce dernier fit capoter le projet qui fut malgré tout relancé un an plus tard pour prendre la forme telle que nous la connaissons désormais. Tourné entre le Finistère et l'Islande, Soudain seuls, c'est tout d'abord des décors à couper le souffle. Des roches tantôt noires comme le charbon, tantôt comparables à l'écorce de l'eucalyptus deglupta. Des icebergs également, de couleur blanche ou parfois d'un bleu remarquable. Et puis, un décor planté sur place, amalgame de métaux rouillés qui va servir de toit au couple. Entre drame intimiste voyant une femme et son compagnon se déchirer avant de se rabibocher et survival dont le rendu est exceptionnel, Soudains seuls repose notamment sur le délitement physiologique et intellectuel du couple. Les visages et les corps s’abîment, entre le froid qui s'attaque à l'épiderme et le péril qui dégrade les sentiments. Un moment de grâce porté par deux excellents acteurs et par un cinéaste de talent qui retranscrivent tous les trois le cauchemar vécu par les deux seuls personnages que l'on rencontrera durant l'aventure. Bref, Soudain seuls est une aventure de l'extrême fort convaincante et qui mettrait presque finalement au pilori Seul au monde de Robert Zemeckis qui, en fin de compte, paraît fort ''gentil'' en comparaison...

 

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