À l'origine du dernier
long-métrage interprété et réalisé par Daniel Auteuil, un texte
écrit par l'avocat Jean-Yves Moyart sous le pseudonyme de Maître
Mö, intitulé Au Guet-apens et
publié pour la première fois en 2011. Il s'agissait à l'époque
d'un récit tournant autour d'une authentique affaire criminelle et
judiciaire au centre de laquelle l'avocat fut chargé de défendre un
certain Ahmed, alors père de six enfants et accusé d'avoir
assassiné son épouse prénommée Geneviève. Depuis, Jean-Yves
Moyart est mort d'un cancer en 2021 à l'âge de cinquante-trois
ans. Daniel Auteuil lui rend ainsi hommage à travers Le
fil,
l'adaptation du texte écrit treize ans auparavant. Œuvre dans
laquelle l'acteur se met lui-même en scène dans le rôle de
l'avocat tandis que Grégory Gadebois enfile le costume de l'accusé
dont le nom a bien entendu été modifié. Doux, très proche de ses
enfants, Nicolas Milik est un jour arrêté par la police et très
rapidement soupçonné d'avoir tué sa femme retrouvée morte dans un
terrain vague. Régulièrement prise de boisson, celle-ci a
effectivement été retrouvée la gorge tranchée. Son meilleur ami
Roger Marton (Gaëtan Roussel) lui non plus n'a pas échappé à la
justice puisqu'il est en prison, soupçonné à son tour d'avoir
participé au meurtre de l'épouse de Nicolas Milik. Touché par ce
dernier, Maître Jean Monier décide de prendre sa défense alors
qu'il n'a plus exercé depuis de nombreuses années. Malgré l'avis
de sa compagne, l'avocate Annie Debret (l'actrice danoise Sidse
Babett Knudsen), Jeam rendosse son apparat d'avocat et va durant
trois jours tenter de convaincre le juge, l'avocate générale et les
jurés de l'innocence de son client. Vingt-deux ans après avoir
incarné le rôle principal du glaçant L'adversaire
de Nicole Garcia qui déjà s'inspirait de l'histoire véridique du
faux docteur Jean-Claude Romand mais vrai mythomane et assassin de
ses deux enfants, de sa femme et de ses deux parents, Daniel Auteuil
prend cette fois-ci le parti d'incarner l'homme de loi chargé de
défendre l'assassin supposé d'une femme alcoolique.
Le
concept du Fil
veut que le long-métrage soit en grande partie filmé en vase clos.
Le titre du film se réfère à cet indice qui semble indéniablement
prouver la culpabilité de l'accusé. Un fil placé sous l'ongle de
la victime et qui ne pouvait y être vraisemblablement présent que
si l'incriminé se trouvait effectivement sur les lieux du crime.
Sobre tout en étant scrupuleusement détaillée, l’œuvre de
Daniel Auteuil n'encombre jamais le matériau de base d'événements
par trop sensationnels. Tout ici est histoire de vérité, dans un
contexte sinon austère, du moins typique d'un procès criminel tel
qu'on peut l'imaginer dans la vie réelle. Portant le film à bout de
bras puisqu'à défaut, Grégory Gadebois interprète un accusé
économe en paroles, l'acteur et réalisateur campe un avocat très
convaincant et dont le professionnalisme malgré des années sans
avoir pratiqué est capable d'opposer un point de vue crédible face
à des éléments qui paraissent inattaquables... Le récit est tendu
et le spectateur mène sa propre enquête intérieure, se posant la
question de la culpabilité tandis qu'en face de l'avocat et de son
client, la délicieuse Alice Belaïdi incarne une avocate générale
dure et implacable. Dans le rôle d'Adèle Houri, l'actrice incarne
une magistrate tentant de convaincre les jurés de la culpabilité de
l'accusé. Alice Belaïdi et Daniel Auteuil s'adonnent alors à un
fascinant jeu d'opposition entre accusation et défense. Chacun
argumentant de manière convaincante et laissant ainsi planer le
doute jusqu'au bout. Les rebondissements ne sont pas rares même
s'ils surviennent de manière logique en dehors d'une conclusion qui
peut s'avérer être pour certains spectateurs, tout à fait
inattendue. Daniel Auteuil signe une réalisation et une
interprétation dignes de la sobriété qu'exige la présence d'un
public dans l'enceinte d'un tribunal. Notons enfin la présence à
l'image de l'actrice Isabelle Candelier dans le rôle de l'implacable
juge Violette Mangin ou celle d'Aurore Auteuil, fille de Daniel
Auteuil, à laquelle son père offre le rôle d'Audrey Girard, la
sœur de la victime...
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