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mardi 23 juillet 2024

Pas de vague de Teddy Lussi-Modeste (2024) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Pour son troisième long-métrage intitulé Pas de vague, le réalisateur, scénariste et ancien professeur de français Teddy Lussi-Modeste met en scène l'acteur François Civil dans le rôle de Julien, prof de lettres respecté de ses élèves qui un jour apprend que parmi eux, la jeune Leslie (Toscane Duquesne) l'accuse de harcèlement. Auteur du script aux côtés de la romancière franco-libanaise Audrey Diwan, le réalisateur sait très précisément de quoi il parle puisque au temps de sa propre carrière de professeur d'un collège situé à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis, il fut lui-même au centre d'un fait-divers où injustement accusé il se senti notamment menacé par les grands frères d'une adolescente de treize ans qui la poussèrent à porter plainte. Protégé par certains collègues qui l'accompagnèrent alors chaque jour jusqu'au métro, Teddy Lussi-Modeste eut fort à craindre pour son intégrité physique ainsi que pour la leur. Bien des années plus tard, marqué par cette douloureuse expérience, le voici enfin près à exorciser cet épisode de son existence. Mais pas seulement puisque Pas de vague s'inscrit très clairement dans le mouvement de libération de la parole des professeurs, lesquels doivent faire généralement face à un mur du silence propre à une hiérarchie de l'enseignement qui, comme le proclame très justement le titre du film, préfère ne pas faire de vague. François Civil incarne donc un personnage directement rattaché au réalisateur et aux événements qu'il subit à l'époque. Le film évoque les difficultés rencontrées par ce prof habituellement très proche de ses élèves, une condition qui aura d'ailleurs tendance à lui être reprocher. D'où cette absurdité crasse qui se dégage de l'analyse comportementale du ''sujet'' autour duquel toute l'intrigue repose.


Du proviseur qui semble manifester un désintérêt pour l'un de ses professeurs jusqu'aux élèves de Julien dont la plupart va d'emblée afficher une certaine hostilité, voire de la moquerie, envers lui. Le courage ici provient donc moins de l'institution qui logiquement doit aider les élèves MAIS AUSSI ses enseignants que de cet homme qui jusqu'au bout se battra pour qu'éclate la vérité. De manière sobre mais aussi parfois glaçante, Teddy Lussi-Modeste signe une œuvre portant sur un sujet délicat où les événements s'enchaînent de telle sorte que le héros semble s'enfoncer inexorablement dans un puits sans fond. D'une certaine manière, le film met également en exergue un autre sujet même si à l'époque des faits les médias et les réseaux sociaux promulguaient les premiers balbutiants du phénomène Meeto depuis peu de temps. S'il est devenu presque quotidien d'entendre parler d'agressions physiques ou sexuelles envers les femmes, nombre de ''stars'' de la chanson ou du cinéma se faisant les témoins personnels ou les portes-drapeaux du dit phénomène, Pas de vague pourrait être envisagé par certaines de ces mêmes personnalités ivres de buzz et de reconnaissance (le genre pour qui briller à nouveau devant les caméras est un besoin nécessaire) comme le mauvais élève d'un cinéma sociologique très contemporain. Où l'on juge avant de savoir. Où l'on condamne avant même que les premières preuves n'apparaissent. Comme l'évoquait si bien Teddy Lussi-Modeste lors de son entretien pour le journal Le Monde donné fin mars, « Dans cette histoire, il n’y a pas un coupable et une victime, mais deux victimes ». Nous pourrions même ajouter qu'il en demeure davantage. Des professeurs aux élèves qui malgré eux perdent confiance, des parents qui s'inquiètent pour une simple sortie scolaire, du compagnon de Julien ou de leur entourage proche, toutes celles et ceux qui orbitent autour de ce professeur injustement accusé sont indirectement touchés. Bref, en ayant été personnellement la victime du sort accordé à son principal protagoniste, Teddy Lussi-Modeste était très certainement le mieux placé pour évoquer son calvaire. En résulte une œuvre très forte et formidablement incarnée par François Civil qui à cette occasion troque son costume de ''bouffon'' pour celui de tragédien...

 

1 commentaire:

  1. Ah, que c'est bon le cinéma qui nous fait nous évader du quotidien et de l'actualité anxiogène... :-)

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