À ses détracteurs qui
pourraient lui reprocher de se foutre un peu de son public, Quentin
Dupieux leur répond avec Daaaaali !
de la plus originale des façons. De la seule manière que le
réalisateur, scénariste et musicien puisse d'ailleurs l'envisager.
Sur ce ton absurde dont il fait la matière première de son œuvre,
qu'il écrive et tourne sous son propre nom ou qu'il compose sous
celui de Mr Oizo.
Égocentrique et individualiste, on peut se poser la question quant à
savoir comment aurait perçu le maître du surréalisme espagnol
Salvator Dali, l'avant-dernier long-métrage du cinéaste français
qui à travers Daaaaali ! ne
signe non pas un biopic mais un véritable hommage à cet artiste
hors norme qui pouvait tout aussi bien agacer que fasciner.
L'univers de Salvatore Dali qui de son vivant semblait ne tourner
qu'autour de sa propre personne prend vie à travers cette œuvre
courte et qu'aucun autre que Quentin Dupieux était sans doute en
droit de mettre en scène. Parce que l'un et l'autre de ces deux
artistes semblent compléter le travail de chacun. Le long-métrage
du français faisant partie intégrante du ton qu'il a toujours donné
à son art, celui-ci ne pouvait qu'être à l'origine d'un tel
projet. Réalisé avec l'humilité de l'élève qui ne cherche pas à
s'élever à la hauteur du maître tout en approchant de son art avec
un infini respect, Daaaaali ! peut
s'envisager sous l'angle d'une conversation entre le peintre et le
cinéaste au sujet d'un projet fictif qui aurait vu le jour longtemps
après leur entretien et donc évidemment, de manière posthume. De
cet univers personnel où il est parti se réfugier par delà la
mort, Salvatore Dali regarde sans doute ses contemporains d'un
mauvais œil, lesquels façonnent un monde bien différent de celui
qu'il avait rêvé, imaginé et qui envahissait tant et si bien ses
pensées qu'il en fit l’œuvre de toute une vie. À travers
Daaaaali !,
Quentin Dupieux rend un respectueux hommage à l'artiste espagnol
tout en se contentant d'en prélever le grain de folie qui le rendit
en partie si célèbre de par le monde. Le français n'en n'oublie
cependant pas d'y intégrer son propre univers fait d'absurdes
phantasmes.
Comme
cette pluie de chiens, la séance de tir aux pigeons ou plus encore
l'incarnation du maître, démultiplié autant de fois qu'il semble à
Quentin Dupieux que cela soit nécessaire. C'est là tout l'art de
réunir des interprètes capables de s'oublier un instant pour se
fondre dans la peau d'un homme qui lui, était bien incapable d'en
faire autant. Passé le sujet, l'occasion est ensuite donnée de
constater la valeur des uns et des autres qui parfois étonnent ou
peuvent décevoir. Il demeure dans ce Dupieux, de bons Dali(s) et
d'autres beaucoup moins convaincants. La raison pour laquelle,
peut-être, ces derniers sont-ils d'ailleurs moins exposés devant la
caméra que les premiers. Après être ironiquement entré en
connexion cosmique avec Salvator Dali, Quentin Dupieux entend
''respecter'' les ''désirs'' de l'artiste, trop complexe pour qu'un
seul acteur l'interprète à l'image. C'est donc la raison principale
pour laquelle n'apparaissent à l'écran pas un, ni deux, ni trois
mais SIX Dali(i). Des plus anodins, incarnés par un Gilles Lellouche
et un Pio Marmaï difficilement convaincants et plus véritablement
dans la peau d'imitateurs que d'incarnations ! En passant par
Boris Gillot et Didier Flamand qui eux s'en sortent plutôt pas mal
malgré leurs courtes apparitions, et jusqu'aux brillants Édouard
Baer et Jonathan Cohen qui de leur côté portent véritablement le
personnage et le film vers les cieux... Face à une Anaïs Demoustier
dans le rôle de la journaliste/boulangère Judith, personnage à
l'aune de l'actrice elle-même puisque l'une et l'autre sont
incontestablement écrasées par la double performance d'Édouard
Baer et de Jonathan Cohen, les deux acteurs font parfaitement
illusion et donnent en partie son sens au projet. Faire revivre l'un
des artistes les plus iconiques et les plus fascinants du
surréalisme. En résulte une œuvre folle, touchante, maîtrisée et
donc forcément trop courte. Chose que l'on ne reprocha pas
systématiquement à Quentin Dupieux par le passé. Mais ici, nous
n'aurions pas été contre une bonne portion de rab...
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